Semaine de cinq jours, fin des devoirs à la maison, vacances scolaires regroupées sur deux zones… La convention citoyenne sur les temps de l’enfant a remis vingt propositions pour des rythmes « mieux adaptés ». Les premières critiques sont déjà cinglantes.
Une réforme d’ampleur des rythmes scolaires. C’est ce que proposent les 133 membres de la convention citoyenne sur les temps de l’enfant qui ont adopté, dimanche 23 novembre, leur rapport final après cinq mois de travaux.
Ces citoyennes et citoyens tiré·es au sort ont remis vingt propositions pour améliorer les rythmes, les apprentissages et le développement des enfants qui subissent le « rythme effréné » d’une société valorisant « la productivité et la performance ». Selon Kenza Occansey, le vice-président du Conseil économique social et environnemental (Cese), chargé de ce moment de dialogue, « l’organisation des temps n’est pas construite pour les enfants, mais en fonction des contraintes professionnelles, des parents et des besoins économiques ».
Un peu plus de la moitié des mesures du rapport concerne donc directement l’organisation des temps scolaires des 3-18 ans : du nombre de jours et d’heures de classe par semaine aux périodes de vacances scolaires, en passant par la durée de la pause méridienne. Les autres propositions portent sur la mobilité (les temps de transports), l’usage des écrans ou encore la création d’un ministère de l’enfance.
Dans leur manifeste introductif, les 133 membres de la convention citoyenne préviennent : leur rapport ne doit pas devenir « un rapport de plus » qui prendra la poussière dans un placard. Le sujet, l’épanouissement des enfants, est trop important pour être négligé et « doit être la priorité absolue », souligne le texte. Les travaux ont été réalisés de concert avec des enfants et adolescent·es, de 6 à 17 ans, consulté·es dans toutes les régions, notamment au travers d’ateliers. Une diversité d’actrices et acteurs de l’éducation ont par ailleurs été auditionné·es.
Les autrices et auteurs des propositions, âgé·es de 19 à 83 ans, planchent sur le rapport depuis juin 2025 et se sont réuni·es sept fois au Cese, à qui le président Emmanuel Macron a confié la mission d’organiser la convention. C’est la troisième convention citoyenne de ce type, après celles sur le climat et la fin de vie dont les suites politiques avaient fortement déçu. « Nous attendons maintenant de nos décideurs politiques qu’ils prennent leurs responsabilités et prouvent que la politique peut encore être au service du bien commun », insiste donc le manifeste.
La première mesure phare concerne l’organisation de la semaine. Si aujourd’hui, 90 % des écolières et écoliers font des semaines de quatre jours, quand les autres sont à quatre jours et demi, le rapport préconise d’établir « cinq jours pleins obligatoires » de l’élémentaire au lycée – les mercredis après-midi seraient facultatifs pour les seul·es enfants de maternelle.
Déscolarisation de contenu
« L’aménagement du temps de la semaine condensé sur quatre jours n’est pas en adéquation avec les rythmes biologiques de l’enfant et de l’adolescent. Cette organisation entraîne des journées trop denses, des ruptures et des irrégularités dans les heures de coucher et de lever », argumente la convention citoyenne.
Elle propose donc cinq jours pleins, mais plus courts avec des après-midi de classe qui s’achèveraient à 15 h 30 et seraient dédiés à des « apprentissages pratiques » aussi divers que variés : ateliers civiques, pratiques culturelles et sportives ou encore ateliers de la vie pratique tels que « bricolage, cuisine, ménage, plomberie » proposés aux filles comme aux garçons pour « réduire les inégalités de genre ».
De quoi faire bondir Stéphane Bonnéry, professeur en sciences de l’éducation à l’université Paris VIII. « À qui fera-t-on croire que l’on peut apprendre plus et mieux en moins de temps ? », s’interroge-t-il, dans une tribune publiée par L’Humanité quelques heures après la présentation du rapport.
Joint par Mediapart, il se dit « furax, inquiet, terrifié » par certaines des propositions. « La convention propose de réduire de 24 heures à 15 heures hebdomadaires les enseignements alors que les élèves français ont déjà perdu un nombre considérable de ces heures depuis 2008 », développe-t-il.
« Ce qui est prévu les après-midi, ce n’est pas de l’enseignement, mais des activités. C’est de la déscolarisation de contenu », tranche celui qui a publié, en août 2025, un ouvrage intitulé Temps de l’enfant, rythmes scolaires : vraies questions et faux débat (aux éditions de la Fondation Gabriel Péri).
Des cours de 45 minutes
Selon le rapport, le reste de la journée, après 15 h 30, serait consacré aux activités extrascolaires et « des devoirs allégés » une fois à la maison car ces derniers « participent à creuser les inégalités sociales entre les enfants puisqu’ils dépendent des conditions de vie et de l’accompagnement des familles ». La convention citoyenne plaide donc pour des « revoirs » plutôt que des devoirs.
Là encore, Stéphane Bonnéry fulmine : « Et donc, à 15 h 30, les gamins, hors de l’école ? Et c’est comme ça qu’on veut réduire le temps devant les écrans ? » Car d’après lui, se contenter de miser sur l’extrascolaire ne tient pas la route. « Payées par qui, ces activités ?, lance le professeur. Les mairies sont au bord de la faillite. »
Toujours concernant les horaires, la convention citoyenne préconise de garantir une pause le midi d’une heure trente minimum (ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui au collège et au lycée) et de raccourcir à quarante-cinq minutes la durée d’un cours dans le secondaire. Quarante-cinq minutes, c’est aussi le temps de trajet maximum souhaité pour chaque trajet entre le domicile et l’établissement scolaire au travers d’un « plan de mobilité jeunes » sur tout le territoire.
La convention entend aussi reculer le début des cours à 9 heures au collège et au lycée afin de respecter « les besoins physiologiques des adolescents » qui s’endorment naturellement plus tard. Pour celles et ceux « qui n’ont pas d’autre choix que d’arriver tôt le matin », le rapport suggère la mise en place d’un « temps d’accueil échelonné » qui concernerait aussi les enfants de maternelle et primaire avec, dans l’idéal, la possibilité de prendre un petit-déjeuner.
Les autrices et auteurs le rappellent, en maternelle et primaire « la mise en place d’un accueil échelonné avant le début des cours est [déjà] obligatoire », mais ses conditions et horaires varient selon les villes, pénalisant souvent les familles monoparentales (82 % sont des mères seules) comme Mediapart l’avait documenté.
Pas de réduction des vacances
Dans son ensemble, la part faite aux propositions de nouveaux rythmes ne convainc que moyennement le SNUipp-FSU, premier syndicat des enseignantes et enseignants du premier degré. Dans un communiqué publié dimanche 23 novembre, l’organisation dit partager avec la convention citoyenne « les constats et les préoccupations sur les inégalités scolaires ». Mais elle estime que modifier les rythmes « ne produira aucun effet positif si les mécanismes générateurs d’inégalités ne sont pas traités ».
La question des vacances scolaires, jugées trop longues par Emmanuel Macron – et point de départ de son idée de lancer une convention – a quant à elle divisé les 133 membres. Seul·es un tiers des participantes et participants souhaitaient, comme le président, les raccourcir. Le maintien des seize semaines actuelles (huit l’été et huit lors des petites vacances) a donc été acté, mais avec une organisation différente.
Le rapport préconise ainsi de regrouper les vacances de février et de Pâques sur deux zones au lieu de trois actuellement, avec une semaine commune pour « permettre à tout le territoire d’avoir des vacances en commun, en particulier les enfants de familles séparées habitant des zones différentes ». Cela permettrait aussi d’être plus proche du rythme « préconisé par les chronobiologistes » de sept semaines de cours avant deux semaines de vacances. Chaque année, au moins une zone se trouve en effet confrontée à un long tunnel avant les prochains congés.
Sur ce point, des « réserves exprimées à la suite du vote » sont mentionnées dans le rapport. « Certains citoyens ont exprimé des doutes sur l’effectivité du passage de trois à deux zones au regard de l’impact sur l’économie du tourisme et de l’opposition du secteur », indique ainsi le document. Chacune des vingt propositions est d’ailleurs systématiquement accompagnée du taux d’adhésion lors du vote final et parfois de « réserves » quand elles s’expriment plus fortement.
Ce qui est proposé, c’est une politique de classe pour renoncer à l’égalité.
Outre les temps et rythmes scolaires, le rapport propose aussi de « rendre obligatoire une éducation théorique et pratique aux usages du numérique à l’école » et de « faire respecter et renforcer la législation existante, en interdisant les réseaux sociaux avant 15 ans ». Il préconise par ailleurs la création d’un « véritable droit de la parentalité », qui « reconnaisse et protège le rôle des parents tout au long du parcours de vie de l’enfant ».
Il propose enfin de « dépasser la fragmentation des politiques publiques liées à l’enfance » en créant un ministère dédié pour garantir « une coordination nationale cohérente entre école, périscolaire, éducation populaire, santé, culture, familles… ».
Le document de 130 pages et ses vingt propositions détaillées doit maintenant être remis à l’exécutif ,puis sera présenté aux parlementaires en janvier, ainsi qu’aux élu·es locales et locaux, à quelques mois des municipales. À l’heure du désordre parlementaire et des changements successifs de gouvernement, les membres de la convention citoyenne du temps de l’enfant adressent un message clair : « Dépassons tous les clivages politiques et les changements de majorités afin de permettre à tous les enfants de grandir à leur rythme. »
Présente dimanche lors du vote du rapport au Cese, la haut-commissaire à l’enfance Sarah El Haïry a juré que « le gouvernement attendait avec beaucoup de gourmandise » les propositions. Selon le président du Cese, Thierry Beaudet, l’exécutif sera en mesure de donner « les premières réponses » d’ici une quinzaine de jours « sur les suites envisagées et envisageables » à ce rapport.
Stéphane Bonnéry, le professeur en sciences de l’éducation, n’est pas rassuré, persuadé que la conduite de ce rapport a été biaisée afin d’orienter les citoyennes et citoyens tiré·es au sort. « Ils ont aiguillé toute la réflexion vers les conclusions souhaitées », affirme-t-il. Le SNUipp-FSU ne dit pas autre chose dans son communiqué, rappelant que la convention citoyenne était limitée à la seule réflexion sur l’articulation des temps de l’enfant, « sans interroger les contenus éducatifs ».
Stéphane Bonnéry va plus loin, voyant derrière la volonté d’Emmanuel Macron « un projet d’hyper privatisation », car réduire le temps d’enseignement « offrira un avantage concurrentiel à l’école privée », sans parler des familles « qui pourront payer des cours particuliers » en parallèle. Et conclut, cinglant : « Ce qui est proposé, c’est une politique de classe pour renoncer à l’égalité. »
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