
26/09/2025
Alors que beaucoup voient dans le jugement un complot ourdi contre l’ex-président, la décision est bien plus étoffée que ce qu’en disent ses détracteurs.
PRISON – Jeudi 25 septembre, palais de Justice de Paris. Au terme d’une très longue procédure ayant respecté le cadre juridique et préservé l’ensemble des droits de la défense, le tribunal a condamné Nicolas Sarkozy pour association de malfaiteurs dans la tentaculaire affaire du financement libyen.
Pour les trois magistrats qui ont pris cette décision, il s’agit de faits « d’une gravité exceptionnelle, de nature à altérer la confiance des citoyens dans ceux qui les représentent et sont censés agir dans le sens de l’intérêt général, mais aussi dans les institutions mêmes de la République ». Ce qui justifie, à leurs yeux, la lourde peine infligée à l’ancien président de la République : cinq ans de prison ferme avec mandat de dépôt, assorti d’une exécution provisoire.
Mais non. C’est une musique bien différente qui se fait entendre où le refrain entonné est celui d’un traitement injuste réservé à Nicolas Sarkozy. La justice serait politique, et la décision inique.
Oublier l’essentiel
Dans L’Opinion, Catherine Nay, pourtant familière des affres du pouvoir, verse ainsi dans l’analyse psychologique : les juges n’auraient jamais digéré d’avoir été qualifiés de « petits pois » par Nicolas Sarkozy il y a quasiment vingt ans. De quoi ourdir plus d’une décennie de vengeance judiciaire ayant pour unique finalité de l’envoyer au cachot, qu’importe le droit (et les 380 pages motivant la décision). Ce raisonnement conspirationniste permet d’oublier l’essentiel : les raisons qui ont conduit Nicolas Sarkozy et sa garde rapprochée à se retrouver dans pareille situation.
Car, au-delà du seul cas de l’ancien chef de l’État, d’autres prévenus ont eu droit à un traitement équivalent. L’homme d’affaires Alexandre Djouhri ? Six ans de prison avec mandat de dépôt immédiat et une amende de trois millions d’euros. Le banquier Wahib Nacer ? Quatre ans de prison et deux millions d’euros d’amende. On peut aussi citer les plus proches collaborateurs de Nicolas Sarkozy à l’époque des faits : six ans de prison pour Claude Guéant (son directeur de cabinet sur la période) pour corruption, trafic d’influence passif ou encore faux et usage de faux. Mais aussi Brice Hortefeux : deux ans de prison aménageable. Dans ce contexte, et au regard de l’épaisseur du dossier, difficile d’imaginer que tout ceci résulte de l’imagination perverse d’une caste judiciaire avide de sang sarkozyste.
Autre argument : faire de l’association de malfaiteurs un chef d’accusation bien commode pour reprocher à quelqu’un l’intention d’un délit qu’il n’a pas commis. Or, le Code pénal est limpide : « Constitue une association de malfaiteurs tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement. ».
Selon le tribunal, Nicolas Sarkozy a « laissé ses proches collaborateurs et soutiens politiques sur lesquels il avait autorité » solliciter les autorités libyennes « afin d’obtenir ou tenter d’obtenir des soutiens financiers en Libye en vue d’obtenir le financement » de sa campagne de 2007. Voilà qui correspond précisément à l’association de malfaiteurs telle que définie par le législateur.
« Corruption au plus haut niveau »
Reste alors le débat sur le mandat de dépôt avec exécution provisoire, et la question qui en résulte : était-il vraiment nécessaire d’envoyer un ancien président de la République sous les verrous alors qu’il fait appel de la décision ?
Pour le tribunal, « l’exceptionnelle gravité des faits et le quantum des peines rendent nécessaire le prononcé d’un mandat de dépôt ». Quant à l’exécution provisoire, actant le destin carcéral de Nicolas Sarkozy, elle est jugée « indispensable pour garantir l’effectivité de la peine au regard de l’importance du trouble à l’ordre public causé par l’infraction ». Les chiffres du ministère de la Justice confirment d’ailleurs que dans 86 % des cas, les personnes condamnées à cinq ans de prison vont bien derrière les barreaux.
C’est ici que se loge le cœur du problème, souvent ignoré par les détracteurs de l’institution judiciaire ou les partisans d’une justice d’exception : la gravité des faits expliquant la sévérité de la peine. Car selon la justice, l’association de malfaiteurs à laquelle Nicolas Sarkozy a participé « avait pour objectif de préparer une corruption au plus haut niveau possible lorsqu’il serait élu président de la République, chargé de veiller au respect de la Constitution et garant de l’indépendance nationale ». Autrement dit : l’ancien chef de l’État est ici accusé d’avoir mis en danger l’intégrité de la nation. Ce qui n’est pas rien.
Que cet argent soit arrivé (ou non) dans sa campagne présidentielle (ce que la justice n’a pas pu démontrer et qui a donc provoqué la relaxe pour plusieurs chefs d’accusation) ne change rien à l’affaire, la justice considérant qu’il s’est mis en situation de corruptibilité. Ce qui, à l’échelle d’un favori à l’élection suprême, est effectivement gravissime, au regard des implications, nationales et internationales, qui peuvent en découler.
Et apparaît un peu plus solide qu’un « procès politique » ayant pour but de punir une personnalité qui, par ailleurs, n’a plus de rôle actif dans les affaires publiques. C’est pourtant ainsi que ceux qui s’élèvent contre la sanction interprètent le sort réservé à Nicolas Sarkozy. En allant, pour certains, jusqu’à demander une grâce présidentielle. Autant réclamer d’emblée l’impunité des responsables politiques et la mise au pas de l’institution judiciaire.
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