« Ultimatum » à Lecornu : l’Intersyndicale n’appelle à rien et donne du temps à un gouvernement illégitime

Ce vendredi, l’Intersyndicale se réunissait pour décider des suites du 18 septembre. Malgré le succès de la date, les directions syndicales ont choisi de laisser retomber la pression, en ne proposant aucune perspective pour mieux dialoguer avec Lecornu. Une logique inacceptable, qui légitime un gouvernement ultra-minoritaire, et face à laquelle il faut s’organiser à la base pour préparer la suite.

Paul Morao

19 septembre

Ce jeudi 18 septembre, plus d’un million de manifestants ont défilé partout en France. Une journée marquée par la forte grève à la RATP, dans l’éducation ou dans l’énergie, et par des actions de blocage devant les dépôts de bus et de nombreux lycées, et ce malgré une répression brutale. De quoi exprimer une aspiration claire à construire une mobilisation offensive pour défendre les revendications du monde du travail et de la jeunesse face à un gouvernement fragile.

Malgré cette réussite, qui succède à celle du 10 septembre, l’Intersyndicale a choisi ce jeudi soir de ne pas donner de perspective de mobilisation. Pire, ce vendredi, dans un communiqué, elle persiste et signe en posant un « ultimatum » à Sébastien Lecornu : « si d’ici au 24 septembre il n’a pas répondu à leurs revendications, les organisations syndicales se retrouveront pour décider très rapidement d’une nouvelle journée de grève et de manifestations. »

Sous couvert d’interpeller le Premier ministre sur les revendications du mouvement ouvrier, cette décision constitue une tentative claire de faire redescendre la pression et de montrer une disposition au dialogue. Alors que la crise politique s’approfondit, et que Lecornu peine à composer son gouvernement et à trancher une stratégie pour éviter la censure, une telle politique vient par ailleurs légitimer un pouvoir haï par la majorité de la population.

Pourtant, depuis la rentrée, la colère est massive. Le 10 septembre a montré une envie de s’organiser à la base et de construire un rapport de force. Ce jeudi encore, des centaines de milliers de personnes ont manifesté partout dans le pays. A Paris, le pôle grève générale dans le cortège de tête de la manifestation parisienne a suscité l’enthousiasme de milliers de manifestants avec son mot d’ordre : « Macron démission ! Grève générale pour tout bloquer ! »

Malgré ces éléments, qui ouvrent une brèche pour une mobilisation massive et radicale, qui permette enfin d’arracher nos revendications, l’Intersyndicale choisit de faire exactement l’inverse de ce que demande la rue : interrompre la dynamique initiée le 10 pour laisser du temps aux négociations avec Lecornu. Ravi, ce dernier a rapidement annoncé jeudi qu’il recevrait « à nouveau les forces syndicales dans les jours qui viennent ».

Une fois de plus, et comme depuis 8 ans de macronisme, il n’y a rien à négocier avec le régime, qui est prêt à lâcher des miettes, mais certainement pas à répondre aux revendications qui étaient portées dans la rue ce jeudi : abroger la réforme des retraites, augmenter tous les salaires, financer massivement les services publics en prenant sur les profits du patronat, mais aussi dégager Macron. La seule issue pour avancer dans cette direction, c’est de construire un rapport de force par en bas.

Face à la volonté de renouer avec la logique de pression qui a mené la bataille des retraites dans le mur, il faut dénoncer très largement cette politique de dialogue social avec un bras droit de Macron, dont l’objectif est de trouver une voie pour poursuivre une politique anti-ouvrière, autoritaire et raciste. Les mobilisations du 10 et du 18 septembre ont montré que des secteurs de travailleurs et de jeunes avaient tiré le bilan de cette expérience, et étaient convaincus qu’il fallait compter sur leurs propres forces pour arracher leurs revendications, il y a urgence à convoquer des AGs partout sur les lieux de travail et d’études pour discuter de la suite de la mobilisation.

Dans le même temps, si les AGs « bloquons-tout » ont connu un certain affaiblissement après la journée du 10 septembre, il faut réinvestir ces cadres d’organisation, qui sont un antidote au corporatisme et un levier pour coordonner et organiser les différents secteurs qui souhaitent lutter. Il faut donc les réinvestir et les étendre, en invitant l’ensemble des travailleurs et des jeunes qui ont rejoint la mobilisation le 18 à y participer. Ces AGs devraient se penser comme de véritables comités d’action pour la grève générale, et commencer à se doter d’un cahier de revendications propres, pas pour négocier avec le pouvoir, mais pour rassembler les différents secteurs opprimés et exploités dans une lutte commune.

Le choix de l’Intersyndicale est un véritable avertissement pour le mouvement qui a débuté en cette rentrée. Comme le soulignaient de nombreux travailleurs à l’AG de Gare du Nord à Paris ce jeudi, si la mobilisation retourne entre les mains des bureaucraties syndicales, elle est vouée à l’échec. Tout en continuant d’exiger des directions syndicales un plan de bataille sérieux, le meilleur moyen de contrer cette dynamique c’est de s’organiser à la base, de commencer à coordonner les AGs, et de discuter de ce que nous voulons – abroger la réforme des retraites, augmenter les salaires, interdire les licenciements, mais aussi dégager Macron et en finir avec la Ve République – et de comment l’obtenir.

Ce champ est nécessaire.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*