La paix de Poutine

This photo released by the acting Governor of Kursk region Alexei Smirnov telegram channel on Tuesday, Aug. 6, 2024, shows a damaged house after shelling by the Ukrainian side in the city of Sudzha, Kursk region that borders Ukraine. Russian officials said Wednesday they were fighting off Ukrainian cross-border raids in a southwestern border province for a second day, as Kyiv officials remained quiet about the scope of the operation. (Governor of Kursk region telegram channel via AP)
André Markowicz, a une écriture d’une profondeur et une justesse analytiques de premier ordre. Ce qu’il nous propose ici sur le plan de paix trumpo-poutinien et le sombre contexte géopolitique dans lequel il s’inscrit, mérite toute notre attention pour éviter que notre réflexion ne s’égare dans les confusionnismes médiatiques et politiques opacifiant la tragique réalité d’une guerre impérialiste et fasciste que la Russie poutinienne mène sur notre sol européen. Contre notre peuple frère, ce qui nous crée l’obligation de solidarité la plus active avec lui ! La Russie, ce billet le rappelle clairement, par cette guerre anti-ukrainienne/anti-européenne qu’elle mène avec l’aide du trumpisme, contribue plus largement à installer le chaos dans le monde en faisant sauter les garde-fous de paix, de droits internationaux.
Il nous reste, en nous appuyant sur les fulgurances analytiques de l’auteur, à les prolonger par l’établissement d’un débat sur les propositions politiques et sociales de résistance militaire et de ripostes à envisager contre tout passage à l’acte de l’ennemi, sans dérives militaristes, face aux agressions qui se profilent sur notre continent.
La paix de Poutine
Les rumeurs ont parcouru l’internet mondial, et surtout ukrainien, depuis quelques jours, s’accroissant avec une espèce d’angoisse ébahie surtout avant-hier et hier, au moment où le scandale de corruption prenait, aurait-on cru, toute la place dans l’espace de l’information : le « plan de paix » de Trump était conclu, et ce n’était pas un plan de paix de Trump, c’était celui de Poutine, article pour article, avec une seule et, visiblement, unique exception, dont Poutine n’avait jamais parlé, à savoir que la province de Lougansk et le Donbass étaient cédées à Poutine, et, pour le Donbass, cédées totalement, même pour les régions où l’armée russe n’a jamais pénétré – cela, Poutine le demandait constamment, – , mais qu’en compensation, et alors même que les USA reconnaissaient une annexion de facto (de même que l’annexion de la Crimée), la Russie acceptait de payer une somme comme de location des terres (somme dont le montant n’était pas précisé)… – En fait, quand le plan concret a été révélé, ce point d’une supposée compensation russe n’était pas même mentionné. Ce qui se passe est, évidemment, sans exemple dans l’histoire récente : nous avons affaire à un plan de dépeçage conjoint entre l’agresseur et celui qui était censé fournir l’aide principale à l’agressé.
Le fait est que, pour tout le reste, absolument tout le reste, ce sont les points exigés par Poutine depuis le début, accentués encore : ainsi, l’obligation pour l’Ukraine d’instaurer le russe comme deuxième langue officielle (alors que le russe n’a jamais été, depuis 1991, langue officielle), la réinstauration de l’Eglise russe comme Église ukrainienne, la diminution drastique des effectifs militaires, le rejet de toute aide occidentale à l’avenir, et toute une série d’autres points que l’on pourrait penser totalement délirants, parce que ce sont des points de capitulation sans condition, en rase campagne. La question est toute simple : évidemment, le gouvernement de Volodymir Zelensky ne peut pas accepter ces conditions, et, à vrai dire, aucun gouvernement ne peut le faire, parce que cela reviendrait à accepter sur le papier une défaite qui n’existe pas sur le terrain, même si, sur le terrain, de fait, la situation est très sérieuse. – Accepter ce plan serait accepter de faire de l’Ukraine un État fantoche. Et force est de dire que le scandale de corruption qui secoue l’Ukraine en ce moment tombe, pour Poutine, au moment idéal (en Russie, un tel scandale est impossible parce que le pays est tout entier dirigé par la corruption, par des assassins mafieux – et que le seul, en fait, qui dénonçait cette corruption, Navalny, a payé le prix de sa vie).
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La situation militaire est très sérieuse pour l’armée ukrainienne, mais elle est aussi très très sérieuse pour la Russie, – à cause de ses pertes, bien sûr, mais, surtout, à cause de la situation économique. Là, ce qui va suivre, si ce plan est mis en œuvre, c’est que les USA vont, unilatéralement, lever les sanctions sur la Russie, voire, si l’Ukraine refuse, et si l’Europe essaie de continuer de soutenir l’Ukraine, imposer des sanctions contre elles. Parce que, je me répète, le pouvoir à Washington est exercé par Poutine, et par personne d’autre. Je dis : personne d’autre (et qu’on ne me parle pas du nouveau train de sanctions que les USA veulent, aujourd’hui, imposer à la Russie : ce seraient des sanctions mises en route si la Russie n’acceptait pas « la paix » de Trump…).
Hier, j’écoutais des commentateurs ukrainiens qui expliquaient que Zelensky s’était rendu en Ankara (avec son ministre de la Défense qui n’est pas rentré depuis) pour rencontrer Witkoff, le représentant américain, avec un autre plan, préparé avec les Européens, et que Witkoff n’a simplement pas voulu le rencontrer. C’est-à-dire que nous nous trouvons devant un ultilmatum américano-russe : soit l’Europe cède absolument tout, – tout sans exception, soit elle se retrouve en guerre ouverte – pas en guerre hybride, pas en guerre économique (c’est déjà le cas depuis longtemps), en guerre ouverte, avec une Russie qui sera soutenue par une levée unilatérale des sanctions américaines. Nous nous trouvons, c’est absolument terrifiant à dire, exactement dans la situation de Münich : nous devons tout céder et nous devons faire confiance à l’agresseur quand il promet qu’il veut la paix – et que, même dans ces conditions, concrètement, il ne donne aucune garantie.
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La situation est celle-ci. Avec cette circonstance particulière en plus, c’est que l’Europe va, à l’exception de la France, et, je crois de la Suède (mais, pour la Suède, il faut vérifier), se retrouver sans aviation de combat, parce que ce sont les USA qui contrôlent les F-35 qu’ils ont vendus à toutes les armées européennes – après des campagnes de lobbying qui ont détruit la solidarité de l’Union européenne, et rendu l’Europe impuissante.
Je m’arrête ici ce matin. Oui, l’angoisse est montée d’un cran. Voire de deux ou de trois.
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