A propos de cette mobilisation des éleveurs…
Et de la nouvelle crise agricole
La mobilisation des agriculteurs contre la gestion catastrophique de la dermatose nodulaire bovine a contraint le gouvernement à développer la vaccination et à reculer sur la politique d´abattage systématique de tout un troupeau dès lors qu´un animal était malade.
Macron se serait bien passé de cette crise qui montre que la colère paysanne est loin d´être étreinte, d´autant que la FNSEA qui est restée en marge des manifestations en pouvait pas de ce fait aider à calmer le jeu comme lors des mobilisations précédentes.
Cette fois-ci, non seulement personne ne lui a demandé la permission de barrer les routes mais ce sont les deux syndicats concurrents, la Coordination rurale et la Confédération paysannes, qui ont mobilisé conjointement et avec succès petits et moyens éleveurs que les décisions du gouvernement et leur imposition de force par les gendarmes mettaient dans une situation catastrophique, ruinant des annés de travail.
Les affronements avec la police ont parfois été violents, mais outre que les manifestations paysannes sont soiuvent musclées les flics avaient visiblement ordre de cogner.
Cette convergence entre un syndicat progressiste et un autre réactionnaire, au sein duquel l´extrême droite est influente, a pu surprendre, mais il faut voir que les deux ont un point commun qui les différencie de la FNSEA, ils ne sont pas tenus par les grands groupes de l´agro-industrie, groupes qui sont totalement indifférents au sort des petits et moyens producteurs pour peu que la maladie en touche pas les plus gros élevages.
A la limite les méthodes du gouvernement, si elles pouvaient aboutir à davantage de concentration et de pression à la baisse sur les prix à la production, n´etaient pas pour leur déplaire. Mais si les dirigeants de la FNSEA sont restés à l´écart ce ne fut pas partout le choix de leur base, notamment des jeunes souvent lourdement endettés qui ont fait cause commune avec les autres syndicats.
Empétré dans une nouvelle crise, Macron et son gouvernement minoritaire qui a bien d´autres soucis, ont dû lâcher du lest après avoir montré leur incompétence. La mobilisation paysanne a permis de limiter les dégâts.
Mais leurs difficultés ne s´arrêtent pas là. L’accord commercial avec le Mercosur revient au premier plan et à la veille de sa ratification Macron déclare être opposé à sa signature. Cela le met dans une position inconfortable car en dehors de l´Italie tous les autres gouvernements européens y sont favorables. Peut-être est-ce une simple posture destinée à éviter un accroissement des mobilisations paysannes dans lesquelles la FNSEA serait cette fois impliquée, à quelques mois des élections municipales.
On peut supposer qu´un passage en force, juridiquement possible, des instances europénnes, permettrait à Macron de se dédouaner.
Que cela arrête les mobilisations est une autre histoire, mais elles ne seraient plus dirigées contre son gouvernement qui aurait vainement tenté de défendre la “Ferme France”.
La question agricole est donc prédominante dans les oppositions européennes aux accords entre UE et Mercosur. Y compris dans la plupart des pays dont les gouvernements sont favorables à la ratification nombre de paysans ont l´impression d´être sacrifiés au profit des grands groupes industriels et financiers, qui seraient les seuls gagnants du traité de libre échange.
Le fait que Lula et le gouvernement brésilien insistent pour une signature rapide renforcent ces préventions: demain la vieille Europe sera envahie par des produits agricoles à vil prix, compétitifs parce que en satisfaisant aucune norme sanitaire, environnementale et encore moins sociale.
On peut constater que ces arguments contre la “concurrence déloyale” en sont pas réservés aux accords avec les pays du MERCOSUR. Ils sont souvent avancer pour dénoncer les importations en provenance du Maroc, mais aussi au sein même de l´Union européenne, par exemple en France contre les produits espagnols…
En fait si les accords sont appliqués le libre échange fera des gagnants et des perdants des deux côtés de l´Atlantique. En Europe les grands groupes de l´industrie et des services trouveront de nouveaux marchés qui leur permettront de moins dépendre des caprices douaniers de Trump; et bien sûr les exigences de la “compétivité” accroîtront la concentration, avec élimination des moins performants, les états nationaux devant aider leurs capitalistes en diminuant impôts et “contraintes”. La petite usine de textile qui vivote dans une quelconque province européenne ne vendra pas davantage…
Le petit paysan du Brésil ou du Paraguay ne trouvera aucun bénéfice, il sera sacrifié sur l´autel de la productivité car seules les plus grosses exploitations, souvent aux mains de groupes financiers, seront à même d´augmenter production et exportations. Donc de ce côté aussi concentration et élimination des “trop petits”.
Du point de vue des industriels européens de l´agro-alimentaire ce qui prime c´est le coût de la matière première, pas le pays où elle est produite.
Par ailleurs certains ont pris les devants. Voilà quelques annèes que DOUX, le principal producteur franÇais de poulets, a délocalisé au Brésil une partie de sa production pour être compétitif sur les marchés du proche Orient. Si les accords aboutissent il pourra vendre en France ses poulets produits au Brésil ! Les petits éleveurs brésiliens en seront pas plus riches pour autant.
Mais la dénonciation du libre échangisme et de ses dégâts ne doit pas conduire à faire l´apologie du protectionnisme, de l´union sacrée avec nos capitalistes, qui sont tout aussi exploiteurs et prédateurs que ceux des autres pays. En fait au niveau mondial comme u sein de chaque nation les capitalistes sont à la fois en concurrence entre eux et solidaires pour tailler dans les législations sociales ou environnementales. De plus le chauvinisme pointe vite son nez quand les qualités de “nos produits” sont opposées à la médiocrité de ceux des voisins et quand l´écologie réelle ou prétendue devient un simple argument de vente.
Nous sommes partisans de l´union des petits paysans du monde pour combattre et vaincre ceux qui les exploitent, les oppriment et parfois les assassinent pour voler leurs terres. Et ces oppresseurs sont les mêmes que ceux qui écrasent tous les travailleurs.
Mais toutes celles et tous ceux qui veulent défendre leur droit de vivre de leur travail en sont pas tous conscients de cette réalité.
Quand des adhérents de la Coordination rurale qui manifestent demandent que “on les laisse travailler” et que leur colère est tournée contre les écologistes, ils ne voient pas que ce sont les Lactalis et autres groupes laitiers privés ou faussement coopératifs qui leur interdisent de vivre de leur travail, ou s´ils le voient ils ne savent pas comment les affronter.
C´est une situation périlleuse qui peut conduire à la généralisation d´actions violentes instrumentalisées par des groupes fascistes. Il y a de nombreux exemples historiques où la petite bourgeoisie, dont des secteurs de la paysannerie, désespérée, a fourni des miliciens contre le mouvement ouvrier.
Le fait que certains se retrouvent dans les mobilisations aux côtés des “progressistes” de la Confédération paysanne, et que donc des objectifs communs même limités priment sur les différences idéologiques, doit être une opportunité pour dialoguer, pour expliquer, pour centrer sur les véritables problèmes et les réponses à apporter.
Cela implique de mettre en avant un programme d´urgence qui devrait au minimum comprendre une garantie de revenus, des prix minimum couvrant les coûts de production et assurant un salaire, un moratoire et une remise à plat des dettes d´exploitation, une amélioration de la protection sociale et des services publics gratuits, de qualité et de proximité.
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