
Mediapart a analysé les 400 pages du jugement qui a condamné Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, Brice Hortefeux, Alexandre Djouhri et d’autres dans l’affaire des financements libyens. Des faits et du droit qui permettent d’y voir clair dans le chaos des réactions politiques et médiatiques inexactes ou outrancières.
La condamnation de Nicolas Sarkozy pour association de malfaiteurs dans l’affaire des financements libyens à cinq ans de prison ferme, avec mandat de dépôt à effet différé – cela signifie qu’il va prochainement être incarcéré –, a provoqué un séisme politique et médiatique en France.
Mais comme c’est souvent le cas dans les affaires d’atteinte à la probité, des politiques et des éditorialistes se sont rués sur les plateaux audiovisuels pour commenter une décision de justice qu’ils n’ont, de toute évidence, pas lue. En multipliant les inexactitudes et les outrances, et en semant le chaos dans le débat public.
Le jugement de plus de 400 pages du tribunal de Paris, présidé par Nathalie Gavarino, que Mediapart a pu lire et analyser, permet pourtant de répondre factuellement et juridiquement aux questions qui se posent après cette décision historique.
Que contient l’association de malfaiteurs pour laquelle Nicolas Sarkozy, Claude Guéant et Brice Hortefeux ont été condamnés ?
L’association de malfaiteurs est un délit puni de dix ans de prison qui concerne la préparation d’autres délits. Le terme est infamant parce qu’il est souvent associé dans l’esprit public à des affaires de narcotrafic, de criminalité organisée ou, pire, de terrorisme. Mais le législateur – députés, sénateurs et pouvoirs exécutifs – a prévu que l’association de malfaiteurs puisse aussi concerner des atteintes à la probité, qui sapent les fondements mêmes de la démocratie.
Selon le tribunal de Paris, c’est précisément le cas dans l’affaire des financements libyens, puisque Nicolas Sarkozy, Claude Guéant et Brice Hortefeux sont reconnus coupables d’avoir formé à l’automne 2005 une entente pour discuter secrètement, à Tripoli, avec le régime de Kadhafi, d’un pacte de corruption en vue du financement illégal par la Libye de la campagne présidentielle à venir, en 2007.
Plus précisément, le tribunal écrit dans son jugement que Claude Guéant, directeur de cabinet, et Brice Hortefeux, ministre délégué, ont négocié en octobre et décembre 2005 à Tripoli avec le numéro deux du régime libyen, Abdallah Senoussi, les conditions de ce pacte, sous l’autorité et pour le compte du ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy. Or, Abdallah Senoussi, alors chef des services secrets militaires de Libye, est à ce moment-là recherché par la justice française qui l’avait condamné six ans plus tôt à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir organisé un attentat contre l’avion de la ligne DC-10 d’UTA (170 morts, en 1989).

Toutes ces diligences discrètes en Libye ont été supervisées et même organisées par l’intermédiaire radioactif Ziad Takieddine, qui avait « l’exclusivité des contacts » du cabinet Sarkozy à Tripoli, d’après le jugement. Takieddine était d’ailleurs présent à chacun des rendez-vous des lieutenants de Nicolas Sarkozy avec le dirigeant libyen condamné pour terrorisme.
Selon le jugement, « aucune explication cohérente et crédible » n’a été livrée par Claude Guéant et Brice Hortefeux sur leurs rencontres successives avec Senoussi, qu’ils ont voulu faire passer pour un « piège » alors que l’enquête a montré, documents à l’appui, qu’elles étaient prévues. « Claude Guéant a livré une version de sa rencontre avec Abdallah Senoussi […] dénuée de toute crédibilité », cingle le jugement. Les arguments de Brice Hortefeux sont « tout aussi peu crédibles », insiste le tribunal, qui souligne que les deux hommes se sont « mis en situation de dépendance vis-à-vis de Ziad Takieddine ».
« Les entretiens avec Abdallah Senoussi en marge des déplacements officiels ne peuvent qu’avoir un lien avec un pacte corruptif », conclut à ce sujet le tribunal.
D’après les éléments réunis par l’enquête, le pacte identifié par le tribunal consistait, côté libyen, en un financement occulte de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 et, côté français, en des engagements pour regarder la situation pénale d’Abdallah Senoussi en France et accompagner le retour de la Libye, ancien État paria, dans le concert des nations.
Pourquoi les rencontres de Guéant et d’Hortefeux avec Senoussi concernent-elles Sarkozy ?
Voici la réponse du tribunal dans son jugement : « Ainsi, alors que Nicolas Sarkozy envisageait [en octobre 2005 – ndlr] sérieusement sa candidature à l’élection présidentielle, dans un contexte de rivalité avec Dominique de Villepin avec un risque de double candidature, le plus proche collaborateur et l’ami du candidat, ont rencontré à trois mois d’intervalle dans des conditions de grande discrétion, via Ziad Takieddine, qui œuvrait pour le gouvernement libyen et qu’ils fréquentaient tous les deux, le numéro deux du régime, Abdallah Senoussi, dont la situation pénale était un sujet de préoccupation très important pour les Libyens, ce qu’ils n’ignoraient pas. »
Puis : « Claude Guéant et Brice Hortefeux ont mis un soin particulier dans leurs déclarations réitérées à l’audience à tenir Nicolas Sarkozy à l’écart de leurs relations avec Ziad Takieddine et surtout de leurs deux rencontres officieuses hors programme avec Abdallah Senoussi, ce qui n’est pas crédible au regard de leurs relations de proximité et du risque qu’ils faisaient ainsi prendre aussi bien au ministre qu’au candidat. Il est d’autant moins crédible que Claude Guéant, en voyage préparatoire, n’en ait pas fait part à Nicolas Sarkozy alors que ce dernier se rendait en Libye quelques jours plus tard. »
De l’argent libyen a-t-il été versé pour financer la campagne ?
La réponse est oui, comme le note le tribunal dans son jugement. C’est même écrit en toutes lettres : « Des dignitaires libyens, dont Abdallah Senoussi, ont envoyé de l’argent dans le but de financer la campagne. » Et les preuves solides de cette affirmation existent.
D’abord : les carnets manuscrits de l’ancien premier ministre libyen, Choukri Ghanem, dont Mediapart avait révélé l’existence en 2016. Le tribunal dit n’avoir aucun doute sur l’authenticité de ces carnets qui ont été découverts inopinément, aux Pays-Bas, dans le cadre d’une enquête de la justice norvégienne pour corruption sans aucun lien avec l’affaire des financements libyens en France.
Choukri Ghanem, qui a tenu un journal intime quasi quotidiennement avant de mourir en avril 2012 dans des conditions suspectes en Autriche, avait consigné en avril 2007 l’existence de plusieurs versements de dignitaires libyens en faveur de la campagne Sarkozy. Avec des montants et des noms associés : 1,5 million d’euros envoyés par le directeur de cabinet de Kadhafi, Béchir Saleh ; 3 millions d’euros du fils du dictateur, Saïf al-Islam Kadhafi ; et 2 millions d’euros d’Abdallah Senoussi.
Deuxième élément de preuve : les « trois sources de financement » évoquées par Choukri Ghanem dans ces carnets « correspondent à des flux mis au jour » par l’enquête, souligne le tribunal dans son jugement. Soit : les 1,5 million d’euros de Saleh ont atterri en novembre 2006 sur le compte à Singapour de l’intermédiaire Alexandre Djouhri, un intime de Claude Guéant et Nicolas Sarkozy ; les 3 millions de Saïf al-Islam ont été versés en janvier 2006 sur un compte au Liban de Ziad Takieddine, proche de Claude Guéant et Brice Hortefeux ; et les 2 millions de Senoussi ont été perçus sur le même compte de Takieddine en novembre 2006. Tout cela est documenté par des relevés bancaires.
Les carnets Ghanem, confirmés dans leur contenu par les découvertes de la justice, ont une portée déterminante dans cette affaire. Ils prouvent que les fonds effectivement versés par les Libyens en 2006 l’ont été dans le but de financer la campagne de Nicolas Sarkozy. Et la date à laquelle Ghanem consignait ces versements – avril 2007 – démontre que l’affaire libyenne, contrairement à ce qu’affirme la défense de Nicolas Sarkozy, ne peut pas, par conséquent, être une invention du régime Kadhafi en 2011 pour se venger de la guerre engagée par la France.
Les preuves de versements libyens dans le but de financer la campagne, dans la foulée des rencontres secrètes de Guéant et Hortefeux avec Senoussi à Tripoli quand ils étaient sous l’autorité de Nicolas Sarkozy, viennent enfin contredire le commentaire de l’ancien président à la sortie du tribunal après sa condamnation, selon lequel il aurait simplement été condamné à cause d’un projet intellectuel de deux collaborateurs un peu trop aventureux.
Pourquoi un mandat de dépôt prononcé à l’encontre de Nicolas Sarkozy ?
Ce n’est pas la première fois qu’un ancien président est condamné à de la prison ferme en France – Nicolas Sarkozy l’avait déjà été, et définitivement, dans l’affaire Bismuth –, mais c’est la première fois qu’un tribunal assortit la peine prononcée d’un mandat de dépôt. C’est-à-dire de son exécution provisoire, avant même un examen du dossier par la cour d’appel. En d’autres termes, Nicolas Sarkozy ira prochainement en prison. Il a d’ailleurs rendez-vous le 13 octobre avec le Parquet national financier (PNF) pour organiser sa détention.
Dans son jugement, le tribunal invoque d’une part « l’exceptionnelle gravité » des faits mis au jour par l’affaire libyenne pour justifier cette mesure :
« Si Nicolas Sarkozy a agi au moment des faits en tant que candidat, il occupait aussi des fonctions ministérielles qu’il a mises à profit pour préparer une corruption au plus haut niveau, notamment en avalisant les rencontres de son directeur de cabinet [Claude Guéant] tant avec un intermédiaire susceptible de mettre à sa disposition une chambre de compensation occulte utile à tromper les contrôles de l’État sur les circuits financiers [Ziad Takieddine], et qu’avec le numéro deux du régime libyen [Abdallah Senoussi] condamné [en 1999, à perpétuité] pour des faits de terrorisme commis, principalement, contre des citoyens français et européens [l’attentat du DC-10 d’UTA, 170 morts dont 54 Français le 19 septembre 1989]. Il a également avalisé la rencontre de son ami et soutien [Brice Hortefeux], par ailleurs ministre délégué [aux collectivités territoriales], avec celui-ci.
L’association de malfaiteurs qu’il a constituée avec Claude Guéant, Brice Hortefeux et Ziad Takieddine avait pour objectif de préparer une corruption au plus haut niveau possible lorsqu’il serait élu président de la République, chargé de veiller au respect de la Constitution et garant de l’indépendance nationale. Cette association a ainsi porté sur l’agrément d’un financement en provenance d’un État étranger en contrepartie du suivi du dossier pénal d’un homme condamné pour terrorisme et du maintien des relations avec la Libye. Il s’agit donc de faits d’une gravité exceptionnelle, de nature à altérer la confiance des citoyens dans ceux qui les représentent et sont censés agir dans le sens de l’intérêt général, mais aussi dans les institutions mêmes de la République. »
Mais ce n’est pas tout. La présidente Nathalie Gavarino a également justifié la mesure par l’attitude de Nicolas Sarkozy qui, pendant les débats du procès libyen, a, à plusieurs reprises, minimisé sa condamnation définitive pour corruption dans l’affaire Bismuth et en a profité pour discréditer la justice, un art dont il s’est fait maître.
Y a-t-il des victimes dans l’affaire libyenne ?
C’est un aspect passé complètement inaperçu médiatiquement dans le torrent de réactions à la peine de prison prononcée contre Nicolas Sarkozy. Mais oui, le tribunal a reconnu qu’il y avait bien dans cette affaire deux catégories de victimes de l’association de malfaiteurs.
La première catégorie est composée des familles de victimes de l’attentat contre le DC-10 d’UTA, dont le tribunal a estimé qu’elles avaient bien subi un préjudice moral à cause des négociations de l’équipe Sarkozy avec l’assassin de leurs proches, le terroriste d’État Abdallah Senoussi. D’autant que l’enquête a pu démontrer que des diligences avaient été menées entre 2005 et 2009 pour regarder la situation pénale de Senoussi en France. Une réunion s’était même tenue sur le sujet en mai 2009 à l’Élysée, rappelle le jugement.

Nicolas Sarkozy, Claude Guéant et Brice Hortefeux ont d’ailleurs été condamnés à payer solidairement des dommages et intérêts à certaines familles de victimes.
La deuxième catégorie de victimes est incarnée par les ONG anticorruption, qui ont représenté la société civile dans ce procès. Pour la première, les trois grandes associations Sherpa, Anticor et Transparency International se sont constituées parties civiles dans un même procès. Là encore, les prévenus ont été condamnés à leur verser solidairement des dommages et intérêts.
Pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il été relaxé pour le financement illicite de campagne électorale alors que des espèces non déclarées ont bien circulé ?
Une partie des millions d’euros d’argent du régime Kadhafi touchés par Ziad Takieddine, dans le but de financer la campagne de 2007, ont « donné lieu à des retraits d’espèces importants dans une temporalité compatible avec la campagne électorale », d’après le jugement.
Pour les juges, les comptes bancaires de Ziad Takieddine, dissimulés au nom de sociétés offshore dans d’innombrables paradis fiscaux, étaient « typiques du fonctionnement d’une chambre de compensation occulte ». « Tous les flux n’ont pu être mis au jour », concède le tribunal, précisément parce que passé maître dans la dissimulation (c’est même pour cela que certains faisaient appel à lui), Ziad Takieddine avait réussi à « considérablement opacifier le circuit de l’argent jusqu’à le rendre intraçable ».
Pourtant, le jugement établit que des espèces en grosses coupures ont bien circulé dans la campagne Sarkozy, alors qu’elles auraient dû être déclarées par son trésorier Éric Woerth. Ce dernier avait expliqué à la barre du tribunal que le cash en question – il a reconnu la circulation de 35 000 euros – avait été envoyé anonymement par La Poste par des militants, ce qui a été démenti par l’enquête. Pour le tribunal, les explications d’Éric Woerth sont « dénuées de toute crédibilité ».
Les juges ajoutent : « En l’espèce, le tribunal, bien que n’accordant aucun crédit aux explications avancées par Éric Woerth, constate qu’il ne ressort pas, de manière indubitable, de la procédure, que ces sommes seraient issues de fonds libyens. »
L’existence d’une chambre forte ouverte dans une banque parisienne par Claude Guéant le temps de la campagne présidentielle n’est pas non plus, pour le tribunal, de nature à prouver une origine libyenne de fonds occultes dans la campagne. Bien que les arguments de Claude Guéant aient été jugés « fantaisistes » pour justifier la location discrète de ce coffre – il a dit qu’il y avait entreposé des discours de Nicolas Sarkozy et des documents personnels –, le tribunal estime que cet élément n’est pas « suffisamment probant » d’un point de vue juridique.
Mais cela ne répond pas complètement à la question : pourquoi, alors que des espèces non déclarées ont bien circulé pendant la campagne, n’y a-t-il pas de condamnation pour financement illicite de campagne ? La réponse offerte par le tribunal est technique. La voici, en trois temps.
- 1. Selon la loi, l’auteur principal d’un financement illégal de campagne ne peut être que le candidat à l’élection. Tous ses subordonnés sont, en droit, ses complices.
- 2. Il n’y a pas d’éléments de preuve dans le dossier que Nicolas Sarkozy, le candidat, donc, avait personnellement connaissance de la circulation de ces espèces (au contraire de son trésorier), raison pour laquelle il doit être relaxé.
- 3. Si l’auteur principal est relaxé, les complices présumés ne peuvent pas être condamnés. Voilà pourquoi Éric Woerth, qui ne s’est même pas présenté au tribunal pour le jugement, a été relaxé.
Pourquoi Nicolas Sarkozy a été relaxé sur la corruption alors qu’il existe un pacte corruptif pour le tribunal ?
L’explication du tribunal sur ce point est encore plus technique que pour le financement illicite de campagne. Les juges, comme on l’a vu, ont estimé qu’un pacte corruptif avait bien été négocié à l’automne 2005 à Tripoli – ce pacte est contenu dans l’association de malfaiteurs. En outre, l’argent de la corruption n’a pas besoin, en droit, d’arriver à bon port (ici dans la campagne présidentielle) pour que ladite corruption soit caractérisée.
Alors pourquoi une relaxe ? Pour une raison très précise, selon les juges : la corruption n’est possible que si le corrompu est dépositaire d’une autorité publique susceptible d’assurer la promesse d’une contrepartie à son corrupteur.
Or, au moment du pacte, Nicolas Sarkozy n’est « pas encore dépositaire de l’autorité publique, laquelle ne lui sera conférée qu’ultérieurement par la fonction [de président de la République – ndlr] ». Il n’est « que » candidat, ce qui n’est pas juridiquement une autorité publique. « Il apparaît que les agissements de Nicolas Sarkozy pouvaient caractériser le délit de corruption s’il exécutait, après son entrée en fonction, le pacte passé avant », écrivent les juges. « Or une action positive en ce sens de Nicolas Sarkozy une fois élu à la présidence de la République ne ressort pas clairement de la procédure », concluent-ils. Nul doute que cette lecture juridique sera âprement débattue en appel.
Pourquoi Thierry Gaubert, qui a reçu 440 000 euros d’argent libyen, a-t-il été relaxé ?
Ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy dans les années 1980 et 1990, ami intime de Brice Hortefeux et proche de Ziad Takieddine, l’affairiste Thierry Gaubert a touché, en février 2006, aux Bahamas, 440 000 euros d’argent issu du pactole libyen de Ziad Takieddine, quelques jours après la rencontre Hortefeux-Senoussi à Tripoli.
Pour le tribunal, si ses explications à la barre sur l’origine des fonds sont à dormir debout, il n’en demeure pas moins que, selon les juges, « aucun lien n’a été établi entre Thierry Gaubert et la Libye […] et rien ne démontre qu’il savait que le virement […] venait de ce pays ». Une lecture des pièces de la procédure qui risque fort d’être contesté par le PNF, les procureurs ayant exhumé pendant les débats des échanges en 2006 entre Brice Hortefeux, Thierry Gaubert et Ziad Takieddine précisément autour de la Libye, selon eux.
Par ailleurs, les magistrats soulignent que « les mails et notes de Thierry Gaubert montrent que les liens avec Nicolas Sarkozy n’étaient pas totalement rompus mais ils demeuraient dans un cadre restreint et institutionnels ». Quant à la mention « NS campagne » retrouvée dans ses notes d’agenda avant de percevoir l’argent de Takieddine, le tribunal estime que cela peut avoir un lien avec un article de presse publié le même jour sur la modification des statuts de l’UMP avant l’élection présidentielle. Une version qui n’avait jamais été avancée en procédure par Thierry Gaubert, mais qui a surgi subitement à l’audience.
Quoi qu’il en soit, pour toutes ces raisons, les 440 000 euros perçus dans un paradis fiscal par Thierry Gaubert ne recouvrent qu’un seul délit : le blanchiment de fraude fiscale, pour lequel il a déjà été condamné par le passé. En droit français, on ne peut pas juger deux fois la même personne pour les mêmes faits. Conclusion du tribunal : relaxe.
Les financements libyens se limitent-ils à l’association de malfaiteurs ?
Non. Mais la bourrasque Sarkozy a tendance à faire oublier la tempête Guéant. Car, dans cette affaire à tiroirs, il y a aussi un volet de corruption personnelle qui a valu au secrétaire général de l’Élysée sous Sarkozy d’avoir été lourdement condamné à six ans de prison – il échappe à l’incarcération du fait de son âge et de son état de santé.
Plus précisément, le tribunal établit dans son jugement que les 500 000 euros perçus par Claude Guéant en mars 2008 avaient été envoyés par l’intermédiaire Alexandre Djouhri, qui a « bouclé l’opération » avec un détournement de fonds publics libyens organisé de concert avec le directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi, Béchir Saleh.
Claude Guéant avait tenté d’expliquer l’origine de ces 500 000 euros par la vente de deux petites toiles de peinture. Pour le tribunal, il s’agit ni plus ni moins que d’ « un habillage tendant à justifier fictivement la perception de 500 000 euros en 2008 ». « Aucun élément ne permet donc d’établir que Claude Guéant ait jamais eu ces tableaux en sa possession », estiment les juges, pour lesquels « des anomalies entachent la crédibilité du récit de Claude Guéant » et sa « version qui défie toute logique ».
Au final, il existe « un faisceau d’indices graves, précis et concordants reliant Alexandre Djouhri au versement de 500 000 euros à Claude Guéant », en échange de quoi le secrétaire général de l’Élysée a fait pression sur le géant EADS pour que l’intermédiaire touche des commissions occultes en lien avec un contrat d’avions vendus à… la Libye.
Les condamnés sont-ils présumés innocents ?
À partir du moment où ils ont formé un appel pour contester le jugement du tribunal correctionnel, tous les condamnés de l’affaire libyenne sont présumés innocents.
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