La France à nouveau condamnée par la CEDH dans une affaire de viol sous couvert de BDSM

4 septembre 2025

La France à nouveau condamnée par la Cour Européenne des droits de l’homme (CEDH) dans une affaire de viol sous couvert de BDSM

Ce jeudi 4 septembre, la France est à nouveau condamnée par la CEDH, cette fois dans une affaire de viols et de violences sadiques. Dans cet arrêt, la CEDH prend acte que la notion de consentement est déjà au cœur de la définition du viol en France et ce en raison de la jurisprudence. En revanche, elle considère que l’interprétation qui est faite du consentement par les juridictions nationales est une violation de l’article 3 de la Convention Européenne des droits de l’homme. La CEDH sanctionne donc la pratique jurisprudentielle française et vient préciser que dorénavant, il faudra, systématiquement et nécessairement, apprécier le consentement donné à l’aune de l’environnement coercitif dans lequel le consentement a pu être extorqué. Notamment, un “contrat” BDSM ne sera plus considéré comme un consentement réel mais comme un instrument de coercition.

Dans cette affaire, les violences sadiques ont été commises dans un contexte professionnel, la victime et l’agresseur travaillant dans le même hôpital, elle avec un contrat précaire, lui avec un poste à responsabilité. Conformément à la stratégie classique des agresseurs, ce dernier avait, aux fins de garantir son impunité, installé une situation de contrôle coercitif et fait signer un “contrat maître-chienne” à sa victime aux termes duquel elle “consentait” à des actes d’humiliation et de violences. En raison de ce “contrat”, les institutions judiciaires françaises ont estimé qu’il n’y avait pas eu de viols. Après avoir épuisé les voies de recours internes, la victime s’est tournée vers la CEDH.

L’AVFT, qui a accompagné et soutenu la victime depuis le début de la procédure était co-requérante, et Osez le Féminisme a présenté un mémoire en tierce intervention en soutien de la requérante pour déconstruire les mythes patriarcaux du BDSM invoqués par les auteurs de violences sexuelles au service de leur stratégie d’impunité.

La CEDH affirme, dans cet arrêt historique, que la justice française a manqué à ses obligations d’examiner les circonstances environnantes, de manière précise et sincère, pour apprécier le consentement de la victime. Les faits s’inscrivaient en effet dans un contexte professionnel dans lequel l’agresseur a abusé de son autorité, la menaçant de représailles professionnelles, et dans un contexte de “violences psychologiques répétées” basées sur l’humiliation, le dénigrement et des “accès soudain d’agressivité de l’agresseur”. L’agresseur exerçait également “un contrôle et une surveillance croissante sur son quotidien” qualifiés par la CEDH de “contrôle coercitif, c’est à dire un ensemble de comportements typique des relations empreintes de domination par lequel un individu entend durablement exercer un contrôle sur son partenaire et sur ses conditions de vie, en portant atteinte à son intégrité psychologique et à son autonomie personnelle”. Cette stratégie coercitive a placé la victime dans un état de vulnérabilité et a altéré sa capacité de discernement. La victime avait argumenté devant la justice qu’elle n’était pas “parvenue à refuser”, ou qu’il avait continué à la frapper violemment, malgré ses supplications d’arrêter. La victime était dans un état de souffrance psychique intense que l’agresseur ne pouvait pas ignorer.

La justice française n’a aucunement tenu compte de ces éléments probants, et a scandaleusement maintenu que la victime avait consenti à ces violences sadiques, en invoquant le “contrat” sadomasochiste “maître-chienne” imposé par l’agresseur à la victime. La CEDH sanctionne la France et affirme que ce “contrat” n’est pas une preuve de consentement, mais au contraire, “un des instruments du contrôle coercitif” de l’agresseur. Comme l’analyse très bien la chercheuse en droit, Muriel Fabre Magnan, “La personne perd sa liberté en la contractualisant”. Cette décision relative au contrat est cruciale pour toutes les femmes victimes de viol dans l’exploitation sexuelle. Aucun “contrat sexuel”, qu’il soit écrit (BDSM) ou par échange d’argent (prostitution), ne pourra plus être invoqué par les autorités judiciaires pour caractériser un consentement.

Le raisonnement de la justice française, culpabilisant et stigmatisant pour la plaignante, est une victimisation secondaire selon la CEDH. Les autorités judiciaires ont manqué à leur obligation de protéger la dignité de la victime.

 

Osez le Féminisme se félicite de cet arrêt historique. Cet arrêt rappelle à la justice française que le critère d’un consentement exprimé (verbalement ou par la signature d’un contrat) n’est pas opérant pour balayer des accusations de viol. Les circonstances environnantes témoignant de rapports de domination, que ce soit l’abus d’une position hiérarchique ou de pouvoir, le contrôle coercitif déployé par l’agresseur, la présence d’un “contrat sexuel”, ou la mobilisation de mythes sexistes légitimant la domination masculine doivent dorénavant être systématiquement et précisément recherchés par les autorités judiciaires françaises.

Sans égalité, pas de consentement possible !

Les mythes du BDSM au service de la stratégie des agresseurs

Osez le Féminisme a présenté un mémoire en tierce intervention à la CEDH en soutien de la requérante pour défendre une conception juridiquement objectivée de la dignité humaine et des violences sexistes et sexuelles et déconstruire les mythes sexistes à la racine du BDSM qui postule une liberté à subir de la violence et, indissociablement, un droit à en commettre. En s’appuyant sur les connaissances scientifiques (santé sexuelle, études de genre et données criminologiques accessibles), il est possible de déconstruire les mythes du BDSM  et surtout démontrer en quoi ces mythes préjudicient toutes les femmes notamment dans le cadre de la reconnaissance devant les tribunaux des violences patriarcales.

Se posant comme transgressif, le BDSM repose pourtant sur tout ce qu’il y a de plus normatif en patriarcat et vient en renfort des rapports de pouvoir établis. Le BDSM est de plus on ne peut plus mainstream, notamment sous l’influence de la pornographie ou de livres ou films grand public comme 50 nuances de Grey. L’idée du consentement à la violence et à l’humiliation qui viendrait absoudre les auteurs desdites violences de toute responsabilité pénale est entretenue par les communautés BDSM notamment par l’établissement de contrats entre dominant et dominé.

Cette idéologie portée par le BDSM est tellement puissante qu’elle a pénétré le droit et a malheureusement été consacrée par la CEDH elle même dans un arrêt qui a fait coulé beaucoup d’encre, l’affaire dite KA et AD vs Belgique de 2005, une affaire, là aussi, de violences sadiques dignes de torture de guerre. Cet arrêt a longtemps été une aubaine pour les agresseurs. Avec cette décision de la CEDH, cette jurisprudence est enfin neutralisée.

Les croyances entretenues par le BDSM sont pourtant contredites par les sciences objectives. Une étude néerlandaise démontre ainsi que 65% des personnes interrogées ont été victimes de la violation de leur consentement dans le BDSM. Une autre étude de 2018, portant sur 400 affaires judiciaires dans un contexte BDSM, démontre une forte prévalence de viols sadiques, de tortures, de meurtres violents et également des liens étroits entre milieux BDSM et exploitation sexuelle. Dans nombre de ces cas, les auteurs de violences conjugales imposaient des tortures sadiques comme partager leurs conjointes dans des clubs échangistes, exiger des “pratiques BDSM” ou encore les prostituer. Une autre étude au Royaume-Uni démontre que 38% des femmes de moins de 40 ans avaient fait l’expérience de la strangulation, et parmi elles, 42% ont déclaré qu’elles y avaient été poussées, contraintes, forcées par leur partenaire. Cet acte est rarement perçu pour ce qu’il est, une violence potentiellement mortelle ou pouvant laisser des lésions neurologiques graves. Toujours au Royaume-Uni, la stratégie de défense consistant à arguer de pratiques BDSM ayant accidentellement conduit à la mort de la victime, principalement dans les cas de féminicide par strangulation, était devenue tellement courante que le législateur britannique a dû intervenir.

Enfin, cette ligne de défense du “consentement à la violence” est fallacieuse quand sont examinés avec attention les mécanismes psychotraumatiques qui peuvent conduire les victimes de violences sexistes et sexuelles, notamment pédocriminelles, à être placées dans des schémas d’autodestruction et de reproduction de violences subies. “Paradoxalement, les victimes de violences peuvent se sentir mieux (en fait plus dissociées et anesthésiées, voire hypnotisées) avec leur conjoint violent” analyse Muriel Salmona. La recherche de cet état dissociatif, anesthésiant, va conduire ces victimes à des conduites addictives (drogues, alcool), mais aussi des pratiques sexuelles violentes comme le BDSM. Une étude du FBI de 2023 montrent ainsi que dans des affaires de crimes conjugaux sadiques, 25% des femmes avaient subi dans l’enfance des violences physiques, 50% des violences sexuelles.

Ces données scientifiques, en criminologie, victimologie, psychotraumologie balaient la mythologie patriarcale, propagée par la pornographie et le BDSM, d’un “masochisme féminin” dans lequel, par essence, les femmes associeraient jouissance et souffrance, et d’un “sadisme masculin” qui vient légitimer la domination et les violences masculines.

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