
- Par Philippe Jouhanet https://www.aquitaineonline.com/
La France en possède toujours la 4e réserve au Monde avec 244 milliards d’euros même si la Chine arrive dans le rétroviseur : l’or toujours au plus haut
Le prix de l’or enchaîne les records et révèle une compétition discrète entre nations pour détenir le métal jaune. Derrière ce mouvement, enjeux économiques, géopolitiques et stratégiques s’entremêlent.
Depuis plusieurs mois, le cours de l’or progresse à un rythme inédit. Considéré comme une valeur refuge, le métal précieux attire aussi bien les investisseurs privés que les banques centrales. Mais derrière cette envolée se dessine un enjeu mondial : la constitution de réserves stratégiques, véritable baromètre de puissance.
Pourquoi le cours flambe, quels pays détiennent les plus grandes réserves et le top 10 des producteurs ?
Un cours de l’or porté par l’incertitude
À chaque période de turbulences économiques, le prix de l’or connaît une ascension. Crises financières, tensions géopolitiques ou instabilité des devises contribuent à renforcer son rôle de protection contre l’inflation et la dépréciation monétaire. En 2025, le métal jaune a franchi de nouveaux sommets, flirtant avec des niveaux records jamais atteints auparavant.
Les analystes relient cette flambée à la politique monétaire américaine, à la baisse de confiance dans certaines devises et au ralentissement de l’économie mondiale. Pour les investisseurs, l’or demeure l’assurance ultime contre les chocs imprévus.
Faits marquants du cours moyen annuel de l’or (2015-2025)
2015 : ≈ 1 160 USD/once
L’or sort d’une phase de baisse après les sommets de 2011-2012.
2016 : ≈ 1 250 USD/once
Rebond lié aux incertitudes économiques mondiales (Brexit, ralentissement chinois).
2017 : ≈ 1 260 USD/once
Relativement stable, influence de la vigueur du dollar et des taux US.
2018 : ≈ 1 270 USD/once
Baisse en cours d’année, puis regain en fin d’année sur fond de tensions commerciales USA-Chine.
2019 : ≈ 1 390 USD/once
Forte progression liée aux craintes de récession et à la baisse des taux directeurs américains.
2020 : ≈ 1 770 USD/once
Explosion des cours avec la pandémie de COVID-19, pic à plus de 2 050 USD en août 2020.
2021 : ≈ 1 800 USD/once
Stabilisation, malgré l’inflation montante et les politiques monétaires toujours accommodantes.
2022 : ≈ 1 800 USD/once
Volatilité : bond à plus de 2 050 USD au déclenchement de la guerre en Ukraine (février), puis correction avec la hausse des taux.
2023 : ≈ 1 940 USD/once
Crises bancaires régionales, achats massifs de banques centrales, regain de rôle refuge.
2024 : ≈ 2 300 USD/once
Nouveaux records grâce à la persistance de l’inflation et à l’attente d’un relâchement monétaire.
2025 (septembre) : autour de 3 650 USD/once , 3110€ (record historique)
Fragilité économique aux États-Unis, anticipation d’une baisse des taux de la Fed, tensions géopolitiques.
Le cours de l’or a doublé en dix ans, porté par les crises économiques, géopolitiques et monétaires successives. «
Les banques centrales au cœur de la demande
Depuis une décennie, un phénomène discret mais massif s’observe : les banques centrales multiplient leurs achats. Alors qu’elles avaient longtemps privilégié le dollar ou l’euro comme réserves de change, elles diversifient désormais leur portefeuille. La Chine, la Russie, mais aussi des pays émergents comme la Turquie ou l’Inde renforcent leur stock de lingots pour sécuriser leurs économies.
La constitution de réserves d’or par les banques centrales traduit une volonté d’émancipation vis-à-vis du dollar « , souligne un économiste spécialisé en marchés de matières premières.
Classement mondial des réserves d’or
Le Fonds monétaire international (FMI) et le World Gold Council publient régulièrement les chiffres des réserves officielles. Voici un aperçu des pays qui dominent ce classement, présenté par ordre décroissant :
Pays | Tonnes d’or | Montant en milliards d’euros |
---|---|---|
États-Unis | 8 133 | 813 |
Allemagne | 3 352 | 335 |
Italie | 2 452 | 245 |
France | 2 437 | 244 |
Russie | 2 330 | 233 |
Chine | 2 260 | 226 |
Suisse | 1 040 | 104 |
Japon | 846 | 85 |
Inde | 822 | 82 |
Turquie | 758 | 76 |
L’hégémonie américaine contestée
Les États-Unis restent les premiers détenteurs mondiaux, avec plus de 8 000 tonnes stockées principalement à Fort Knox et dans les coffres de la Réserve fédérale. Ce stock, supérieur à la somme des trois pays européens suivants, illustre la place du dollar et du système financier américain.
Cependant, la dynamique actuelle montre que la domination américaine est moins écrasante qu’auparavant. L’accumulation progressive de la Chine et de la Russie témoigne d’une volonté politique : affirmer leur souveraineté monétaire et préparer une alternative à la dépendance vis-à-vis du billet vert.
L’Europe, gardienne traditionnelle du métal jaune
Si l’Allemagne, l’Italie et la France figurent toujours parmi les plus gros détenteurs, ces réserves datent en grande partie de l’après-guerre. Les pays européens n’achètent plus massivement d’or mais conservent jalousement leurs stocks. Pour l’Allemagne, la moitié des lingots est conservée à Francfort, l’autre partie aux États-Unis et à Londres.
Le choix de ne pas vendre illustre une conviction : l’or demeure une assurance contre les crises futures, malgré l’existence de l’euro comme monnaie commune.
Les émergents accélèrent leurs achats
La Turquie et l’Inde, toutes deux exposées à des fragilités monétaires, renforcent rapidement leurs réserves. En parallèle, plusieurs pays d’Asie centrale et du Moyen-Orient achètent régulièrement des lingots via leurs banques centrales. Ce mouvement traduit une recomposition progressive de la carte mondiale des réserves.
L’or n’est pas seulement une valeur économique, c’est aussi une arme géopolitique », observe un analyste financier basé à Londres.
Un actif hors du temps
À la différence des devises, l’or n’est pas adossé à la politique d’un État ou à une banque centrale. Sa valeur traverse les époques, ce qui explique sa place unique dans les bilans financiers. Depuis plus de 5 000 ans, il accompagne les échanges, les civilisations et les empires. Aujourd’hui encore, il reste un repère universel.
Le cours de l’or pourrait continuer son ascension si les tensions géopolitiques persistent et si les monnaies perdent de leur crédibilité. Les banques centrales devraient maintenir leur stratégie d’accumulation, tandis que les investisseurs privés continueront à y voir un bouclier contre l’instabilité.
Evolution des productions minières sur les 10 dernières années
Le graphique permet d’observer des tendances au niveau des quantités produites en 2013 et 2023 :
- La Chine reste en tête mais avec une production légèrement en recul ces dernières années.
- La Russie et l’Australie progressent régulièrement, talonnant le leader.
- Le Canada a doublé sa production en dix ans.
- Les États-Unis déclinent doucement.
- Le Ghana et le Kazakhstan confirment leur montée en puissance.
L’or redeviendra-t-il un pilier central du système monétaire international ?
A cette question, certains experts imaginent une monnaie mondiale partiellement adossée à l’or, à l’image des accords de Bretton Woods au milieu du XXe siècle. D’autres jugent ce scénario irréaliste mais reconnaissent que le métal jaune exerce toujours une influence déterminante.
Sources de l’article
- World Gold Council (WGC) : rapports annuels sur la production mondiale d’or.
- Statista : données chiffrées sur la production minière par pays (2010-2023).
- US Geological Survey (USGS) : Mineral Commodity Summaries (or, gold production).
- Articles spécialisés (Goldavenue, FXStreet, Mining.com) qui reprennent les chiffres 2023-2024.
- Wikipedia (List of countries by gold production)
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