Ces blocages qui ont fait trembler le pouvoir

Reporterre vous raconte sept blocages victorieux à travers le monde : les Bretonnes de Plogoff contre le nucléaire, la zad titanesque de New Dehli, les actions impressionnantes d’Ende Gelände en Allemagne…

L’appel au blocage lancé pour le 10 septembre s’inscrit dans une longue tradition militante. Dès l’aube du XXe siècle, les syndicalistes faisaient de ce mode d’action un axe essentiel de leurs combats révolutionnaires.

Objectif : mettre à l’arrêt l’économie en vue d’ébranler le pouvoir. Couper les routes, occuper les ports, encercler des villes… Les blocages ont pris de multiples formes, aux quatre coins du monde. Avec un certain succès. Tour d’horizon de mobilisations victorieuses où les écologistes ont pris leur part.

1970 — Bloquer les tronçonneuses : le mouvement Chipko

Le blocage des chantiers de bûcheronnage dans la région du Garhwal himalayen, en Inde, est souvent présenté comme l’un des actes de naissance de l’écoféminisme. Dans les années 1970, pour lutter contre la déforestation, protéger les bois de l’appétit des industriels et défendre leurs moyens de subsistance et leur mode de vie arrimé à la forêt, des centaines de femmes se sont mises spontanément à étreindre les arbres menacés par les coupes. Dans les régions montagneuses, les monocultures d’arbres plantés par les industriels provoquaient de fortes érosions, des crues et des avalanches. Les forêts naturelles étaient défigurées et perdaient leur capacité de régénération. Les hommes se mettaient à boire avec l’argent des coupes et les communautés explosaient.

Pour y faire face, les femmes se sont organisées. Elles ont organisé des déambulations dans les bois avec des tambours, attaché des fils sacrés aux arbres en gage de vœux de protection et enlacé les arbres pour empêcher qu’on les abatte. On a appelé cette révolte le mouvement Chipko. Littéralement « pot de colle », en hindi. Ces femmes avaient un besoin irrépressible de se coller aux arbres, raconte l’écologiste Vandana Shiva, qui les avait suivies à l’époque.

Réunion, trente ans après, des survivantes de la première action entièrement féminine du mouvement Chipko dans le village de Reni en 1974. Wikipedia / CC BYSA 3.0 / Ceti

Dans les années 1980, le mouvement a permis l’instauration d’un moratoire de quinze ans sur l’abattage des arbres dans l’État de l’Uttarakhand, puis la même décision a été appliquée par l’État de l’Uttar Pradesh.

1974 — Bloquer le nucléaire : quand des Bretonnes empêchaient la construction d’une centrale

Il aura fallu six semaines de lutte et de blocages aux habitants de la pointe du Raz, en Bretagne, pour arracher l’abandon de la centrale nucléaire de Plogoff. En 1974, le village apprenait avec stupeur que sa lande battue par les vents, où résistaient déjà herbes rases et ajonc, avait été choisie pour l’implantation de réacteurs.

La mobilisation s’est rapidement organisée. Le 30 janvier 1980, les maires du territoire concerné, opposés au projet, ont brûlé les dossiers de l’enquête publique et fermé leurs mairies. L’État a riposté en installant des mairies annexes dans des estafettes gardées par sept escadrons de CRS. Malgré une féroce répression et plusieurs arrestations, tous les jours à 17 heures, habitants et surtout habitantes — dans ce village de pêcheurs, les hommes étaient en mer — ont répliqué par des barrages, des insultes, des jets de pierres.

Lire aussi : À Plogoff, voici 40 ans, la lutte antinucléaire faisait reculer l’État

« Il y avait des grands-mères qui disaient aux policiers : “Si vous étiez mon petit-fils, je n’aimerais pas vous voir là !” On les harcelait ! Les femmes étaient très débrouillardes et courageuses »racontait une habitante à Reporterre. François Mitterrand a annoncé l’abandon du projet le 12 décembre 1981.

1996 — Bloquer les routes : la détermination de Reclaim The Streets

13 juillet 1996, Londres. Deux voitures se percutent au milieu d’un carrefour, leurs conducteurs furieux en émergent et se mettent à détruire leur véhicule respectif à grands coups de masse. Énième manifestation des excès mortifères du pétromasculinisme ? Pas du tout, il s’agissait d’une mise en scène du mouvement britannique Reclaim The Streets, lancé en 1990 par le collectif Earth First !. Ce faux accident a servi de paravent à l’invasion de l’autoroute M41 : 9 000 activistes ont bloqué 10 000 automobilistes pendant les neuf heures d’une incroyable fête, avec sound systems, cracheurs de feu, bac à sable, plantation d’arbres en pleine chaussée…

Pendant plusieurs années, le mouvement, riche de près de cinquante collectifs locaux, a organisé une dizaine de blocages routiers émaillés de sabotages. Avec succès : en 1997, épuisés, les aménageurs durent abandonner 500 des 600 projets autoroutiers prévus par les autorités. L’histoire de cette lutte est racontée dans le livre À bas l’empire, vive le printemps de Earth First ! (Divergences, 2020).

1999 — Bloquer les puissants : la bataille de Seattle

C’est l’un des actes fondateurs du mouvement altermondialiste. En 1999, la ville de Seattle, qui accueillait un sommet de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a été prise d’assaut par des dizaines de milliers de manifestants. Écologistes, syndicalistes et anarchistes ont bloqué l’accès au congrès international et empêché les délégués d’y accéder. La ville a été paralysée, avec un message clair : « Où qu’ils soient, certains d’entre nous y seront également », clamait Susan George, d’Attac.

Les conférences ont été perturbées, les routes coupées, l’entrée des hôtels claquemurée. Dans les rues, l’ambiance était à la fête, au carnaval et à l’émeute. Des militants radicaux ont utilisé la méthode du black bloc — une tactique collective de manifestation qui consiste à s’habiller tout de noir —, se sont attaqué aux vitrines du capitalisme, ont allumé des feux et monté des barricades… Au total, entre 50 000 et 100 000 manifestants, selon les évaluations, ont défilé. Une convergence inédite s’est dessinée entre travailleurs et défenseurs de l’environnement qui marchaient pour la première fois ensemble. On parle alors de l’alliance « Turtle-Teamsters », en référence aux défenseurs des tortues de mer et aux camionneurs syndiqués.

En 1999, le début de l’«  altermondialisme  » : des manifestations massives, regroupant 40 000 manifestants dans les rues de Seattle, s’élevaient contre une conférence de l’Organisation mondiale du commerce. Flickr / CC BY 2.0 / Seattle Municipal Archives

Mais la répression a fait rage : les pacifistes ont été gazés et tabassés. La police a reçu pour instruction d’ouvrir le feu si nécessaire, la Garde Nationale a été déployée ainsi que des blindés, un couvre-feu a été mis en place et l’état d’urgence décrété.

Malgré tout, la partie a été perdue pour les capitalistes. La cérémonie d’ouverture officielle a été annulée. Le sommet de Seattle devait inaugurer un nouveau cycle de négociation multilatérale de libéralisation des échanges, dit du « Millénaire ». Mais celui-ci a dû être repoussé. « Après les manifestations de Seattle, le sommet de l’OMC s’est achevé samedi sur un constat d’échec. La mondialisation ne tourne plus round et les ONG crient victoire », concluait alors un journaliste de Libération.

2000 — Bloquer les multinationales : la résistance de Cochabamba

C’est une lutte qui a fait date dans la défense du droit à l’eau. Au tournant de l’an 2000, les habitants de Cochabamba, en Bolivie, se sont soulevés contre la privatisation de l’or bleu. Parmi leurs modes d’action, plusieurs blocages de route, dont le « blocage pour la dignité ». Le 11 janvier 2000, les manifestants se rassemblaient sur les ponts principaux de la rivière Rocha, une occupation qui a permis de paralyser la circulation. Une fois coupées, les rues se sont transformées en lieux de rencontre. Très impliquées, les femmes organisaient des cantines communes et préparaient des cocktails irritants à base de piments.

Mobilisation dans le cadre de la «  guerre de l’eau  », le 4 avril 2020. Flickr / CC BYSA 4.0 / Antonio Abal Oña

Après plusieurs mois de mobilisation durement réprimée — un mort et des dizaines de blessés à la suite de l’intervention de l’armée — le gouvernement central a finalement annulé le contrat de concession à l’origine du conflit. « La guerre de l’eau de Cochabamba est devenue un symbole mondial de résistance aux multinationales »analysait le sociologue Franck Poupeau en 2024.

Dès 2015 — Bloquer les énergies fossiles : les actions d’Ende Gelände

Mettre à l’arrêt pendant plusieurs heures une mine de lignite et ses excavatrices, avec pour seuls équipements des masques antipoussière et des filets remplis de paille pour amortir les coups de matraque. Tel fut l’exploit accompli par mille activistes d’un camp action climat lors de la première opération Ende Gelände, le 15 août 2015 à Garweiler en Allemagne.

De telles actions se sont répétées plusieurs fois outre-Rhin depuis : à la mine à ciel ouvert de Welzow en mai 2016, de nouveau à Garzweiler en août 2017en août 2019 et en novembre 2021, à Hambach en 2018, contre le projet de terminal gazier à Brunsbüttel en 2021 et même contre plusieurs mines simultanément en 2020, en pleine pandémie de Covid.

Ce mouvement s’est renforcé en parallèle de l’occupation de deux forêts entre 2012 et 2018 par des activistes postés dans des cabanes dans les arbres. Celle de la forêt de Hambach, menacée par un projet de mine de lignite, et de celle du hameau de Lützerath, vouée à être engloutie par l’agrandissement de la mine de Garweiler.

Si le mouvement n’a pas réussi à contrer l’exploitation des énergies fossiles en Allemagne — le terminal de Brunsbüttel a été inauguré en 2023 et les deux zad expulsées —, ces dix ans de mobilisations spectaculaires ont contribué à maintenir la sortie des énergies fossiles à l’agenda et à forger toute une génération d’activistes européens toujours prêts à en découdre.

2021 — Bloquer les villes : le siège de New Delhi par les paysans indiens

En 2021, des centaines de milliers de paysans indiens ont convergé puis bloqué les routes d’accès à la capitale New Delhi pour combattre une réforme agricole ultralibérale. Malgré la répression, une sorte de « zad titanesque » est alors formée autour de la mégalopole, comme le racontait notre correspondant sur place. Cuisines communautaires — gratuites et ouvertes à toutes les religions —, estrades de meeting, dortoirs, dispensaires médicaux, laveries, librairies ont été installés le long des axes routiers occupés.

En 2021, après deux mois de manifestation contre la libéralisation du secteur agricole, les paysans avaient obtenu son gel par la Cour suprême Indienne. © Côme Bastin / Reporterre

Le mouvement paysan a été soutenu par une large part de la population : le 8 janvier 2021, une grève générale paralysait le pays, rassemblant jusqu’à 250 millions de grévistes, faisant de cette journée une des plus grandes grèves de l’histoire indienne. Une mobilisation couronnée de succès. Après des mois de blocage et de mobilisation, le Premier ministre nationaliste Narendra Modi annonçait l’abrogation de sa réforme en novembre 2021.

Reporterre vous raconte sept blocages victorieux à travers le monde : les Bretonnes de Plogoff contre le nucléaire, la zad titanesque de New Dehli, les actions impressionnantes d’Ende Gelände en Allemagne…

L’appel au blocage lancé pour le 10 septembre s’inscrit dans une longue tradition militante. Dès l’aube du XXe siècle, les syndicalistes faisaient de ce mode d’action un axe essentiel de leurs combats révolutionnaires.

Objectif : mettre à l’arrêt l’économie en vue d’ébranler le pouvoir. Couper les routes, occuper les ports, encercler des villes… Les blocages ont pris de multiples formes, aux quatre coins du monde. Avec un certain succès. Tour d’horizon de mobilisations victorieuses où les écologistes ont pris leur part.

1970 — Bloquer les tronçonneuses : le mouvement Chipko

Le blocage des chantiers de bûcheronnage dans la région du Garhwal himalayen, en Inde, est souvent présenté comme l’un des actes de naissance de l’écoféminisme. Dans les années 1970, pour lutter contre la déforestation, protéger les bois de l’appétit des industriels et défendre leurs moyens de subsistance et leur mode de vie arrimé à la forêt, des centaines de femmes se sont mises spontanément à étreindre les arbres menacés par les coupes. Dans les régions montagneuses, les monocultures d’arbres plantés par les industriels provoquaient de fortes érosions, des crues et des avalanches. Les forêts naturelles étaient défigurées et perdaient leur capacité de régénération. Les hommes se mettaient à boire avec l’argent des coupes et les communautés explosaient.

Pour y faire face, les femmes se sont organisées. Elles ont organisé des déambulations dans les bois avec des tambours, attaché des fils sacrés aux arbres en gage de vœux de protection et enlacé les arbres pour empêcher qu’on les abatte. On a appelé cette révolte le mouvement Chipko. Littéralement « pot de colle », en hindi. Ces femmes avaient un besoin irrépressible de se coller aux arbres, raconte l’écologiste Vandana Shiva, qui les avait suivies à l’époque.

Réunion, trente ans après, des survivantes de la première action entièrement féminine du mouvement Chipko dans le village de Reni en 1974. Wikipedia / CC BYSA 3.0 / Ceti

Dans les années 1980, le mouvement a permis l’instauration d’un moratoire de quinze ans sur l’abattage des arbres dans l’État de l’Uttarakhand, puis la même décision a été appliquée par l’État de l’Uttar Pradesh.

1974 — Bloquer le nucléaire : quand des Bretonnes empêchaient la construction d’une centrale

Il aura fallu six semaines de lutte et de blocages aux habitants de la pointe du Raz, en Bretagne, pour arracher l’abandon de la centrale nucléaire de Plogoff. En 1974, le village apprenait avec stupeur que sa lande battue par les vents, où résistaient déjà herbes rases et ajonc, avait été choisie pour l’implantation de réacteurs.

La mobilisation s’est rapidement organisée. Le 30 janvier 1980, les maires du territoire concerné, opposés au projet, ont brûlé les dossiers de l’enquête publique et fermé leurs mairies. L’État a riposté en installant des mairies annexes dans des estafettes gardées par sept escadrons de CRS. Malgré une féroce répression et plusieurs arrestations, tous les jours à 17 heures, habitants et surtout habitantes — dans ce village de pêcheurs, les hommes étaient en mer — ont répliqué par des barrages, des insultes, des jets de pierres.

Lire aussi : À Plogoff, voici 40 ans, la lutte antinucléaire faisait reculer l’État

« Il y avait des grands-mères qui disaient aux policiers : “Si vous étiez mon petit-fils, je n’aimerais pas vous voir là !” On les harcelait ! Les femmes étaient très débrouillardes et courageuses »racontait une habitante à Reporterre. François Mitterrand a annoncé l’abandon du projet le 12 décembre 1981.

1996 — Bloquer les routes : la détermination de Reclaim The Streets

13 juillet 1996, Londres. Deux voitures se percutent au milieu d’un carrefour, leurs conducteurs furieux en émergent et se mettent à détruire leur véhicule respectif à grands coups de masse. Énième manifestation des excès mortifères du pétromasculinisme ? Pas du tout, il s’agissait d’une mise en scène du mouvement britannique Reclaim The Streets, lancé en 1990 par le collectif Earth First !. Ce faux accident a servi de paravent à l’invasion de l’autoroute M41 : 9 000 activistes ont bloqué 10 000 automobilistes pendant les neuf heures d’une incroyable fête, avec sound systems, cracheurs de feu, bac à sable, plantation d’arbres en pleine chaussée…

Pendant plusieurs années, le mouvement, riche de près de cinquante collectifs locaux, a organisé une dizaine de blocages routiers émaillés de sabotages. Avec succès : en 1997, épuisés, les aménageurs durent abandonner 500 des 600 projets autoroutiers prévus par les autorités. L’histoire de cette lutte est racontée dans le livre À bas l’empire, vive le printemps de Earth First ! (Divergences, 2020).

1999 — Bloquer les puissants : la bataille de Seattle

C’est l’un des actes fondateurs du mouvement altermondialiste. En 1999, la ville de Seattle, qui accueillait un sommet de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a été prise d’assaut par des dizaines de milliers de manifestants. Écologistes, syndicalistes et anarchistes ont bloqué l’accès au congrès international et empêché les délégués d’y accéder. La ville a été paralysée, avec un message clair : « Où qu’ils soient, certains d’entre nous y seront également », clamait Susan George, d’Attac.

Les conférences ont été perturbées, les routes coupées, l’entrée des hôtels claquemurée. Dans les rues, l’ambiance était à la fête, au carnaval et à l’émeute. Des militants radicaux ont utilisé la méthode du black bloc — une tactique collective de manifestation qui consiste à s’habiller tout de noir —, se sont attaqué aux vitrines du capitalisme, ont allumé des feux et monté des barricades… Au total, entre 50 000 et 100 000 manifestants, selon les évaluations, ont défilé. Une convergence inédite s’est dessinée entre travailleurs et défenseurs de l’environnement qui marchaient pour la première fois ensemble. On parle alors de l’alliance « Turtle-Teamsters », en référence aux défenseurs des tortues de mer et aux camionneurs syndiqués.

En 1999, le début de l’«  altermondialisme  » : des manifestations massives, regroupant 40 000 manifestants dans les rues de Seattle, s’élevaient contre une conférence de l’Organisation mondiale du commerce. Flickr / CC BY 2.0 / Seattle Municipal Archives

Mais la répression a fait rage : les pacifistes ont été gazés et tabassés. La police a reçu pour instruction d’ouvrir le feu si nécessaire, la Garde Nationale a été déployée ainsi que des blindés, un couvre-feu a été mis en place et l’état d’urgence décrété.

Malgré tout, la partie a été perdue pour les capitalistes. La cérémonie d’ouverture officielle a été annulée. Le sommet de Seattle devait inaugurer un nouveau cycle de négociation multilatérale de libéralisation des échanges, dit du « Millénaire ». Mais celui-ci a dû être repoussé. « Après les manifestations de Seattle, le sommet de l’OMC s’est achevé samedi sur un constat d’échec. La mondialisation ne tourne plus round et les ONG crient victoire », concluait alors un journaliste de Libération.

2000 — Bloquer les multinationales : la résistance de Cochabamba

C’est une lutte qui a fait date dans la défense du droit à l’eau. Au tournant de l’an 2000, les habitants de Cochabamba, en Bolivie, se sont soulevés contre la privatisation de l’or bleu. Parmi leurs modes d’action, plusieurs blocages de route, dont le « blocage pour la dignité ». Le 11 janvier 2000, les manifestants se rassemblaient sur les ponts principaux de la rivière Rocha, une occupation qui a permis de paralyser la circulation. Une fois coupées, les rues se sont transformées en lieux de rencontre. Très impliquées, les femmes organisaient des cantines communes et préparaient des cocktails irritants à base de piments.

Mobilisation dans le cadre de la «  guerre de l’eau  », le 4 avril 2020. Flickr / CC BYSA 4.0 / Antonio Abal Oña

Après plusieurs mois de mobilisation durement réprimée — un mort et des dizaines de blessés à la suite de l’intervention de l’armée — le gouvernement central a finalement annulé le contrat de concession à l’origine du conflit. « La guerre de l’eau de Cochabamba est devenue un symbole mondial de résistance aux multinationales »analysait le sociologue Franck Poupeau en 2024.

Dès 2015 — Bloquer les énergies fossiles : les actions d’Ende Gelände

Mettre à l’arrêt pendant plusieurs heures une mine de lignite et ses excavatrices, avec pour seuls équipements des masques antipoussière et des filets remplis de paille pour amortir les coups de matraque. Tel fut l’exploit accompli par mille activistes d’un camp action climat lors de la première opération Ende Gelände, le 15 août 2015 à Garweiler en Allemagne.

De telles actions se sont répétées plusieurs fois outre-Rhin depuis : à la mine à ciel ouvert de Welzow en mai 2016, de nouveau à Garzweiler en août 2017en août 2019 et en novembre 2021, à Hambach en 2018, contre le projet de terminal gazier à Brunsbüttel en 2021 et même contre plusieurs mines simultanément en 2020, en pleine pandémie de Covid.

Ce mouvement s’est renforcé en parallèle de l’occupation de deux forêts entre 2012 et 2018 par des activistes postés dans des cabanes dans les arbres. Celle de la forêt de Hambach, menacée par un projet de mine de lignite, et de celle du hameau de Lützerath, vouée à être engloutie par l’agrandissement de la mine de Garweiler.

Si le mouvement n’a pas réussi à contrer l’exploitation des énergies fossiles en Allemagne — le terminal de Brunsbüttel a été inauguré en 2023 et les deux zad expulsées —, ces dix ans de mobilisations spectaculaires ont contribué à maintenir la sortie des énergies fossiles à l’agenda et à forger toute une génération d’activistes européens toujours prêts à en découdre.

2021 — Bloquer les villes : le siège de New Delhi par les paysans indiens

En 2021, des centaines de milliers de paysans indiens ont convergé puis bloqué les routes d’accès à la capitale New Delhi pour combattre une réforme agricole ultralibérale. Malgré la répression, une sorte de « zad titanesque » est alors formée autour de la mégalopole, comme le racontait notre correspondant sur place. Cuisines communautaires — gratuites et ouvertes à toutes les religions —, estrades de meeting, dortoirs, dispensaires médicaux, laveries, librairies ont été installés le long des axes routiers occupés.

En 2021, après deux mois de manifestation contre la libéralisation du secteur agricole, les paysans avaient obtenu son gel par la Cour suprême Indienne. © Côme Bastin / Reporterre

Le mouvement paysan a été soutenu par une large part de la population : le 8 janvier 2021, une grève générale paralysait le pays, rassemblant jusqu’à 250 millions de grévistes, faisant de cette journée une des plus grandes grèves de l’histoire indienne. Une mobilisation couronnée de succès. Après des mois de blocage et de mobilisation, le Premier ministre nationaliste Narendra Modi annonçait l’abrogation de sa réforme en novembre 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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