La gauche qui trahit…

« La gauche qui trahit parvient-elle à se regarder dans le miroir ? Je crois hélas que oui. Car elle bénéficie d’un véritable système d’impunité qui encourage et justifie la trahison politique. D’abord grâce à un écosystème médiatique : les médias de droite des milliardaires (BFM TV, CNews, Les Échos, Le Figaro…) saluent évidemment la culture du “réalisme” et du “compromis” de la gauche qui trahit pour une raison évidente : ses trahisons sont un ralliement aux intérêts de la classe bourgeoise. Les médias de centre, qui appartiennent à des riches prétendument centristes ou de gauche comme Le Monde (Xavier Niel, Matthieu Pigasse) ou Libération (Denis Olivennes) aiment cette gauche qui continue à se donner des apparences de gauche mais qui lâche du lest sur ses fondamentaux dès qu’elle peut. On se donne des frissons avec la micro taxe Zucman mais dans le fond on respire quand elle disparaît du débat public. Du côté des médias public en cours de Bollorisation, on salue cette gauche “réaliste”, “pragmatique” car cela permet de mieux pouvoir stigmatiser, par comparaison, cette gauche insoumise qui est dans le “conflit”, qui n’est pas “constructive” car sur le service public on est là pour maintenir le réel tel qu’il est : favorable à la bourgeoisie et aux classes aisés.
Du coté des médias dits indépendants, le système d’impunité n’est pas forcément brisé : sur l’émission Backseat, la présidente du groupe écologiste a pu justifier son abstention sans être contredite alors qu’elle mentait. Ainsi, l’écosystème médiatique va produire deux choses à la fois : quand la gauche trahit, elle va saluer la trahison au nom de justification technique et politique, qui font d’elle la seule raisonnable. Et au moment des élections, l’écosystème médiatique va redorer son blason de gauche, ne serait-ce qu’en la nommant comme telle (alors qu’on peut s’interroger sur le sens qu’il y a, après des décennies de travail actif pour le capital, de nommer le PS “la gauche”) et en gommant tout son passé de compromissions. La virginité de gauche est reconstruite tous les cinq ans par des médias qui vont insister sur la “rupture” qu’ont pu constituer des Benoît Hamon, Olivier Faure et Marine Tondelier, de façon à revivifier un “débat démocratique” qui aurait bien piètre apparence si l’on disait ce qu’il en était vraiment, à savoir que la plupart des acteurs légitimes de la course électorale appartiennent peu ou prou à la même équipe, avec quelques nuances qui n’auront impact sur la vie des gens.
Ce travail de ressuscitation de la gauche qui trahit, devenue la “gauche en fait à nouveau de gauche”, est aussi faite par ses alliés, à commencer par la France Insoumise qui, selon ses besoins électoraux, a besoin ou non d’alliés pour prendre de l’ampleur en termes d’élus nationaux ou locaux. Par “pragmatisme”, la France insoumise a pu adouber un Olivier Faure ou une Lucie Castets puis les ostraciser – à juste titre. Si j’insiste là-dessus ce n’est pas pour le plaisir d’en remettre une couche sur ce qui s’est avérée être une erreur stratégique gravissime commise par la FI mais pour que l’on comprenne bien comment fonctionne notre classe politique quand il s’agit d’émettre des discours : en fonction des circonstances et des gains.
Car les discours et les actes n’ont pas, dans la vie politique, la consistance qu’ils ont en population générale. Un politique français change beaucoup plus souvent de fond politique, philosophique et moral que n’importe quel individu normalement constitué. Ce qui est souvent décrit comme une idée reçue regrettable qui nourrirait l’abstention – l’idée que les politiques sont indignes de confiance – est en fait une donnée sociologique majeure qu’il faut prendre en compte si l’on ne veut pas constamment être déçu. Cela tient à un phénomène qui s’est terriblement aggravé au cours des dernières décennies : l’autonomisation de la sphère politique vis-à-vis de la vie réelle.
Cette autonomisation se traduit dans un fait simple et aux conséquences dévastatrices : pour un homme ou une femme politique, ce qui importe le plus ce n’est pas ce que pense de lui la population générale mais ce que les membres de son clan vont avoir comme estime ou dégoût pour sa personne. La politique française est d’abord un système de cooptation, à droite comme à gauche, où même la défaite électorale n’enterrera pas votre avenir politique. Ce qui compte, c’est votre capacité à exister dans cette sphère autonome, professionnalisée et où vos scores électoraux ont peu d’importance. Ce qui compte, c’est votre capacité à gravir des échelons et vous positionner au bon endroit au bon moment. Ainsi, Marine Tondelier peut avoir perdu toutes les élections auxquelles elle a participé et pourtant faire partie des personnalités politiques de gauche de premier plan. Le PS peut avoir perdu toutes les élections à plate-couture et rester une force politique puissante sur le plan institutionnel et médiatique. Les élections jouent un rôle presque mineur, il tient à la bourgeoisie médiatique et aux clans politiques en place de décider de la place qu’on lui accorde. Si ce n’était pas le cas, LFI serait depuis longtemps le seul parti de gauche dont on entendrait parler, vu son score à la dernière présidentielle, et Les Républicains, ayant fait 6% aux dernières législatives, serait traité comme un micro-parti. »
Pourquoi la gauche trahit (et comment l’en empêcher)
frustrationmagazine.fr
Pourquoi la gauche trahit (et comment l’en empêcher)

Daniel Glikmans

Penser que le parti socialiste et le parti écolo sont de près ou de loin « de gauche » est une absurdité. Et s’ils ne sont pas de gauche alors ils ne trahissent pas, ils mettent juste en pratique leurs idées. Il faut arrêter d’utiliser ce terme de « gauche » pour tout et n’importe quoi sinon ce mot ne voudra bientôt plus rien dire du tout. Faire ça ne sert qu’à jeter la confusion dans le tête des gens.

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