Et si les États-nations disparaissaient, non pas par la guerre ou l’effondrement, mais par une dissolution méthodique au profit des grandes fortunes et des multinationales ? Ce scénario n’a rien de fictif : il correspond à la vision du monde portée par une frange influente de penseurs libertariens, d’investisseurs et d’entrepreneurs de la Silicon Valley, pour qui la souveraineté n’est plus une donnée politique, mais une variable économique que l’on peut acheter, vendre ou redessiner au gré des intérêts privés.
Cette vision s’inscrit dans une stratégie bien définie : fragmenter le pouvoir étatique en multipliant les zones d’exception, ces territoires où les lois sont allégées, où l’impôt est réduit à néant, et où les entreprises peuvent opérer sans contraintes démocratiques. Dans Le capitalisme de l’apocalypse, le chercheur Quinn Slobodian analyse comment cette idéologie s’est développée, et montre que cette dynamique ne relève pas d’un fantasme de milliardaires isolés, mais d’une tendance lourde du capitalisme contemporain, encouragée par des États eux-mêmes, séduits par les promesses de croissance économique et de captation d’investissements.
Il met ainsi en lumière les liens entre ces enclaves économiques et un projet politique bien plus vaste : celui d’un monde où la démocratie ne serait plus qu’un vestige du passé, remplacée par une gouvernance privée, contractuelle et concurrentielle.
Il démontre que cette évolution est déjà en cours et interroge : sommes-nous face à un nouveau stade du capitalisme ou à un véritable projet de destruction des institutions démocratiques ?
Nous avions reçu Quinn Slobodian à Blast pour un entretien avec Salomé Saqué. Si vous ne l’avez pas encore vu — ou souhaitez revoir cette émission — c’est par ici :
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