Ebullitions, provocations : ainsi pourrait-on, non pas résumer, mais caractériser la tonalité générale, des derniers jours en matière internationale. Du sommet Xi-Poutine-Modi (et Kim) à Beijing, à l’assassinat de Charlie Kirk, le chaos apparent traduit des contradictions de fond.
Le sommet de Tianjin le 1° septembre, fantasmé par certains comme « acte de naissance du Sud global », et où l’on sait que Poutine et Xi se sont entretenus de leur désir d’immortalité dominatrice, a surtout été marqué par la venue de Modi, signifiant ainsi non un véritable rapprochement avec la Chine, mais un profond mécontentement envers les Etats-Unis, qui subissent là un nouveau revers. De plus, Xi et Modi cherchent maintenant tous deux à conforter la junte du Myanmar en grande difficulté. Mais les despotes ont tous les pieds d’argile …
En Chine, les grèves économiques et parfois les explosions de colère ont encore augmenté en nombre ces dernières semaines, dans les industries pharmaceutiques comme dans le textile, l’aérospatiale et les semi-conducteurs. En Indonésie, c’est une explosion de la jeunesse suite au meurtre policier d’Affan Kurniawan à Djakarta, énorme vague de manifestations – et de grèves – dont l’emblème, apparu auparavant chez les chauffeurs routiers, officiellement interdit, est le drapeau pirate du manga japonais One piece (photo illustrant cet article). Intégrant rapidement les images du mouvement indonésien, ainsi que celles, proches, des insurrections populaires au Sri Lanka et au Bangladesh, la jeunesse du Népal, suite à l’interdiction des réseaux sociaux (envers lesquels il ne s’agit pas seulement d’addictions mais d’intérêt vital pour communiquer avec la masse de travailleurs népalais à l’étranger qui envoient de l’argent), et au massacre de 19 manifestants, a en fait submergé, renversé et détruit la présidence, le gouvernement et le parlement, dans une sorte de fête populaire parfois sanglantes qui évoquerait 1789 aux Français si leurs médias daignaient leur parler de ce qui se passe …
On notera les appellations généralement « marxistes-léninistes » ou « maoïstes », non pas des structures insurrectionnelles … mais du pouvoir renversé, des têtes coupées, en même temps totalement élitaire, capitaliste et oligarchique : le discrédit final d’une longue histoire politique s’accomplit ici, avec ces chefs maoïstes devenus des corrompus au pouvoir, qui préconisaient la « démocratie nouvelle », c’est-à-dire le capitalisme. D’une façon générale, ces insurrections témoignent à la fois de la résilience et de la puissance des jeunes prolétariats du monde, et de l’absence de perspectives politiques organisées leur permettant de pérenniser leurs victoires : au Népal aussi, un gouvernement provisoire a rapidement été constitué, promettant de nouvelles élections, mais derrière lequel Modi est (en urgence) à la manœuvre.
En Corée du Sud, une commotion nationale a été provoquée par le raid de ICE (Immigration and Customs Enforcement) au moyen de véhicules fournis par l’armée, kidnappant, agenouillant et enchainant 475 travailleurs hautement qualifiés envoyés à l’usine Hyundai Motor/LG Energy Solution, près de Savannah en Géorgie, Etats-Unis, produisant la plus grave crise diplomatique anti-américaine de l’histoire sud-coréenne. C’est précisément au même moment que l’étoile montante de l’extrême droite mondiale dans la foulée de Trump, Vance et Poutine, le jeune Charlie Kirk, est venu faire une tournée en Corée du Sud et au Japon, escorté de la fille de Steeve Banon et de chefs néofascistes locaux, pour appeler à l’organisation de la protestation mondiale des « jeunes hommes » qui en ont marre du féminisme.
A son retour aux Etats-Unis, Charlie Kirk a été assassiné lors d’un meeting dans l’Utah. Dans une grande confusion causée par la venue immédiate de J.D. Vance, les silences et les déclarations contradictoires et délirantes du nouveau chef comploto-trumpiste du FBI, Kash Patel, sur fond de tentative immédiate de dénoncer la « gauche radicale » et de faire de cet évènement un « incendie du Reichstag » – une idée qui ne circule pas, par crainte, à gauche, mais chez les MAGA offensifs -, il s’avère en fait que le principal suspect, Tyler Robinson, est issu d’une milieu ultra-MAGA, et probablement membre d’un groupe « catholique » tradi-nazi, les Groyspers, groupe qui voyait en Kirk, protestant évangélique et Christian nationalist, un ennemi, quoi que leurs idéologies soit à peu près les mêmes.
Cela n’empêche pas les trumpistes de vouloir développer une campagne de masse visant à l’appel à la violence contre la « gauche radicale » et les « wokistes », appels qui se sont d’ores et déjà internationalisés. De façon immédiate, l’affaire sert à tenter de faire le silence sur l’affaire Epstein/Trump – on notera d’ailleurs que Kirk s’était opposé en juin, avec d’autres « MAGA historiques » comme Bannon, à Trump à propos de l’intervention en Iran, et avait réclamé la publication des Epstein files avant de se raviser tout en attaquant la procureure de Trump, Pal Bondi : sa liquidation pourrait donc aussi avoir eu l’intérêt de supprimer une « étoile » montante mais pas forcément contrôlable …
L’internationalisation des appels à pleurer Charlie Kirk et à prévenir la prétendue violence des milices d’extrême gauche est en marche, et peut trouver un écho en France dans les provocations du ministre « démissionnaire » d’union des droites Bruno Retailleau. Douguine, à Moscou, et Netanyahou, en Israël, ont dit pleurer la perte d’un ami – un grand allié anti-ukrainien pour Douguine, un grand ami antisémite et « sioniste chrétien » pour Netanyahou. La présentation médiatique de ce fasciste comme un simple « influenceur conservateur » fait le lit de cette opération. Le site fasciste spécialisé dans la désignation de cibles « Riposte Laïque », bien mal nommé, a déjà expliqué que les « milices » gauchistes qui veulent interdire la « libre expression » en France vont tuer, préparant ainsi les attaques de l’extrême droite ; Kirk y a été comparé – ce qui n’est pas faux …- à Jordan Bardella, en tant que « vrai jeune homme » …
Les 110 000 manifestants à Londres dans le rassemblement raciste appelé par l’agent du Kremlin Tomy Robinson (son vrai nom : Stephen Yaxley-Lennon) sont bien sûr la pointe avancée des provocations politiques en marche.
Mais il y a, en même temps, les provocations militaires. L’envoi de 19 drones sur la Pologne par la Russie, dont nous avons parlé en relation avec la libération/expulsion des camarades bélarusses, ne s’est pas arrêté le 11 septembre : de nouvelles agressions se sont produites depuis, visant la Pologne et la Roumanie. Et c’est simultanément que le pouvoir israélien a bombardé le Qatar, non pour « punir » les chefs du Hamas, des assassins en effet, mais, sous ce prétexte, pour interdire toute négociation, laisser les otages crever et préparer l’achèvement génocidaire de la population de Gaza et l’expulsion de masse des Palestiniens de Cisjordanie, voire leur élimination génocidaire eux aussi.
Ce climat de menaces et de provocations ne doit pas conduire à la pusillanimité, car il indique qu’en haut, ils ont peur. La crise de régime en France participe de cette situation globale. Les impérialismes européens sont pris à la gorge. La France reconnait un Etat palestinien, envoie trois Rafales en Pologne, et, plus discrètement, a positionné un navire de guerre en rade de … Nuuk, capitale du Groenland. C’est tout : la loi de programmation militaire de Macron et Lecornu, quant à elle, ne vise pas à aider l’Ukraine mais à prolonger et renforcer le nucléaire militaire et civil, à assurer les profits des industriels du secteurs et à conforter la place acquise de second marchand d’armes du monde par la France. Alors que campistes « de gauche » et souverainistes « de droite » prétendent que l’aide à l’Ukraine affaiblit les droits sociaux, ils se gardent bien de mettre en cause les ventes d’armes aux Emirats, à l’Egypte, à l’Inde, à Israël !
Toute la situation internationale appelle en Europe des gouvernements démocratiques représentant la majorité et répondant aux besoins sociaux, écologiques et de défense. Ceux-ci ne passent pas par les centaines de milliards des lois de programmation militaire et les armes nucléaires et de destruction massive, mais par une aide immédiate et massive à l’Ukraine, par le forçage immédiat du blocus de Gaza – et par la protection du Groenland !
Mais pour cela, comme pour les besoins sociaux et écologiques il faut combattre et renverser les gouvernements en place !
VP, le 14/09/25.
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