
Arguments pour la lutte sociale
La suspension de … l’intersyndicale et du mouvement social ? Par Jean Gersin
Par aplutsoc le 15 octobre 2025
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Depuis le 2 octobre au soir, l’intersyndicale a sifflé la fin de la mobilisation naissante et s’est mise en stand-by. Les 2 positions CGT et CFDT sur les retraites donnent une idée de la fracture dans l’unité.
La CFDT, sans référence au reste du budget Lecornu, salue comme une victoire les mots prononcés par Lecornu, « suspension de la réforme des retraites ».
Dans la perspective de la présidentielle de 2027, elle se donne en négociateur du conclave à venir. Elle se proclame à la fois garante de la suspension de la censure et du passage à la retraite par points sur le modèle Agirc Arrco par les syndicats.
LA POSITION CFDT
« La suspension de la réforme est une vraie victoire des travailleuses et des travailleurs.
Pour la CFDT, la porte est désormais ouverte et rend possible, pour les élections 2027, le débat sur l’avenir des retraites.
Les retraites sont souvent présentées comme un sujet technique et budgétaire. Pour la CFDT, c’est d’abord un sujet éminemment social et politique : il exige un débat de qualité loin des postures idéologiques qui ne peuvent conduire qu’aux blocages.
La CFDT s’inscrira donc dans la « conférence sur les retraites et le travail » qui rouvrira le sujet de la pénibilité et intégrera l’enjeu de l’équilibre financier. La méthode de cette conférence reste à négocier. »
La CGT regarde la suspension comme un simple décalage dans l’application de la réforme Borne : quelques mois. Décaler n’est pas bloquer ni abroger. Et de dénoncer le coup du conclave : pour la CGT, l’heure n’est ni à la retraite à points, ni à la capitalisation mais à l’abrogation de la réforme des retraites !
Puis la CGT met en perspective cette suspension factice avec le budget de violente austérité qui cible les travailleurs et protège les riches.
LA POSITION CGT
«… La suspension annoncée est en réalité un décalage de son application de quelques mois seulement.
Ce simple décalage reviendrait à confirmer les 64 ans au mépris de la mobilisation de millions de travailleurs et de travailleuses depuis 2 ans et demi.
Pour la CGT, la seule suspension qui vaille est un blocage immédiat de l’application de la réforme des retraites à 62 ans, 9 mois et 170 trimestres.
Décaler n’est pas bloquer, ni abroger. Les 64 ans et l’allongement de la durée de cotisation seraient toujours dans la loi mais leur application serait seulement décalée de quelques mois. Le monde du travail ne tombera pas dans le piège.
En proposant la réouverture d’une conférence sur les retraites, en posant comme préalable des mesures d’économie, Sébastien Lecornu fait renaître de ses cendres le conclave de François Bayrou et redonne la main au patronat.
Pour la CGT, l’heure n’est ni à la retraite à point ni à la capitalisation mais à l’abrogation de la réforme des retraites ! »
L’OPTION PROGRAMMATIQUE DE LA CFDT REMONTE À JUIN 2011 quand elle signait une « approche de la compétitivité française », en compagnie de la CGC, de la CFTC, du Medef, de la CGPME et de l’UPA (voir encart )
Voici la position commune MEDEF-CFDT : la recherche de la compétitivité du travail est la seule solution pour redynamiser le capitalisme. Elle passe par ce qui suit :
Ainsi la traque de la protection sociale fondée sur les cotisations sociales, patronales et salariées, est une base de la CFDT, une passerelle avec le patronat.
Ce qui apparaît en octobre 2025, c’est l’investissement total et exclusif de la CFDT dans la démarche PS de sauvetage du reste du macronisme, dans la perspective de contrôler le mouvement social et de le mettre en attente de la présidentielle.
Le conclave deviendrait une boutique obscure où se négocie non une capitulation mais une application de la position commune de juin 2011, à l’heure où le Medef veut en finir avec la protection sociale modèle 1945.
Depuis son historique recentrage, la CFDT considère le capitalisme comme l’horizon indépassable de la société dont il convient de limiter les aspects les plus brutaux.
L’AMBIGUïTÉ DE LA POSITION CGT
Voici comment sa déclaration du 14 octobre se termine :
« Ces choix injustes et dangereux s’inscrivent toujours dans la même logique : faire payer la crise au monde du travail tout en protégeant les profits et les dividendes, sans remettre en cause les 211 milliards d’aides versées aux entreprises et en tendant une nouvelle fois la main au patronat.
Avec l’abandon du 49-3, l’adoption de l’ensemble de ces mesures va reposer sur les parlementaires. La CGT les appelle d’ores et déjà à combattre toutes ces régressions. Pour la CGT, le combat continue et la mobilisation s’impose ! »
Oui, mille fois oui, le combat continue et la mobilisation s’impose. Mais pourquoi et comment ?
Pourquoi ?
La perspective d’un budget de guerre sociale et de coups mortels portés à la Sécurité sociale par le PLFSS réaffirme le tournant pris par le Capital : la période longue ouverte par l’après-Guerre se termine avec la volonté de la classe bourgeoise d’éteindre l’État social, et de passer à un gouvernement entre les mains directes des milliardaires et des grands patrons.
Le modèle Trump est celui des Bernard Arnault, Bolloré et Stérin, celui de Patrick Martin du Medef est proche, il opte pour une concentration nationale des droites et des extrêmes droites.
L’horizon du Capital n’est pas, par-delà les variantes politiques possibles, celle d’un retour au paritarisme pratiqué et financé depuis des décennies. La situation économique est celle d’une stagnation telle que la prédation des caisses sociales et la baisse drastique de la rémunération du travail deviennent un impératif du Capital.
L’ambiguïté CGT est entretenue sur un retour chimérique à un gentil paritarisme, une union nationale pour réindustrialiser la France et utiliser dans de bonnes conditions l’IA domptée au service du Travail.
Comment ?
« La mobilisation s’impose ». Quid de de celle naissante le 10 septembre ? La mobilisation passe-t-elle par une attente du bon vouloir d’une intersyndicale drivée par une CFDT enconclavée ?
Bien plus : il ne peut y avoir de séparation entre les revendications fondamentales, bases de la mobilisation et de la démarche sociale, avec les échéances politiques immédiates, surdéterminées à la fois par un Capital qui exige autoritairement sa livre de chair et un RN disposé à lui fournir un parti de combat contre l’immigration et le marxisme (« islamo-gauchisme », « woke » et Cie)
Donc ? La CGT porte-t-elle la perspective d’une mobilisation unitaire, par en haut et par en bas, pour les revendications fondamentales, contre le budget du Capital, contre le fascisme, pour un horizon immédiat en forme de front populaire sur ces bases ?
Ou bien prend-elle la posture sociale par opposition à un engagement politique ?
Urgence
En regard de l’instabilité politique et économique, le calendrier des échéances électorales risque de ne pas être le bon. À tout moment, dissolution, démission du président, coup de force Le Pen, manifeste des militaires et des policiers pour l’ordre, que sais-je, vont troubler le rythme du temps.
L’unité syndicale, de celle qui mobilise, doit être reprise en main et non laissée aux dirigeants d’une intersyndicale qui baigne dans le formol.
La perspective de mobilisations sociales doit être examinée en fonction de besoins qui vont éclater, à coup sûr, dans des secteurs molestés.
Par-dessus tout, nous devons déclarer que la mobilisation unitaire est le moyen d’accéder au front populaire, le seul moyen entre nos mains pour le propager et l’imposer.
Sans quoi, nous ouvrirons la séquence du spectateur syndical d’une grande défaite programmée.
Jean Gersin, 15 octobre 2025
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