
Le tribunal judiciaire a rendu jeudi sa décision dans l’affaire du financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy pour l’élection présidentielle de 2007. L’ancien chef de l’État a notamment été condamné à cinq ans de prison, avec mandat de dépôt à effet différé, pour association de malfaiteurs. Récit en direct avec les journalistes de Mediapart sur place.
Nicolas Sarkozy : cinq ans de prison avec mandat de dépôt différé, 100 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire. Nicolas Sarkozy va faire appel.
Claude Guéant : six ans de prison et 250 000 euros d’amende. Il fait appel.
Brice Hortefeux : deux ans de prison, 50 000 euros d’amende, cinq ans d’inéligibilité. Brice Hortefeux va faire appel.
Alexandre Djouhri : six ans de prison, avec mandat de dépôt, et 3 millions d’euros d’amende. Il fait appel.
Wahib Nacer : quatre ans de prison avec mandat de dépôt et 2 millions d’euros d’amende.
Khalid Bugshan : cinq ans de prison et 4 millions d’euros d’amende.
Bachir Saleh : cinq ans de prison et 4 millions d’euros d’amende.
Le Parquet national financier va faire appel.
Si le ministère public ne formait pas d’appel incident du recours de l’ex-chef de l’Etat, ce dernier ne pourrait pas être condamné en appel à une peine supérieure à celle reçue en première instance.
Avec un appel du parquet, quasi automatique en cas d’appel d’un condamné, la cour d’appel de Paris bénéficiera ainsi de toute liberté d’appréciation de la peine de Nicolas Sarkozy en cas de nouvelle déclaration de culpabilité.
Actuellement en cours d’enregistrement, notre émission spéciale « À l’air libre » sera diffusée ce soir en accès libre, à partir de 19 heures, pour décrypter le jugement du tribunal de Paris et tirer les premiers enseignements d’une affaire hors norme.
Nos invité·es :
- Fabrice Arfi, coresponsable du pôle enquêtes de Mediapart, auteur avec Karl Laske des enquêtes sur l’affaire libyenne ;
- Vincent Brengarth, avocat de l’ONG Sherpa ;
- Danièle Klein, proche d’une des victimes de l’attentat de l’avion DC-10 d’UTA en 1999 ;
- Ludovic Friat, président de l’Union syndicale des magistrats (USM).
Le président de la région Provence-Alpes Côtes d’Azur Renaud Muselier a quitté Les Républicains (LR) pour rejoindre Renaissance. Il n’en reste pas moins un des soutiens les plus exubérants de Nicolas Sarkozy.
« Je dois me maitriser pour ne pas me faire submerger par un sentiment d’injustice trop fort », a déclaré l’ancien secrétaire d’État aux affaires étrangères au début des années 2000. Tout y passe : « Pendant ce temps, des centaines de délinquants et des OQTF restent libres sur notre territoire ! »
Il s’en prend également à Mediapart : « Un ancien président de la République envoyé en prison, pour un délit qui n’est pas qualifié, sur la base d’un média qui a fait un faux caractérisé ! »
Renaud Muselier fait ici référence à un document révélé par Mediapart en 2012, attribué à Moussa Koussa, chef des services extérieurs du régime libyen, et attestant d’une promesse de financement de sa campagne de 2007.
Jeudi, la présidente du tribunal a indiqué que la note était « probablement un faux ». Une déclaration étonnante – et sans effet sur le jugement –, alors que la justice a définitivement établi la véracité du document.
Nicolas Sarkozy avait déposé plainte pour « faux et usage de faux » en 2012, puis en 2013. Après trois années d’investigations très poussées, les deux juges chargés d’instruire cette plainte ont conclu, dans une ordonnance de non-lieurendue le 30 mai 2016, à l’absence d’éléments objectifs permettant de mettre en doute l’authenticité de la note.
Nicolas Sarkozy a alors décidé alors d’attaquer cette décision devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris. Deuxième défaite : le 20 novembre 2017, cette instance judiciaire a rendu un arrêt implacable qui, confirmant le non-lieu des juges d’instruction, affirme que la note libyenne révélée par Mediapart n’est ni « un faux matériel » ni « un faux intellectuel ».
Une décision définitive depuis le rejet du pourvoi devant la Cour de cassation de Nicolas Sarkozy en 2019.
Par ailleurs, la condamnation de l’ancien président de la République, prononcée jeudi, s’appuie de nombreux documents et informations (lire notre dossier complet).
Le président des Républicains (LR), par ailleurs ministre de l’intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau, a assuré Nicolas Sarkozy de son « soutien » après sa condamnation à cinq ans de prison ferme, espérant qu’il pourra « faire prévaloir son innocence » en appel.
« Je lui redis tout mon soutien et toute mon amitié dans l’épreuve qu’il traverse », a-t-il indiqué dans un communiqué. « Je ne doute pas qu’il saura mettre toute son énergie à se défendre devant la cour d’appel et faire prévaloir son innocence », a-t-il ajouté, se gardant de toute attaque contre la justice.
Aucun autre ministre majeur n’avait encore réagi à cette heure, notamment Gérald Darmanin qui a toujours assuré l’ancien chef de l’État de son soutien.
L’ancien chef d’État Nicolas Sarkozy est convoqué le 13 octobre par le Parquet national financier pour connaître la date de son incarcération, selon son entourage cité par plusieurs médias.
Interrogée par l’AFP, une source judiciaire n’était pas en mesure dans l’immédiat de confirmer cette date mais a indiqué que l’ancien président serait incarcéré dans un « délai relativement proche » après sa convocation. Il s’agira de fixer les modalités de son incarcération.
Pour échanger avec vous sur le dénouement de cette affaire, peut-être la plus folle et la plus grave qu’ait connue la Ve République, Mediapart vous invite ce lundi 29 septembre à partir de 19 heures à une projection spéciale du documentaire Personne n’y comprend rien, suivie d’un débat avec les journalistes de la rédaction.
« Sarkozy coupable d’association de malfaiteurs visant à obtenir des fonds libyens pour sa campagne de 2007 », titre le New York Times, aux États-Unis. Le quotidien aux 12 millions d’abonné·es décrit « une peine sévère à laquelle peu s’attendaient », « sans précédent dans l’histoire de la France moderne pour un ancien président ».
« Sarkozy condamné à cinq ans de prison dans l’affaire du financement de Kadhafi », renchérit le Washington Post, autre grand titre de presse états-unien, qui qualifie la décision d’« historique ». « La date de son incarcération sera fixée ultérieurement, épargnant ainsi au leader conservateur l’humiliation d’être menotté et conduit hors de la salle d’audience bondée », note le quotidien, à propos du mandat de dépôt différé prononcé par le tribunal.
Le Times of India, l’un des journaux les plus lus au monde (1,5 million d’exemplaires vendus par jour), détaille également le verdict et note que « malgré ces difficultés judiciaires, Sarkozy, autrefois surnommé “l’hyperprésident”, conserve une influence et une popularité considérables au sein de la droite française et continue de rencontrer régulièrement le président Emmanuel Macron ».
Le geste de colère de Carla Bruni-Sarkozy arrachant la bonnette du micro de Mediapart à la sortie du tribunal fait la une du Corriere Della Sera en Italie, qui titre sur la condamnation de Nicolas Sarkozy mais également sur « sa femme Carla et son geste de colère envers les journalistes ». Le journal détaille comment l’épouse de l’ex-président « a arraché la bonnette du micro de Mediapart, le journal d’investigation qui a révélé l’affaire », avec un « sourire moqueur ».
« Il est impensable d’accréditer la thèse selon laquelle on serait face à un dossier vide », réagit Vincent Brengarth, représentant l’ONG anticorruption Sherpa, partie civile au procès.
À rebours de l’union des droites formée par les réactions similaires du parti Les Républicains (LR) et de Marine Le Pen (Rassemblement national, RN), les gauches ont globalement salué la condamnation de Nicolas Sarkozy jeudi.
« Merci à la justice d’avoir fait son travail en toute indépendance. L’impunité, c’est terminé ! », s’est exclamée la présidente des député·es écologistes Cyrielle Chatelain, sur le réseau social Bluesky.
Le député Hendrik Davi, élu à Marseille et dissident de La France insoumise (LFI), est sur la même ligne : « Comme pour Marine Le Pen : discours sécuritaires et casiers bien remplis ! La délinquance en col blanc en politique, c’est fini ! Soutien total à la presse et à la justice indépendantes. »
Le député Benjamin Lucas-Lundy (Génération·s) a également dénoncé sur BFMTV le « trumpisme » des soutiens à Nicolas Sarkozy : « Qui serais-je pour remettre en cause des décisions de justice ? »
Pour l’heure, les socialistes se font quant à eux discrets.
L’avocat, qui n’a cessé de fustiger l’immigration sur les plateaux de télévision, ose le marteler à plusieurs reprises : son client a été « victime du fait qu’il s’appelle Ahmed [son prénom de naissance] et que cela lui a été reproché durant l’intégralité de l’instruction ». Alexandre Djouhri a été condamné à six ans de prison, avec mandat de dépôt, et 3 millions d’euros d’amende, condamnation dont il a fait appel.Actualisé: il y a 3 heures
Après un court espoir, la douche froide. Sur CNews, les chroniqueurs et présentateurs ont passé une bonne partie de la matinée à célébrer l’absence de condamnation de Nicolas Sarkozy pour trois des quatre délits pour lesquels il était poursuivi, preuve selon eux que tout ce tapage médiatique autour de l’affaire des financements libyens ne se fondait sur rien.
Puis, à l’annonce en direct de la condamnation de l’ancien président à cinq ans de prison, les chroniqueurs en plateau se sont décomposés. « Ce n’est pas possible », lâche en se prenant la tête dans les mains Georges Fenech, ancien député UMP. « C’est terrible », regrette-t-il, en hoquetant. Sonia Mabrouk n’en croit pas ses oreilles. « On revérifie à plusieurs reprises. » Elle doit relire plusieurs fois sa fiche. « Cinq ans de prison, c’est une première en France », répète-t-elle, faisant parler sa propre consternation.
Pendant le procès et avant le jugement, les médias Bolloré faisaient encore campagne pour dénoncer un dossier vide, l’acharnement des juges contre un président qui les avait comparés à des « petits pois » et dont il espérait bien se venger. Les voilà désormais à pester contre une « peine politique », prononcée par des juges bien décidés à « humilier Nicolas Sarkozy et faire en sorte qu’il aille quoi qu’il arrive en prison ». Certains trouvent surtout choquant de voir « un ancien président aller en prison », manière de suggérer que Nicolas Sarkozy n’est pas un justiciable comme un autre.
Les invités amenés à commenter la décision de justice sur CNews en viennent même à trouver des excuses à Carla Bruni, qui, en partant du tribunal, a arraché la bonnette du micro de Mediapart. « On comprend que Carla Bruni puisse en vouloir à ceux qui vont se targuer aujourd’hui d’avoir eu le scalp de Nicolas Sarkozy », commente Raphaël Stainville, journaliste au Journal du dimanche. Le même JDD qui a mis plus d’une heure avant de publier sur son site un article sur la condamnation de Nicolas Sarkozy.
« On est impressionnées », réagissent les parties civiles Danièle Klein et Yohanna Brette, à la sortie de l’audience où la condamnation de Nicolas Sarkozy a été prononcée.
L’une et l’autre ont perdu un·e proche le 19 septembre 1989 dans l’attentat contre l’avion de ligne DC-10 de la compagnie UTA. L’avion, qui reliait le Congo-Brazzaville à Paris, a explosé en plein vol au-dessus du désert du Ténéré, au Niger, tuant au total 170 personnes, dont 54 Français·es.
Le patron de La France insoumise (LFI) Manuel Bompard a dénoncé le soutien apporté à Nicolas Sarkozy par Les Républicains (LR) et le Rassemblement national (RN), abondamment relayé sur les médias appartenant à Vincent Bolloré.
« Les mêmes n’ont d’habitude pas de mots assez durs pour dénoncer le soi-disant laxisme de la justice et pour en appeler à la fermeté des condamnations. […] Pourquoi ce changement de discours quand ce sont eux et leurs amis qui sont jugés coupables par la justice ? Pourquoi ce deux poids, deux mesures ? », s’est interrogé le député de Marseille (Bouches-du-Rhône).
« L’exigence d’honnêteté et de respect de la loi n’est pas réservée au peuple. Elle s’applique aussi pour les puissants malgré leur pouvoir et leur relais médiatiques. Plus que jamais, qu’ils s’en aillent tous », a-t-il conclu sur le réseau social X. Manuel Bompard n’a en revanche pas commenté directement le jugement prononcé jeudi.
« À moins de deux ans de la prochaine élection présidentielle, nous devons tirer toutes les leçons de ce procès : rien ne garantit aujourd’hui que de telles dérives ne se reproduiront pas. Le financement de la vie politique doit être encadré beaucoup plus strictement pour éviter un nouveau scandale. »
Patrick Lefas, président de l’ONG Transparency Frans
« La justice a confirmé qu’une entente illicite avait influencé une campagne présidentielle. Le jugement, dans cette affaire d’une gravité inédite, met en lumière une compromission intolérable pour notre démocratie. Les associations de lutte contre la corruption sont reconnues comme victimes, tout comme, à travers elles, l’ensemble des citoyens et citoyennes de notre pays. »
Emma Taillefer, présidente de l’ONG Anticor
Nicolas Sarkozy s’est éloigné de sa famille politique ces dernières années. Il s’est rapproché d’Emmanuel Macron avant de donner récemment des gages au Rassemblement national. Jeudi, le parti Les Républicains (LR) ne lui en a pas tenu rigueur : leurs membres ont fait front avec l’ex-président de la République après sa condamnation par le tribunal correctionnel.
Photo Xose Bouzas pour Mediapart
« Je veux redire mon soutien et ma reconnaissance envers l’homme d’État qui a tant donné à notre pays et mon amitié pour l’homme », a écrit le député Laurent Wauquiez sur le réseau social X, candidat malheureux à la présidence de LR face à Bruno Retailleau. Julien Aubert, vice-président de LR, s’est fendu d’une formule : « Je repense aux mots de François Mitterrand : on a jeté aux chiens l’honneur d’un homme. »
Geoffroy Didier, ancien conseiller de Brice Hortefeux (condamné jeudi à deux ans de prison ferme), a quant à lui dénoncé sur BFMTV une « décision sciemment humiliante ». « Comment voulez-vous faire confiance à la justice face à une décision aussi incohérente ? », a-t-il ajouté, évoquant une « faute » qui « dessert la cause de la justice ».
Le sénateur des Bouches-du-Rhône Stéphane Le Rudulier (LR) a dénoncé sur X un « tsunami de honte » et demandé à Emmanuel Macron une mesure de grâce présidentielle. « Un geste indispensable pour la nation », écrit-il. L’élu est lui-même mis en cause dans une affaire de probité dans sa région, révélée par notre partenaire Marsactu.
« Même si le montant des peines peut paraître lourd, ce qui a été rappelé, c’est les principes de l’État de droit, et comment aujourd’hui on doit sanctionner cette impunité. C’est un message plutôt positif pour tous ceux qui se battent aujourd’hui contre l’impunité », a déclaré à la sortie de la salle d’audience Sandra Cossart, la directrice de l’ONG Sherpa, au micro de BFMTV.
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