Face à la dermatose bovine, la Confédération paysanne et la Coordination rurale s’allient sur le terrain

Reporterre

16 décembre 2025

Deux syndicats aux idées politiques opposées, main dans la main sur le terrain : la Confédération paysanne et la Coordination rurale s’associent contre le protocole sanitaire en cas de dermatose nodulaire contagieuse bovine.

Urt (Pyrénées-Atlantiques), reportage

Un sapin de Noël a été planté sur une botte de foin au beau milieu de l’asphalte de l’autoroute A64, bloquée depuis le 12 décembre par des agriculteurs dans les Pyrénées-Atlantiques. Installés au milieu de la route, entourés de dizaines de tracteurs et de barricades, ces paysans protestent contre le protocole sanitaire d’abattage total des troupeaux de bovins lorsqu’un cas de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) est détecté en leur sein.

La contestation ne cesse de grandir depuis l’abattage d’un cheptel dans le Doubs, le 2 décembre. Elle est menée par deux syndicats agricoles que tout oppose sur le papier : la Coordination rurale (CR), aux discours proches de l’extrême droite et la Confédération paysanne, classée à gauche. La FNSEA, premier syndicat agricole, soutient quant à elle le protocole sanitaire et ne participe pas au mouvement de protestation, même si certains de ses adhérents rejoignent ponctuellement les actions.

Lire aussi : Dermatose bovine : la colère agricole s’intensifie

Sur le barrage de l’A64, au niveau d’Urt (Pyrénées-Atlantiques), les membres de la Coordination rurale et ceux de la Confédération paysanne basque (ELB-Euskal Herriko Laborarien Batasuna) restent soudés autour de leur revendication commune : la fin de l’abattage systématique et la mise en place d’un protocole avec un abattage sélectif, qui viserait uniquement les bêtes testées positives, ainsi qu’une extension de la vaccination.

Revendication commune

À la mi-journée, lundi 15 décembre, ils étaient une centaine à partager quelques vivres autour d’une table pliante pour tenir l’autoroute, complètement fermée à la circulation depuis trois jours. Au même moment, des délégués de la Confédération paysanne étaient reçus à la préfecture de Pau et un rassemblement s’y tenait en soutien.

« Dans l’inconscient, les images venues d’Ariège [des affrontements entre gendarmes et agriculteurs devant une exploitation menacée d’un abattage total] ont déclenché beaucoup de choses », affirme Thierry Léon, agriculteur et président de la CR 64, qui ne cache pas sa colère, notamment dirigée contre la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, dont il demande la tête : « Elle ment, elle dit que c’est sous contrôle alors qu’un nouveau cas vient d’être confirmé dans l’Aude ! Elle n’est plus crédible. »

Quant à l’alliance de circonstance avec ELB, il n’en fait pas un sujet : « Ce sont nos voisins, on se parle et heureusement. On a débattu de nos différences, elles ne sont pas si grandes que cela. »

Même son de cloche de l’autre côté de la table, où Sallato Estebe, éleveur à la tête d’un troupeau de 56 vaches de la race blonde d’Aquitaine et adhérent au syndicat ELB, devise avec un ami. « On a la même ligne : celle de pouvoir continuer à vivre avec nos troupeaux. Là, on ne s’en prend pas à notre façon de travailler — en bio ou en conventionnel, en intensif ou en extensif — on s’en prend à notre outil de travail ! »

Les directions nationales plus prudentes

Si, à Urt, l’alliance fait consensus, le sujet est plus houleux ailleurs. Certes, les deux syndicats sont sur une ligne commune pour la DNC — en demandant la fin de l’abattage systématique des troupeaux — et cette position a mené à des alliances locales. Mais l’union est plus timide au niveau national. « Ce n’est pas une convergence idéologique, la liste de nos désaccords est trop longue sur tous les autres sujets, comme l’a montré la loi Duplomb », rappelle Stéphane Galais, porte-parole de la Confédération paysanne.

Même prudence du côté de la direction nationale de la CR, laquelle refuse « d’être associée à des dérapages d’extrême gauche ». En Ariège et dans le Gers, des communiqués communs ont néanmoins été signés pour demander la mise en place d’un autre protocole.

Pour tenter de calmer la colère des agriculteurs et d’endiguer la crise, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, s’est rendue dans l’après-midi du 15 décembre en Haute-Garonne « afin de lancer la campagne de vaccination » de 1 million de bêtes. « La discussion est ouverte » sur une éventuelle suspension des abattages systématiques des troupeaux de bovins contaminés, a fait savoir la ministre aux agriculteurs.

Les convergences locales peuvent-elles infléchir la position nationale ? Sallato Estebe espère que la lutte continue sur le terrain et « que les politiques restent en dehors. On est là pour défendre un métier ». Ce qu’il redoute le plus ? Voir une étable vide en cette période de Noël.

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