
Les profits.
Mon amie Fb Michel Pranchère le fait remarquer : les dirigeants du Hamas qui ont été éliminés au Qatar (on ne sait pas encore qui, je crois) l’ont été par une frappe « chirurgicale », et cette frappe montre que ce qui se passe à Gaza en ce moment est d’un autre ordre. Ce qui s’y passe est de l’ordre de la destruction systématique, de la ruine totale.
On parle d’Israël comme d’un état colonisateur. Il s’agirait de s’approprier des terres. Le fait est, me semble-t-il, que, oui, cela, c’est ce qui se passe en Cisjordanie, ou ce qui s’y passe pour l’instant, – un lent grignotage, organisé par l’État d’Israel et effectué par des milices fascistes, maison par maison. – Ce qui se passe à Gaza est, certes, l’appropriation des terres, mais c’est bien davantage. Il s’agit bel et bel du remplacement d’une population.
Le but est affiché – et cet affichage, en lui-même, nous laisse sidérés : il s’agit, à Gaza, oui, de changer d’habitants. De faire partir les premiers pour les remplacer, purement et simplement, par d’autres, – lesquels autres seront, pour certains (mais assez peu nombreux) propriétaires de domaines agricoles, et, pour d’autres, des citadins d’une ville nouvelle, moderne, qui occupera l’ensemble du territoire, une ville qui serait à la fois un centre d’affaires, une attraction touristique comme peut l’être Dubaï, – une ville qui jouirait des revenus du gaz, – et qui serait « stérile », pour reprendre le terme israélien, c’est-à-dire sans Arabes. Ou dans laquelle les Arabes vivraient en deux catégories : il y aurait des serviteurs, et il y aurait les 600.000 habitants d’une ville contrôlée électroniquement, dont ils n’auront pas le droit de sortir, – d’une ville (j’ai parlé de chaque point de ce que j’écris là) qui serait une prison, réelle, à ciel ouvert. – Je dois ici émettre une réserve importante : je ne comprends pas pourquoi ce chiffre de 600.000 (mais il était donné dans le plan du ministère de la Défense israélien), et je ne comprends pas, sur le long terme, ce qu’Israel pense faire de ces gens-là, – s’ils sont destinés à restés 600.000, ou si la population peut augmenter, ou, au contraire, est appelée à diminuer au fil des années. Cela, je ne le sais pas.
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Le reste de la population aura été évacué. Evacué où ? Evacué comment ? Là non plus, ce n’est pas clair, et, visiblement, l’idée est de les évacuer, – donc, si je compte bien, au moins 1.500.000 personnes, par petits groupes, à travers le monde entier, en leur donnant un pécule de 5000 $, en tout et pour tout, en compensation de tout ce qu’ils ont pu avoir un jour et, selon le plan, « pour payer un an de loyer » là où ils seraient. Ces fonds, – donc, je suppose, 7 milliards 500 millions, sont payés par les USA (je suppose en échange d’une part léonine des bénéfices du gaz ?). Les gens ainsi « évacués » ou « réinstallés » (deux mots qui ont, en l’occurrence, une histoire) n’auront évidemment droit à rien d’autre, et surtout pas le droit de revenir. Nous parlons d’un aller simple.
Les départs sont censés être « volontaires ». Cela implique deux choses. D’abord, ça va sans dire, que les gens à Gaza soient assez désespérés, assez perdus pour choisir, en échange de leur vie, le versement, – somme forfaitaire – de 5000 $ pour toute compensation, où que cette vie puisse se dérouler par la suite, et, en même temps, que l’on trouve des pays qui acceptent de recevoir ces migrants d’un genre particulier : parce qu’il ne s’agira pas, d’après ce que nous comprenons, de pays du monde arabe, mais, beaucoup plus largement du monde dit-musulman, – par exemple, en ce moment-même, il y a des négociations avec le Sud-Soudain, et l’on a parlé de l’Indonésie. – La question est de savoir comment les États susceptibles de recevoir ces naufragés peuvent résister à la « pression amicale » des maîtres de ce monde, – et c’est cette question-là qui se pose seule, pas celle de savoir comment un pays comme le Sud-Soudan (avec les guerres qui le ravagent, et le génocide) pourrait simplement accueillir des « réfugiés ».
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Je pense que les observateurs font une erreur majeure en pensant que le but de Netanuyahou est uniquement de rester au pouvoir. Oui, certes, évidemment qu’il veut rester au pouvoir, pour ne pas répondre devant la justice des accusations calamiteuses de fraude et de concussion auxquelles il devra faire face. Et l’on a tort, évidemment, de penser que la libération des otages puisse être un but quelconque : éliminer les négociateurs, fussent-ils l’élite du Hamas, et donc des assassins en chef, n’aide pas à sauver la vie des malheureux qui sont encore entre leurs griffes. Les otages servent, comment dire ça ? de camouflage, pour la galerie, pour justifier les opérations militaires. – Le but réel, lui, est de long terme, et, réellement, il n’est pas un but personnel (même si quelques petits milliards de dollars peuvent enrichir tel ou tel des fascistes du gouvernement israélien actuel). Le but est ce que nous appelons « Gaza Plage », – un monde , je le répète, « Arabenrein », un monde organisé par Jared Kushner et Trump dans lequel on pourra réellement avoir « du fun » sur le bord de mer, en faisant des profits.
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Tout le reste, ce sont des péripéties pour y arriver. Ces péripéties, c’est la vie de dizaines et de dizaines de milliers (et sans doute plus) massacrées, et de centaines et de centaines de milliers de personnes, encore vivantes, ballotées d’un à l’autre, torturées par la disette et (déjà pour un quart d’entre elles, c’est-à-dire 500000) par la famine, rendues folles par la peur, par l’imprévisibilité des ordres d’évacuation, des personnes qui, pour la plupart, ont tout perdu, et des gens qui, pour l’instant, résistent, – résistent, simplement (si je puis dire), parce qu’elles sont là et qu’elles subissent tout ce qu’elles subissent, sous la double oppression du Hamas et celle de l’armée israélienne, – une armée, n’est-ce pas, totalement technologique, qui a besoin de détruire, comme le rappelle Netanyahou, tous les bâtiments élevés dans Gaza-ville.
Nous assistons au triomphe de la forme la plus affichée de la puissance de l’argent. Quand cette puissance s’exerce sans prendre les moindres gants, les moindres, dirai-je, précautions pour sembler acceptable. C’est juste l’accaparement des ressources naturelles d’un territoire (d’où le refus absolu que ce territoire soit reconnu comme un pays, ou partie d’un pays), avec « traitement » des habitants qui en empêchent l’exploitation totale.
Que ceux qui parlent de « réinstallation » ou d’«évacuation » soient juifs ou non n’a aucune importance. Ce qui compte, ce sont les profits des ressources naturelles, – tant qu’il y en a encore, pendant encore quelques décennies, voire encore un siècle, je ne sais pas. Et nous, nous assistons à ça, en assistant, en même temps, à l’exploitation politique de cette monstruosité par des forces qui, en Occident, veulent démontrer l’inanité de nos systèmes démocratiques, – dès lors que ces systèmes s’en accommodent.
Et ils s’en accommodent.
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