Contre le narcotrafic, Macron et ses ministres visent les consommateurs en oubliant l’essentiel du message

https://lesgiletsjaunesdeforcalquier.fr/2025/11/le-geant-marocain-du-cannabis-des-chiffres-vertigineux/

LR: La production de cannabis au Maroc est d’environ 40 000 tonnes, ils saisissent 10 grammes dans les poches d’un jeune quand la Gendarmerie royale marocaine est au coeur du trafic de milliers de tonnes. Mais le roi du Maroc et sa famille sont des amis de La France. Cette question est donc un sujet tabou dans la presse.

Comme ses ministres avant lui, Emmanuel Macron s’en prend aux consommateurs de drogue, ces « bourgeois de centre-ville » complices des drames du narcotrafic.

XOSE BOUZAS / Hans Lucas via AFP
Le gouvernement vise les consommateurs pour tarir le narcotrafic, mais oublie le principal
EN BREF
• Dans la lutte contre le narcotrafic, Emmanuel Macron et plusieurs ministres multiplient les messages visant les consommateurs de drogues.
• Malgré une approche répressive très stricte, les chiffres de consommation augmentent à des niveaux inégalés en Europe.
• Plusieurs experts dont un sénateur qui a écrit un rapport insistent sur l’importance des politiques de prévention sans lesquelles limiter la consommation est illusoire.

L’IA au HuffPost

POLITIQUE – Pour mener la guerre, mieux vaut couvrir tous les fronts. Depuis l’assassinat du frère du militant politique Amine Kessaci à Marseille, l’exécutif et les pouvoirs publics s’affichent à la manœuvre pour tenter de contenir le fléau du trafic de drogue. Avec un ennemi facile, les consommateurs, et un ton martial de rigueur.

Lire aussi

Dans le sillage du chef du gouvernement, Emmanuel Macron reprend la rhétorique de ses ministres régaliens consistant à culpabiliser les personnes addicts. « On ne peut pas avoir un débat national si on oublie que s’il y a du trafic, des enfants tués, des réseaux qui prospèrent, c’est parce qu’à la fin il y a des gens qui achètent de la drogue », a-t-il lancé depuis l’Allemagne, quelques heures après une réunion dédiée à l’Élysée. Ce mercredi, c’est contre les « bourgeois de centre-ville », complices, qu’il a dirigé sa colère.

Ce tableau, certes nourri par les récents drames à Marseille ou Grenoble, est loin d’être nouveau. On se souvient par exemple des diatribes d’Éric Dupond-Moretti, en son temps, contre le « joint au goût de sang séché » ou le clip « électrochoc » du ministre Bruno Retailleau en février 2025 pour blâmer les consommateurs. Mais pour quels résultats ? Cette offensive tente surtout de masquer un angle mort majeur dans la réponse des pouvoirs publics à ces enjeux pourtant plus prégnants que jamais.

Une culpabilisation inefficace ?

Le constat, bien sûr, est implacable : sans consommateurs de substances interdites, les trafics perdraient une grande partie de leur raison d’être, bien que les grands criminels soient capables de se reporter sur d’autres activités tout aussi délétères, le trafic d’arme ou d’êtres humains par exemple. Reste donc, suivant cette logique, à trouver le moyen de faire sortir les personnes de leurs addictions. En les pointant du doigt, comme le refont depuis quelques heures les responsables de l’exécutif ?

La réalité est bien moins simple. Les Français sont les plus gros consommateurs de drogue en Europe, et les chiffres sont en croissance constante. Le nombre de personne ayant pris au moins une fois de la cocaïne sur l’année a presque doublé entre 2022 et 2023 (derniers chiffres disponibles), passant de 600 000 à 1,1 million. La même tendance s’observe concernant la MDMA/ecstasy, quand on compte toujours 5 millions de consommateurs de cannabis.

« Il faut s’attaquer à la demande, avec un travail de prévention, d’accompagnement et de soin, sinon, on aura raté quelque chose. » Jérôme Durain, ancien sénateur auteur d’un rapport sur le narcotrafic.

Des chiffres alarmants, qui tendent surtout à démontrer l’inefficacité de l’action gouvernementale sur les usagers, ceci malgré un cadre répressif considéré comme l’un des plus durs en Europe, et des propos toujours plus culpabilisants. Dans ce contexte, les spécialistes des addictions pointent tous un parent pauvre : la prévention.

La logique de 1970

« Plus vous stigmatisez les comportements, plus ça dissuade de se rendre vers des lieux de soutien », résume ainsi Catherine Delorme, la présidente de la Fédération Addiction, dans Le Monde. Pour elle, « communiquer » comme le fait l’exécutif, « c’est méconnaître la consommation de drogue et ses raisons. (…) Une bonne campagne de prévention, qui peut avoir un écho auprès de tous, devrait d’abord informer sur les enjeux de santé et surtout ne pas isoler et stigmatiser une personne – ou une catégorie de personnes – dans sa consommation », ajoute cette professionnelle.

En clair, les acteurs du soin, relayés par la gauche sur l’échiquier politique, plaident pour revenir à l’essence même du cadre qui accompagne les personnes addicts aux substances illicites : elles sont considérées autant comme des délinquants (à punir, le cas échéant) que des malades (qu’il faut soigner). Une dualité qui remonte à la loi de 1970 et sa logique formulée alors ainsi par le député centriste Pierre Mazeaud : « la répression n’a réglé le problème des toxicomanies dans aucun pays ».

Ce que le gouvernement a semble-t-il perdu de vue, 50 ans plus tard. Sinon, comment comprendre le destin bien différent des rapports commandés sur le sujet. Celui des sénateurs Jérôme Durain et Étienne Blance concernant la lutte, répressive, contre le narcotrafic a été suivi d’une loi complète, massive, et saluée. Celui réclamé par Aurélien Rousseau (alors ministre de la Santé) à l’addictologue Amine Benyamina, pour comprendre « les racines et les déterminants des conduites addictives » est, lui, toujours porté disparu depuis décembre 2023.

La lutte contre l’addiction affaiblie

Plus significatif encore, le gouvernement a fait le choix de raboter les crédits alloués à la lutte contre les pratiques addictives. Ceci, alors que le phénomène, en expansion, est à l’origine des épisodes de violences dramatiques à travers le territoire, selon le narratif du pouvoir. Et que le panel de pratiques néfastes à couvrir tend à s’élargir, aux écrans ou jeux en ligne par exemple.

En 2023, la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) pouvait compter sur une enveloppe de 129 millions d’euros, contre 123 pour l’année 2025. Concrètement, c’est 6 millions d’euros en moins pour soutenir des actions de prévention, dans les écoles, auprès des jeunes ou dans les quartiers sensibles. Dans le même temps, les budgets sécuritaires sont en nette hausse, et une ribambelle de textes et mesures sont venus garnir l’arsenal répressif visant les consommateurs. De l’amende forfaitaire délictuelle à la confiscation des smartphones.

Comme si, pour gagner la bataille contre l’addiction à l’alcool, le gouvernement avait délaissé dans les années 90 sa campagne massive de santé publique, mêlant prévention et sensibilisation, régulation plus stricte et aide sociale ou médicale. Une stratégie qui a porté ses fruits, puisque la part des buveurs hebdomadaires est passée de 62,6 % à 39 % en 20 ans. Pour lui préférer des spots de publicités culpabilisants, et une amende renforcée pour consommation sur la voie publique.

Charge désormais à l’exécutif de compléter sa réponse au phénomène du narcotrafic, comme le réclame également le sénateur socialiste Jérôme Durain, auteur du rapport remarqué sur cette mafia qui gagne la France. « Il faut s’attaquer à la demande, avec un travail de prévention, d’accompagnement et de soin », nous dit-il, « sinon, on aura raté quelque chose ». Tout un front, en l’occurrence.

Ce champ est nécessaire.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*