
Les institutions sociales ont toujours été instrumentalisées par l’Etat dans un but de contrôle, de domestication et de surveillance.
A présent, après les contrôles algorithmiques de France Travail et de la CAF, la CAF déclenche des contrôles opaques et pas encadrés sur signalements des flics. Outre les risques et cas de discriminations de ces contrôles ciblés, la possibilité de répression politique est facilitée par le secret et le caractère discrétionnaire.
Répression sociale : des milliers de contrôles CAF déclenchés sur demande policière
Répression sociale : des milliers de contrôles CAF déclenchés sur demande policière
Après avoir dénoncé les dérives de l’algorithme de notation utilisé par la CAF pour sélectionner les personnes à contrôler, nous abordons ici la question des contrôles CAF réalisés sur signalements policiers. Utilisée par la police comme arme de répression sociale et politique, cette pratique symbolise l’instrumentalisation par l’État des administrations sociales à des fins de contrôle.
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Au problème politique que soulève l’utilisation d’une institution sociale à des fins de répression policière s’ajoute le fait que cette pratique souffre d’une absence d’encadrement. Ces « signalements » sont réalisés en dehors de tout cadre judiciaire et n’ont, dans les faits, pas à être motivés par la police. Ceci génère un risque de recours aux « signalements » à des fins de harcèlement policier.
Qui plus est, cette procédure est particulièrement opaque. La personne contrôlée n’a ainsi pas connaissance du fait que ses déclarations devant la police, lors d’une garde-à-vue par exemple, peuvent être transmises à la CAF, alors que cette possibilité entre en contradiction avec le principe du secret de l’instruction. Également, en cas de « signalement », la personne visée ignore que son contrôle résulte d’une demande de la police et n’a pas accès aux informations communiquées à la CAF.
En retour, les abus sont inévitables, comme le montrent les témoignages que nous avons collectés. Outre leur utilisation à des fins de répression politique, un contrôleur nous a ainsi témoigné avoir assisté à un cas de signalement pour soupçon de « fraude à l’isolement » visant une femme ayant déposé une plainte pour violences conjugales.
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Le secret de l’instruction limitait fortement l’intérêt des « signalements » en empêchant la police de communiquer aux administrations sociales le moindre élément d’une enquête non clôturée.
Mais un an de lobby de la MICAF suffira pour que cette interdiction soit levée, au mépris de droits fondamentaux. Sur proposition de la MICA11, la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPSSI2) votée en 2011 autorise les membres du CODAF à « s’échanger tous renseignements et tous documents utiles à l’accomplissement des missions de recherche et de constatation des fraudes en matière sociales ». Et ce quelque soit le stade de la procédure judiciaire.
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Le discours politique anti « banlieues » autour des signalements va, comme nous l’avons vu, directement en ce sens, et justifie le développement de cette pratique. À travers lui, sont directement visé·es les plus précaires et tout particulièrement les habitant·es des quartiers populaires via l’accent mis sur « l’économie souterraine des banlieues » et les personnes « bénéficiant des prestations du type RSA ou CMU-complémentaire ». Les deux catégories se regroupant par ailleurs.
Par ailleurs, la liberté laissée à la police dans le choix des signalements ne peut que favoriser l’expression des pratiques discriminatoires de la police vis-à-vis des personnes racisées, aujourd’hui largement documentées, que ce soit dans le cas des contrôles d’identité ou à travers la prégnance des discours racistes dans cette institution, comme le rappelle, entre autres, le Défenseur des droits.
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Reste enfin le risque d’une utilisation à des fins de répression politique. Si, ici aussi, l’absence de chiffres et de témoignages rend difficile toute appréhension de cette dérive, notons que le cas du militant Gilet Jaune que nous avons mentionné en introduction démontre, a minima, que cette situation existe et que rien n’est fait pour l’empêcher.
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Le système des signalements CODAF, comme l’algorithme de la CNAF, traduit une vision autoritaire de ce que devraient être les institutions sociales. C’est pourtant une remise en question radicale
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