
19 août par Jeanne Schuster
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Sommaire
Vincent Bolloré, héritier d’un empire industriel breton, est devenu en quelques décennies l’un des hommes les plus puissants de France. À la tête d’un conglomérat tentaculaire qui mêle logistique portuaire, transport ferroviaire, communication et médias, il a bâti une fortune estimée à plusieurs milliards d’euros [1]. Derrière ces chiffres colossaux, un fait central : l’Afrique a longtemps été, et reste en partie, le principal moteur de cette fortune. De Lomé à Douala, de Cotonou à Abidjan, l’empreinte de Bolloré sur les infrastructures stratégiques africaines est telle qu’il est régulièrement surnommé le “roi de l’Afrique” ou “l’empereur des ports” [2].
Bolloré est devenu l’exemple emblématique d’un néocolonialisme économique qui ne s’appuie plus sur les armées, mais sur la capture d’infrastructures vitales par des capitaux étrangers, en échange de concessions, licences et contrats imposés dans un contexte de privatisations massives. Les accusations sont nombreuses : corruption pour l’obtention des ports de Lomé et de Conakry, accaparement de terres, violations des droits humains, exploitation illégale de ressources comme le coltan, évasion fiscale, et proximité assumée avec des dirigeants autoritaires, souvent avec le soutien discret des ambassades françaises.
De l’exploitation des quais africains aux plateaux télé parisiens, l’empire Bolloré illustre comment le capitalisme contemporain articule puissance économique et pouvoir symbolique pour perpétuer les logiques coloniales.
À ce pouvoir économique s’ajoute un vaste empire médiatique tout aussi déterminant. En France comme en Afrique, cette concentration sans précédent lui permet de modeler le récit public, de diffuser des idées d’extrême droite et de taire certaines enquêtes. En Afrique, Canal+ et ses filiales sont un levier majeur pour façonner l’imaginaire collectif, tout en minimisant ou occultant les controverses liées à ses activités économiques.
Le “système B” incarne la continuité de la Françafrique : un pouvoir économique bâti sur l’accaparement d’infrastructures vitales, doublé d’un pouvoir symbolique qui contrôle l’information et les imaginaires. De l’exploitation des quais africains aux plateaux télé parisiens, l’empire Bolloré illustre comment le capitalisme contemporain articule puissance économique et pouvoir symbolique pour perpétuer les logiques coloniales.
L’empire africain de Bolloré : ports, rails et monopoles logistiques
Pendant près de trois décennies, le groupe Bolloré a façonné le paysage logistique et portuaire de l’Afrique francophone et au-delà. De ses quais d’Abidjan aux terminaux de Lomé, de Dakar ou de Conakry, il a contrôlé des infrastructures vitales pour le commerce extérieur de plus d’une dizaine de pays. En 2021, il détenait encore seize concessions de terminaux à conteneurs, couvrant la quasi-totalité du golfe de Guinée, avant de céder l’essentiel de ses activités africaines au géant suisse Mediterranean Shipping Company (MSC) pour 5,7 milliards d’euros entre 2021 et 2022 [3].
Les terminaux à conteneurs constituaient le cœur de son empire, notamment à Abidjan, Conakry, Douala, Dakar, Cotonou, Lomé, Libreville et Owendo, Kribi, Meridian Port Services au Ghana, Tin Can Island au Nigeria, et jusqu’aux ports plus modestes de Bangui ou Moroni [4]. Ce maillage stratégique lui permettait de contrôler des hubs régionaux entiers, avec des concessions pouvant atteindre trente-cinq ans, parfois renouvelées bien au-delà. À ces positions maritimes s’ajoutaient des lignes ferroviaires comme Sitarail, reliant la Côte d’Ivoire au Burkina Faso, et Camrail au Cameroun, véritables artères intérieures reliant les ports à l’hinterland. Ces infrastructures assurent à Bolloré un contrôle intégré : de la sortie des matières premières sur les quais jusqu’au transport terrestre à travers plusieurs frontières.
L’expansion fulgurante du groupe en Afrique repose sur plusieurs leviers complémentaires.
Profitant des plans d’ajustement structurel imposés par la Banque mondiale et le FMI dans les années 1990, Bolloré a acquis à bas prix des actifs publics stratégiques [5]. Dans la zone franc, ces privatisations ont souvent été calibrées pour favoriser les intérêts français [6]. À cette stratégie économique s’ajoute un carnet d’adresses politiques particulièrement influent. De nombreux témoignages, dont celui de l’ex-directeur général Gilles Alix, confirment la porosité entre les réseaux d’affaires du groupe et les cercles dirigeants africains, avec l’embauche d’anciens ministres, des relais dans les chancelleries françaises et l’intervention directe de chefs d’État français, François Hollande auprès de Paul Biya pour Kribi ou le soutien amical de Nicolas Sarkozy [7]. Ces connexions ont alimenté ce que certains analystes appellent une “diplomatie économique de connivence” [8]. Parallèlement, plusieurs enquêtes judiciaires en France et en Afrique ont mis en cause le rôle de l’agence Havas dans des campagnes électorales africaines, notamment pour Alpha Condé en Guinée et Faure Gnassingbé au Togo [9]. L’attribution du port de Conakry à Bolloré en 2011, après l’éviction de Necotrans, a été jugée illégale, entraînant une condamnation à indemniser ce concurrent [10]. Pour Lomé, Vincent Bolloré a reconnu sa culpabilité en 2021 dans une affaire de corruption, acceptant une amende de douze millions d’euros, jugée dérisoire par les ONG [11]. Plus récemment, en mars 2025, un collectif de onze associations africaines a porté plainte en France pour recel et blanchiment d’actifs afin de récupérer les 5,7 milliards d’euros issus de la vente à MSC, estimant qu’ils provenaient d’un “système de corruption” systématique [12].
Cette mainmise sur les infrastructures a eu des conséquences profondes pour les pays concernés. À travers ses filiales comme SDV, Bolloré Logistics et le terminal à conteneurs d’Abidjan, le groupe contrôle une part disproportionnée des flux portuaires et ferroviaires, transformant des infrastructures vitales pour les populations en machines à profits privés. Ce contrôle ne relève pas du hasard, mais d’une stratégie systématique d’appropriation des corridors économiques africains, souvent grâce à des contrats opaques et à des relations étroites avec les gouvernements locaux.
Cette emprise sur le transport et la logistique est étroitement liée à un réseau politique de favoritisme et de corruption. Les concessions portuaires, les licences d’exploitation et les accords de transport sont négociés dans des cercles où les intérêts privés et le pouvoir politique se confondent, réduisant à néant toute transparence et toute possibilité de contrôle démocratique. Pendant que Bolloré engrange des milliards, les populations locales subissent la privatisation des infrastructures publiques, l’augmentation des coûts et la précarisation de l’emploi, tandis que les États voient s’éroder leur souveraineté économique.
Ce n’est plus une entreprise parmi d’autres, mais un symbole puissant de la persistance d’un néocolonialisme économique subtilement intégré aux structures politiques et économiques africaines.
Les effets sont spectaculaires et dénoncent une logique d’exploitation sans fard : les ports stratégiques deviennent des zones verrouillées, les transports terrestres essentiels au développement sont captifs de contrats déséquilibrés, et l’investissement privé remplace l’investissement public nécessaire pour le bien-être des populations. Derrière le vernis de la modernisation et du développement, c’est une mise sous tutelle économique qui se dessine, où les bénéfices sont expatriés et où les ressources africaines sont mobilisées pour enrichir quelques élites étrangères, laissant derrière elles des sociétés fragilisées et dépendantes.
Bolloré ne se contente pas de transporter des marchandises : il oriente les routes de la richesse africaine, impose ses intérêts et démontre combien les géants économiques peuvent façonner la vie des nations, bien au-delà de leur présence physique. Ce n’est plus une entreprise parmi d’autres, mais un symbole puissant de la persistance d’un néocolonialisme économique subtilement intégré aux structures politiques et économiques africaines.
Du hard power économique au soft power médiatique
À partir des années 2000, le groupe Bolloré a progressivement étendu son emprise sur le secteur des médias et de la communication, qui constitue aujourd’hui le cœur de son empire financier [13]. Cette expansion s’est réalisée par des acquisitions massives et une restructuration brutale de titres historiques. En 2005, Vincent Bolloré prend le contrôle d’Havas, crée la chaîne Direct 8, qui deviendra C8, et lance des journaux gratuits tels que Direct Soir et Direct Matin [14]. La revente de Direct 8 et Direct Star en 2012 lui permet d’entrer au capital de Canal+ et Vivendi, dont il prend le contrôle définitif en 2014 [15]. La consolidation de ses parts dans Havas en 2017 transforme Vivendi en pôle central du groupe, concentrant ses actifs dans la communication, les médias, l’édition, les jeux vidéo et l’industrie culturelle. La prise de contrôle d’i-Télé se solde par la plus longue grève de l’audiovisuel français en 2016, marquée par le départ des trois quarts de la rédaction ; la chaîne, rebaptisée CNews, devient un instrument de diffusion d’opinions d’extrême droite. En 2020, le rachat de 29,2 % de Lagardère permet au groupe de devenir propriétaire d’Europe 1, du Journal du Dimanche et de Paris Match, entraînant une réorientation idéologique brutale et le départ de la majorité des journalistes [16]. À la fin de 2023, les activités de communication représentent 95 % des effectifs et 77 % du chiffre d’affaires contributif, tandis que le bénéfice provient presque exclusivement de ce secteur, les activités industrielles étant déficitaires [17].
Les méthodes employées par Bolloré dans le contrôle de ses médias traduisent une logique de domination et d’intimidation.
Les méthodes employées par Bolloré dans le contrôle de ses médias traduisent une logique de domination et d’intimidation. L’homme d’affaires ne se contente pas d’être un actionnaire ; il agit “totalement hors des clous”, imposant une ligne éditoriale marquée par ce qu’il décrit lui-même comme un besoin de “terreur” et de “crainte” au sein de la direction [18]. Ses médias sont accusés de massacre de l’information, d’instrumentalisation de la formation et de propagande, transformant le journalisme en outil au service d’un projet de société libéral et réactionnaire. CNews, en particulier, illustre cette dérive : la chaîne d’opinion diffuse des contenus où les faits sont relégués au second plan au profit d’opinions tranchées, et sert de tribune à des idées d’extrême droite. Cette concentration du pouvoir médiatique entre les mains d’un seul homme constitue un danger pour la démocratie, car elle permet d’orienter le débat public selon des intérêts privés et idéologiques.
Les pratiques de censure et de réorientation éditoriale témoignent concrètement de cette mainmise [19]. Des enquêtes sensibles ont été étouffées, comme celle de Canal+ sur le Crédit Mutuel en 2015, ou la tentative de Havas d’annuler la publicité au journal Le Monde en 2014 après une enquête sur les activités africaines de Bolloré [20]. Les journaux gratuits de Bolloré, tels que Matin Plus et Direct Soir, ont également été le théâtre de censures, qu’il s’agisse d’articles sur l’attitude de la police envers les Roms ou sur l’exploitation des données de transport public. À l’international, ses filiales n’hésitent pas à utiliser la menace judiciaire pour intimider journalistes et ONG, notamment en Afrique, comme le montre l’affaire d’un journaliste de Basta ! poursuivi au Cameroun pour un article sur l’accaparement des terres [21]. Les clauses de silence imposées aux journalistes ayant quitté ses médias traduisent un contrôle sur la parole qui dépasse largement le cadre légal et éthique.
Même après la vente de ses activités logistiques et portuaires en Afrique à MSC en 2021-2022, Bolloré conserve une influence stratégique sur le continent à travers Canal+ [22]. La filiale considère l’Afrique subsaharienne comme un “nouvel eldorado” pour la télévision payante, avec plus de huit millions d’abonnés et un chiffre d’affaires dépassant 850 millions d’euros en 2023 [23]. La stratégie de production de contenus locaux, la création de chaînes en langues africaines et l’acquisition progressive de sociétés de production visent à capter l’audience et à imposer un récit médiatique calibré. L’acquisition, en juillet 2025, de MultiChoice, géant sud-africain de la télévision payante, renforce ce quasi-monopole, transformant le groupe en acteur incontournable de la production et de la diffusion de contenus africains. Cette concentration pose de sérieuses questions sur le pluralisme et l’indépendance des médias, alors que l’expérience française de Bolloré témoigne de sa propension à instrumentaliser ses médias pour diffuser des idées d’extrême droite.
Enfin, l’appareil diplomatique français soutient activement ces expansions, entre visites officielles, communications publiques et parrainages, parfois au mépris des critiques concernant des violations des droits humains ou l’entrave à la liberté de la presse. L’alliance entre pouvoir économique et soutien étatique met en lumière la manière dont Bolloré façonne non seulement le marché des médias, mais aussi les imaginaires et le débat public, en France comme en Afrique, consolidant une domination qui dépasse largement le cadre du simple capitalisme industriel pour s’inscrire dans une logique de contrôle politique et idéologique.
Le lien stratégique : protéger l’empire économique par le contrôle narratif
La concentration médiatique de Bolloré ne se limite pas à un simple enjeu commercial : elle constitue un instrument stratégique pour protéger et légitimer son empire économique. En possédant des journaux, chaînes de télévision et plateformes en ligne, le groupe est en mesure de minimiser les enquêtes gênantes et de contrôler la manière dont ses activités sont perçues par le public.La concentration médiatique de Bolloré ne se limite pas à un simple enjeu commercial : elle constitue un instrument stratégique pour protéger et légitimer son empire économique.
Les journalistes s’intéressant aux affaires africaines ou aux pratiques du groupe se heurtent souvent à des pressions éditoriales, à des refus de publication ou à des départs forcés, limitant la circulation d’informations critiques.
Cette influence sur les contenus médiatiques a un impact direct sur la représentation de l’Afrique. Les médias du groupe présentent souvent le continent sous un angle limité, valorisant des réussites économiques ponctuelles tout en occultant les conséquences sociales, environnementales ou politiques des investissements de Bolloré. En effaçant ces réalités, les médias contribuent à une Afrique” invisible” ou édulcorée, où les rapports de force liés à l’exploitation des ressources ou à la mainmise sur des infrastructures stratégiques restent largement hors de vue.
Le “système B” combine exploitation matérielle et domination médiatique pour reproduire une influence asymétrique.
Au-delà de l’économie, Bolloré exerce une forme de colonisation : le contrôle du récit public légitime l’influence du groupe et réduit la visibilité des critiques. Ce que certains analystes appellent le “système B” combine exploitation matérielle et domination médiatique pour reproduire une influence asymétrique. L’empire économique et la sphère médiatique se renforcent mutuellement, assurant que les activités du groupe demeurent perçues sous un jour favorable, tout en protégeant ses intérêts stratégiques.
Résistances, enquêtes et contre-discours
Le groupe Bolloré, longtemps perçu comme un acteur incontournable de la logistique et des médias, fait face depuis plusieurs années à une série de résistances, d’enquêtes et de contre-discours émanant de mobilisations locales, d’ONG et de journalistes indépendants. Son influence en Afrique, où il contrôle ports et infrastructures stratégiques, et en France, à travers son empire médiatique, est régulièrement dénoncée comme un exemple réussi de néocolonialisme occidental, combinant prédation économique et colonisation symbolique.
En Afrique, les activités portuaires et ferroviaires du groupe ont suscité de vives contestations. Au Cameroun, la gestion du terminal à conteneurs du port de Douala depuis 2004 et de la ligne ferroviaire Camrail depuis 1999 a été au cœur de nombreux scandales [24]. La catastrophe ferroviaire de 2016 sur la ligne Yaoundé-Douala, qui fit 82 morts et 600 blessés, révéla des pratiques dangereuses, telles que le non-respect des règles de sécurité, la surcharge des trains et l’utilisation de matériel vétuste [25]. En 2018, Camrail fut condamnée pour homicide involontaire et activités dangereuses [26]. D’autres affaires, comme le détournement de fonds de la filiale Douala International Terminal ou les soupçons de truquage autour de la concession du port de Kribi, ont nourri l’image d’un groupe naviguant dans l’opacité et la collusion avec le pouvoir politique local. Au Togo, la concession du port de Lomé en 2009, quelques mois avant la réélection de Faure Gnassingbé, a également été entachée de soupçons de corruption [27]. En 2021, Vincent Bolloré a reconnu sa responsabilité et conclu un accord avec la justice française, mais les ONG comme Sherpa et Anticor dénoncent les mécanismes de justice négociée, qui évitent un procès public et amoindrissent la transparence [28].
D’autres pays africains ont connu des situations similaires. Les activités de Socfin, où Bolloré était actionnaire minoritaire, ont été régulièrement critiquées pour accaparement de terres, déforestation, violations des droits humains et évasion fiscale, donnant lieu à des poursuites, y compris par des paysans cambodgiens [29].
Face à ces pratiques, un réseau d’ONG et de journalistes indépendants a émergé pour enquêter et dénoncer l’influence du groupe. Mediapart, cible fréquente des poursuites judiciaires de Bolloré, a publié de nombreux articles sur la face cachée de son empire, tandis que Reporters sans frontières a dénoncé le contrôle exercé sur les médias et les procédures bâillons visant à intimider les journalistes. Attac France, avec le rapport « Le Système Bolloré » et des campagnes de sensibilisation comme le « Bolloquiz », ainsi que le Collectif Restitution pour l’Afrique, ont amplifié ces mobilisations, allant jusqu’à déposer des plaintes pour recel et blanchiment d’actifs, dans l’espoir de restituer aux populations africaines les profits obtenus via des pratiques contestées. D’autres acteurs, comme l’Observatoire des multinationales ou Le Monde diplomatique, ont mis en lumière les mécanismes de prédation économique et médiatique, tandis que des ONG internationales ont documenté l’évasion fiscale et l’accaparement de richesses.
Attac France, (2025), “Bolloquiz : le quiz pour tester vos connaissances sur le rapport « Le système B »”, Attac France, 29 Avril 2025. |
Cette contestation s’inscrit dans un mouvement plus large visant à « décoloniser » l’économie et l’information. Les médias indépendants et les collectifs éditoriaux cherchent à créer des contre-narratifs et à défendre la liberté d’expression. Des initiatives telles que la publication du livre collectif Déborder Bolloré ou l’appel au boycott des ouvrages du groupe Hachette témoignent de la volonté de limiter l’emprise idéologique et économique de Bolloré, en redonnant aux citoyens et aux journalistes un rôle central dans la défense de l’intérêt général.
Conclusion : Bolloré comme symbole d’un système plus large
L’examen des activités de Bolloré, qu’il s’agisse des ports africains, des lignes ferroviaires ou des médias français et africains, révèle une logique unique et cohérente : celle de l’appropriation stratégique et du contrôle systémique. Derrière chaque investissement se dessine la volonté de dominer des infrastructures clés, de capter des flux économiques et d’influencer l’information, créant des dépendances durables et consolidant une position hégémonique. Ports et rails, télévisions et journaux, tout converge pour structurer un pouvoir économique et symbolique, indissociable d’une vision néocoloniale.
Mais Bolloré n’est pas un cas isolé. Il incarne une facette contemporaine d’un modèle français de prédation économique en Afrique, qui perdure sous de multiples formes depuis la période de la Françafrique. Les multinationales françaises, protégées par des réseaux politiques et des dispositifs financiers sophistiqués, continuent de bénéficier d’une liberté d’action quasi totale, accumulant profits et influence au détriment des populations locales. Cette emprise illustre la nécessité de dépasser l’analyse d’un seul acteur pour comprendre un système plus vaste, où la concentration économique et médiatique devient un levier central de domination.
C’est dans cette perspective que l’approche du CADTM prend tout son sens. La lutte contre les dettes coloniales, contre les monopoles et contre la concentration médiatique n’est pas un combat sectoriel, mais un combat unique et transversal. Elle vise à exposer les mécanismes de pouvoir, à restituer aux populations la maîtrise de leurs ressources et de leurs informations, et à mettre fin à des logiques de domination qui perpétuent inégalités et dépendances. Contre les pratiques prédatrices et l’opacité des multinationales, la mobilisation citoyenne, l’action juridique et la vigilance médiatique constituent des outils indispensables pour rétablir la justice économique et sociale.
En fin de compte, le cas Bolloré illustre avec force que la question de la dette, des monopoles et de l’influence médiatique n’est pas seulement économique : elle est politique, sociale et symbolique. Elle appelle une riposte organisée, collective et transnationale, capable de remettre en cause les logiques d’appropriation et de contrôle qui façonnent encore aujourd’hui les relations entre la France et l’Afrique.
Sources :
A.G., (2025), “Bolloré en Afrique : un néocolonialisme d’aujourd’hui”, L’insoumission, 27 Mars 2025.
Achille Mbog Pibasso, (2021), “Exclusif : le groupe Bolloré ne quitte pas l’Afrique”, Financial Afrik, 21 octobre 2021.
Attac France, (2025), “Bolloquiz : le quiz pour tester vos connaissances sur le rapport « Le système B »”, Attac France, 29 Avril 2025.
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Tilouine, J., & Piel, S., (2018), “Afrique, amis, affaires : révélations sur le système Bolloré”, Le Monde, 27 Avril 2018.
Notes
[1] IBI World, (2023), “Bolloré : le véritable roi de l’Afrique”, IBI World, 22 janvier 2023.
[2] IBI World, (2023), “Bolloré : le véritable roi de l’Afrique”, IBI World, 22 janvier 2023.
[3] IBI World, (2023), “Bolloré : le véritable roi de l’Afrique”, IBI World, 22 janvier 2023.
[4] IBI World, (2023), “Bolloré : le véritable roi de l’Afrique”, IBI World, 22 janvier 2023.
[5] Boko, H., (2018), “France-Afrique – comment Vincent Bolloré s’est construit un empire en Afrique”, Disco Digital Media, Inc., Paris.
[6] Noirot, T., (2012), “Les entreprises françaises en Afrique. Pillage contre transparence”, Outre-Terre, 33-34(3), 537-546.
[7] Boko, H., (2018), “France-Afrique – comment Vincent Bolloré s’est construit un empire en Afrique”, Disco Digital Media, Inc., Paris.
[8] Blamangin, O., Petitjean, O., & Simpère, A.-S., (2025), “Le système Bolloré de la prédation financière à la croisade politique”, Attac & Observatoire des multinationales, 24 avril 2025.
[9] Boko, H., (2018), “France-Afrique – comment Vincent Bolloré s’est construit un empire en Afrique”, Disco Digital Media, Inc., Paris.
[10] IBI World, (2023), “Bolloré : le véritable roi de l’Afrique”, IBI World, 22 janvier 2023.
[11] IBI World, (2023), “Bolloré : le véritable roi de l’Afrique”, IBI World, 22 janvier 2023.
[12] RAF, (2015), “La plainte historique du Collectif Restitution Afrique (RAF) contre Bolloré : tout comprendre”, Restitution Afrique, 18 Mars 2015.
[13] Blamangin, O., Petitjean, O., & Simpère, A.-S., (2025), “Le système Bolloré de la prédation financière à la croisade politique”, Attac & Observatoire des multinationales, 24 avril 2025.
[14] Blamangin, O., Petitjean, O., & Simpère, A.-S., (2025), “Le système Bolloré de la prédation financière à la croisade politique”, Attac & Observatoire des multinationales, 24 avril 2025.
[15] Blamangin, O., Petitjean, O., & Simpère, A.-S., (2025), “Le système Bolloré de la prédation financière à la croisade politique”, Attac & Observatoire des multinationales, 24 avril 2025.
[16] IBI World, (2023), “Bolloré : le véritable roi de l’Afrique”, IBI World, 22 janvier 2023.
[17] Blamangin, O., Petitjean, O., & Simpère, A.-S., (2025), “Le système Bolloré de la prédation financière à la croisade politique”, Attac & Observatoire des multinationales, 24 avril 2025.
[18] Reporters sans frontières, (2021), “Le système B – L’information selon Vincent Bolloré”, YouTube, 14 octobre 2021.
[19] Reporters sans frontières, (2021), “Le système B – L’information selon Vincent Bolloré”, YouTube, 14 octobre 2021.
[20] Blamangin, O., Petitjean, O., & Simpère, A.-S., (2025), “Le système Bolloré de la prédation financière à la croisade politique”, Attac & Observatoire des multinationales, 24 avril 2025.
[21] Reporters sans frontières, (2021), “Le système B – L’information selon Vincent Bolloré”, YouTube, 14 octobre 2021.
[22] Blamangin, O., Petitjean, O., & Simpère, A.-S., (2025), “Le système Bolloré de la prédation financière à la croisade politique”, Attac & Observatoire des multinationales, 24 avril 2025.
[23] Blamangin, O., Petitjean, O., & Simpère, A.-S., (2025), “Le système Bolloré de la prédation financière à la croisade politique”, Attac & Observatoire des multinationales, 24 avril 2025.
[24] Noirot, T., (2012), “Les entreprises françaises en Afrique. Pillage contre transparence”, Outre-Terre, 33-34(3), 537-546.
[25] Blamangin, O., Petitjean, O., & Simpère, A.-S., (2025), “Le système Bolloré de la prédation financière à la croisade politique”, Attac & Observatoire des multinationales, 24 avril 2025.
[26] Blamangin, O., Petitjean, O., & Simpère, A.-S., (2025), “Le système Bolloré de la prédation financière à la croisade politique”, Attac & Observatoire des multinationales, 24 avril 2025.
[27] Blamangin, O., Petitjean, O., & Simpère, A.-S., (2025), “Le système Bolloré de la prédation financière à la croisade politique”, Attac & Observatoire des multinationales, 24 avril 2025.
[28] Noirot, T., (2012), “Les entreprises françaises en Afrique. Pillage contre transparence”, Outre-Terre, 33-34(3), 537-546.
[29] IBI World, (2023), “Bolloré : le véritable roi de l’Afrique”, IBI World, 22 janvier 2023.
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