Entre tronçonneuse et baguette magique, le RN présente son contre-budget

Le parti d’extrême droite propose une baisse massive des dépenses de l’État, qu’il considère « inutiles », et cible l’immigration, les associations et les collectivités territoriales pour compenser les cadeaux fiscaux qu’il destine aux entreprises.

23 octobre 2025 à 16h36

Un contre-budget pour « un contexte gravement dégradé ». Le Rassemblement national a présenté jeudi 23 octobre un projet austéritaire, promettant 57 milliards d’euros de baisses et de coupes dans ce qu’il qualifie de « mauvaises dépenses » de l’État. Un gage de « crédibilité » et de « rupture » selon les mots de Jean-Philippe Tanguy, qui a présenté les propositions du Rassemblement national (RN) aux côtés de Marine Le Pen. « Nous assumons une forte baisse des dépenses […] pour apaiser la société française », a revendiqué le député.

Sous cette appellation de « mauvaises dépenses » sont rassemblés des totems chers au parti d’extrême droite, dont la contribution à l’Union européenne, que le RN veut amputer de 8,7 milliards d’euros, et surtout l’immigration. Tout en prétendant que ses propositions se faisaient « à périmètre constitutionnel constant », sans avoir besoin d’être au pouvoir et de modifier la Constitution, Marine Le Pen a annoncé vouloir réaliser 12 milliards d’euros d’économie dans ce domaine, trois fois plus que ce qu’elle promettait l’an passé.

Outre la transformation de l’aide médicale d’État (AME) en une aide médicale d’urgence, vieille obsession de l’extrême droite, le parti veut imposer aux étrangers cinq ans de travail à temps plein sur le territoire français pour bénéficier de prestations de solidarité. Pour faire des économies, il revendique également l’expulsion des étrangers « n’ayant pas eu d’emploi pendant un an » et la fin des accords de 1968 avec l’Algérie, que le parti proposera dans sa niche parlementaire le 30 octobre.

Marine Le Pen et Jean-Philippe Tanguy lors de la conférence de presse du RN pour la présentation de leur contre budget à Paris, le 23 octobre 2025. © Photo Xose Bouzas / Hans Lucas

Autre cible récurrente du RN, les associations servent de variable d’ajustement dans la recherche d’économies du parti : l’an passé, les lepénistes promettaient 400 millions d’euros de baisse de subventions aux associations, cette année, c’est 3,2 milliards. Dans le viseur de Marine Le Pen, les associations « ne relevant pas de l’intérêt général », termes fourre-tout qui permettent de cibler les structures d’aide aux migrants et les associations environnementales.

Trancher dans les agences de l’État

« Nous ne sommes pas de gauche, nous n’entendons pas retirer les subventions à ceux qui ne pensent pas comme nous », a assuré la patronne des député·es RN, avant de cibler « les associations dont l’objectif est de violer la loi ou d’aider les gens à violer la loi ».

Impossible en revanche de connaître la liste des associations ciblées par le RN. « La liste, vous l’aurez quand nous serons élus », a balayé la triple candidate à la présidentielle. Le député Matthias Renault s’est chargé de donner quelques détails aux journalistes, confirmant que la mesure visait notamment à supprimer 500 millions d’euros de subventions à celles qui proposent de l’hébergement d’urgence.

Dans une démarche chère à son allié Éric Ciotti, admirateur de la ligne antiétatique du président argentin Javier Milei, le RN se lance également dans une chasse aux économies sur les agences et opérateurs de l’État. L’an passé, le parti revendiquait pouvoir réaliser 3,4 milliards d’euros d’économies en baissant les crédits de diverses agences, de l’agence de l’eau à l’Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi).

Pour le budget 2026, le RN propose de doubler ces coupes, pour réaliser 7,7 milliards d’euros d’économies, auxquels s’ajoutent 2,3 milliards d’économies sur le budget de l’aide publique au développement, ou 5 milliards de baisse de la dotation pour les régions et les intercommunalités – cinq fois plus que ce qu’il proposait l’an passé. Deux échelons territoriaux que le parti souhaite, à terme, supprimer.

Mesures pro-entreprises

Ces coupes franches dans le budget de l’État sont autant de gages donnés aux milieux économiques, que le Rassemblement national (RN) s’attèle à séduire depuis les législatives de 2024. Tout comme le « choc fiscal positif » que Jordan Bardella a promis aux chefs d’entreprise dans la lettre publique qu’il leur a adressée début septembre. Même si elle vilipende l’« échec total de la maîtrise des dépenses publiques » pendant « huit ans de macronisme », la formation lepéniste a bien l’intention de poursuivre la coûteuse politique de l’offre menée par le chef de l’État.

Dans la lignée de ce que demandent constamment les lobbys économiques depuis trois ans, pas moins de 16,2 milliards de baisses d’impôts de production sont proposées dans le contre-budget du RN présenté mardi, quand ces « mesures en faveur des entrepreneurs » n’atteignaient que 5,35 milliards d’euros dans leur précédente mouture l’an dernier. « Jordan Bardella avait annoncé dans sa lettre aux entrepreneurs que nous étions capables d’aller plus loin », s’est félicité Jean-Philippe Tanguy.

Alors qu’il se contentait en 2025 de maintenir la trajectoire de suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) – prévue en 2030 –, le RN propose de le faire dès à présent. Il mettrait également fin à la cotisation foncière des entreprises (CFE) et à la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Autant de coupes qui, si elles étaient mises en œuvre, assécheraient considérablement les finances des bénéficiaires du produit de ces impôts de production : les collectivités locales et le modèle social dans son ensemble.

Baisses de TVA sur l’énergie et les produits de première nécessité

Autre cadeau aux entreprises, et surtout à leurs actionnaires, le RN entend élargir les conditions du pacte Dutreil, qui permettent aux patrons de céder leur entreprise à leurs enfants en payant peu d’impôts. Ce dispositif, s’il bénéficie aussi aux petites entreprises, est surtout défendu à bras-le-corps par les grandes fortunes. C’est l’une des niches fiscales qui entretient la sous-taxation des héritages en France, comme le rappelait le Conseil d’analyse économique (CAE) dans une note publiée fin 2021.

Son inventeur, l’ancien ministre Renaud Dutreil, conseille d’ailleurs Marine Le Pen et Jordan Bardella, selon La Tribune. Il était invité en juin dernier au Sommet des libertés – organisé par les galaxies des milliardaires Vincent Bolloré et Pierre-Édouard Stérin –, où il a dénoncé le « rouleau compresseur de l’égalité, qui a trouvé son instrument : la fiscalité ».

Tout en exauçant les souhaits des entreprises, le RN entend aussi contenter les ménages. Sur les 45 milliards d’euros de baisses d’impôts prévues dans le contre-budget du RN, 25 milliards doivent leur bénéficier directement. Soit « un gain de pouvoir d’achat de 25 milliards d’euros », a traduit Jean-Philippe Tanguy. Le RN propose une réduction de 11 milliards d’euros de la TVA sur l’énergie et de 3,5 milliards sur les produits de première nécessité.

Le tournant libéral entamé par le RN ne l’empêche toutefois pas de cibler la finance et les dividendes. Il propose d’augmenter la taxe sur les rachats d’actions à 33 %, ce qui rapporterait 8,4 milliards d’euros, de taxer les superdividendes (1,3 milliard d’euros) et de créer une taxe sur les transactions financières réalisées en moins de vingt-quatre heures, pour lutter contre la spéculation.

Le RN reprend enfin sa proposition de transformer l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) en impôt sur la fortune financière (IFF), qui rapporterait 4 milliards d’euros et taxerait certes le patrimoine financier des plus aisés, mais exonérerait les riches propriétaires d’immobilier.

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