Depuis plusieurs semaines, un blocus djihadiste coupe la capitale malienne du reste du pays. Les convois de carburant sont attaqués, les routes sont bloquées et l’économie est paralysée.

La semaine dernière, les États-Unis ont exhorté leurs ressortissants, ainsi que leur personnel diplomatique non essentiel, à quitter immédiatement le Mali, alors que Bamako pourrait bientôt tomber aux mains des djihadistes.
- Wassim Nasr, journaliste à France 24, spécialiste des mouvements djihadistes
Le JNIM, branche sahélienne d’Al-Qaïda, contrôle déjà la plupart des routes menant à la capitale et cherche désormais à s’imposer politiquement face au pouvoir central. Après les talibans à Kaboul et le HTS en Syrie, que signifierait l’entrée à Bamako de ce groupe considéré comme terroriste par la communauté internationale ? Que sait-on de cette organisation et de sa ligne idéologique et politique ?
Le JNIM, une puissance djihadiste territorialisée et transethnique
Le groupe djihadiste JNIM, branche sahélienne d’Al-Qaïda, s’impose aujourd’hui comme la principale force armée face au pouvoir malien. Fondé en 2017 par la fusion de plusieurs organisations, il est dirigé par le Touareg Iyad Ag Ghali et se distingue par sa capacité à dépasser les clivages ethniques : « Le JNIM a réussi à recruter, au-delà des composantes arabes et touarègues, chez les Peuls, chez les Dogons, et même chez les Bambaras », explique Wassim Nasr.
Actif au Mali, au Burkina Faso, au Niger et jusqu’au Togo, le groupe impose progressivement la charia dans les zones qu’il contrôle. Selon le journaliste, il a mis en place un blocus économique et religieux autour de Bamako, interdisant notamment à certaines compagnies de transport de prendre des militaires ou de transporter des femmes non voilées. Son financement repose sur des rançons spectaculaires et sur la « zakat », un impôt religieux prélevé auprès des commerçants. Wassim Nasr souligne qu’il s’agit d’un mouvement avant tout territorial : « Ils sont très ancrés dans leur zone d’activité au Sahel et ne cherchent pas à frapper l’Europe, contrairement à l’État islamique ».
Les échecs occidentaux et la question des négociations
Le blocus de Bamako s’inscrit dans un contexte d’échec militaire et politique des interventions étrangères au Sahel. Wassim Nasr rappelle que l’opération Serval, lancée par la France en 2013, avait été « une réussite militaire », mais qu’en 2014, « il était impossible de se désengager politiquement » à cause de la guerre contre l’État islamique et des attentats en Europe.
Depuis, le départ des troupes françaises et américaines, remplacées par les forces russes de Wagner, a aggravé la situation : « L’implication des Russes et les exactions commises par Wagner ont renfloué les rangs des djihadistes ». Pour le spécialiste, l’échec occidental tient à un malentendu fondamental : les puissances étrangères visaient l’éradication du djihadisme, tandis que les juntes locales « utilisaient l’antiterrorisme pour se maintenir au pouvoir et s’enrichir ». Il estime qu’une autre voie aurait pu être explorée : « Si, il y a dix ans, on avait négocié avec Iyad Ag Ghali, les résultats auraient pu être différents ». La conclusion qu’il tire est claire, dans les guerres d’insurrection comme au Sahel, seule la négociation peut, selon lui, ouvrir la voie à une baisse durable de la violence.

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