Cancer rural : quand l’agriculture intensive rend la France malade
« On accuse la voiture, mais c’est autour des champs que le cancer explose. »
Le cancer est la première cause de mortalité en France, responsable de plus de 170 000 décès par an. Contrairement aux idées reçues, il ne frappe pas seulement les personnes âgées : il est aussi la deuxième cause de mortalité chez les jeunes adultes. Et surtout, il n’est pas uniformément réparti sur le territoire. Les grandes villes, malgré la pollution automobile, affichent des taux de cancers globalement plus faibles que les campagnes agricoles intensives.
Les campagnes, foyers invisibles du cancer
Les enquêtes épidémiologiques sont sans appel :
– AGRICAN (INSERM, INRAE, CHU Caen) : plus de 180 000 agriculteurs suivis depuis 2005. Résultats : sur-risque de cancers de la prostate, du sang (lymphomes, leucémies), du cerveau et de la peau chez les agriculteurs exposés aux pesticides.
– Les riverains des zones viticoles et de grandes cultures présentent également une exposition accrue, confirmée par l’étude PestiRiv (Santé publique France, Anses).
– Les enfants et les femmes enceintes sont particulièrement vulnérables : l’exposition in utero est associée à une augmentation des leucémies infantiles.
La France, championne des pesticides
– Premier consommateur européen : en 2022, la France a utilisé 67 872 tonnes de pesticides, devant l’Espagne et l’Allemagne.
– Parmi les premiers mondiaux rapporté à la superficie agricole : environ 65 000 tonnes par an, ce qui place la France parmi les plus gros consommateurs mondiaux.
– La vigne illustre cette disproportion : 3,7 % des terres agricoles, mais 20 % des pesticides consommés.
– Résidus omniprésents : dans l’air, l’eau, les sols et les aliments.
Comparaison européenne
– Selon le European Cancer Information System (ECIS), la France affiche un des taux d’incidence les plus élevés d’Europe : environ 355 cas pour 100 000 hommes et 274 pour 100 000 femmes.
– L’Europe concentre 25 % des cas mondiaux de cancer, alors qu’elle ne représente que 10 % de la population.
– La France se distingue par une forte incidence mais une survie élevée, grâce à son système de soins performant.
Le cancer rural n’est pas une fatalité biologique. Il est le miroir de notre modèle agricole : intensif, chimique, productiviste.
La France soigne mieux que ses voisins, mais elle rend ses citoyens plus malades. Les données de Santé publique France, INSERM et INRAE sont opposables : elles confirment que l’agriculture intensive est un facteur systémique de maladie.
« La France est championne d’Europe des pesticides. Et si l’on regarde la superficie, elle est aussi en tête mondiale. Le cancer rural est le prix de ce modèle. Il est temps de le dire, de le documenter, et de le combattre. »
Nicolas Camps – Linkedin
Coordinateur de projets environnementaux
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