Le bobo est devenu l’incarnation d’une sorte de nouvelle classe dominante

La semaine dernière, le journal de vendeur d’armes Le Figaro relayait la dernière trouvaille sociologique de l’indéboulonnable éditocrate Franz Olivier Giesbert : « On dit toujours « les bobos ». Non ! Aujourd’hui il s’agit plutôt de « bogau », de bourgeois gauchistes ». Puis de reprocher à cette supposée classe d’anarchistes millionnaires de se faire livrer en Uber Eats. C’est à peu près le seul élément empirique pour amener ce renouvellement d’un thème en vogue, au succès certain, lancé par la droite états-uniennes au début des années 2000 : celui du bobo. Le bobo est devenu l’incarnation d’une sorte de nouvelle classe dominante responsable de tous les maux de la société et qu’importe qu’on y mette à la fois des instits, des travailleurs sociaux et Yann Barthès. C’était pratique pour la droite d’inventer cet adversaire d’autant plus qu’elle s’appuie sur cette expérience bien réelle de la morgue un peu pénible des écolos petits-gestistes et des intellos France Inter.
La tentation est forte, chez nous, à gauche, d’embrasser ce concept et nous l’avons largement fait. Mais ce faisant, nous avons contribué – et je m’inclus dans ce nous – à favoriser une vision culturelle de la lutte des classes, au détriment des dominations économiques qui pourtant nous font bien plus de mal dans notre quotidien : mes propriétaires successifs et mes chefs m’ont bien plus pourri la vie que ces gens exaspérants venant nous expliquer quoi penser et comment bien lutter depuis Nuit Debout Paris.
Désormais le terme bourgeois – indispensable pour nommer l’ennemi, celui pour qui Macron, et pas seulement, travaille depuis 10 ans au moins – parce qu’il a du succès, est en train d’être détourné pour subir le même sort que bobo. Et ce, par la conjonction de deux forces : celle du discours de droite extrême qui doit faire des progressistes les ennemis du peuple et celle de la néolibéralisation des luttes qui veut discipliner les comportements individuels plutôt que de favoriser la lutte collective. La chasse au « classisme » y prend une place importante et le bourgeois devient celui qui écoute (mal) Théodora ou qui nous agace pour tout un tas de raisons (souvent légitimes). Ça suffit.
Peut être une image de texte qui dit ’Je vois de plus en plus de publications, sur l'insta de gauche ou culturel, qui parle des bourgeois. Je devrais être content puisqu'à @frustrationmag on se bat pour populariser une grille de lecture en termes de luttes des classes où ce terme joue un rôle clef puisqu'il désigne la classe dominante’
Peut être une image de texte qui dit ’Sauf que < bourgeois > est de plus en plus utilisé pour désigner beaucoup de monde. Souventil il agit des gens un peu branchés, parfois des gens de gauche, des diplômés ou de celles et ceux qui vivent dans les centre-ville des métropoles (ça fait tout de de même plusieurs millions de personne). J'apprenais hier par exemple que «les bourgeois de gauche» > écoutaient Théodora pour se distinguer socialement’
Peut être une image de texte qui dit ’Je constate que ce terme est utilisé pour désigner des pratiques culturelles et des goûts plus que des positions professionnelles ou financières. C'est l'effet Bourdieu plus que l'effet Marx: on classe les gens en fonction de ce qu écoutent plutôt que ce qu'ils possèdent. Or, si les goûts jouent un rôle indéniable dans la domination sociale, rien à voir avec la violence des liens de subordination au travail et celle de la domination financière (à travers le rapport propriétaire locataire par exemple).’
Peut être une image de texte qui dit ’Un bourgeois c'est quelqu' un qui possède des moyens de production, qui a du pouvoir sur notre travail ou sur nos besoins fondamentaux. Ce n'est pas simplement quelqu un qui exerce du snobisme quis 'habille d'une certaine façon (agaçante) ou qui a une certaine aisance financière. c'est la petite bourgeoisie, sous-bourgeoisie ou classe moyenne supérieure.’
Peut être une image de texte qui dit ’On va appeler < bourgeois >> les gens qu'on voit ou qu'on connaît parce qu'ils nous semblent plus proches de nous et ils nous agaçent plus facilement. Mais par conséquent comment On appelle un PDG, un multipropriétaire ou Rodolphe Saadé ?-Je Je doute que ces gens écoutent Théodora par exemple. À utiliser le terme < bourgeois pour régler nos comptes, on onle le stérilise ne dit plus rien de la réalité sociale mais traduit des différences de comportements individuels et de goûts.’
Peut être une image de texte qui dit ’Enfin, être un bourgeois c'est faire partie de la bourgeoisie: c'est un phénomène collectif et pas simplement une attitude individuelle irritante. La bourgeois On n'y entre pas comme ça, c'est une classe très fermée, ou pas grand grand-chose chose n'est laissée au hasard. L'usage extensif du terme de bourgeois fait 'impasse sur cette dimension collective.’
Peut être une image de texte qui dit ’L L'insistance sur les clivages culturels au détriment des clivages économiques est historiquement le combat de la droite et etde de l'extrême-droite qui ont tout intérêt à exposer les < bobos -terme popularisé par des conservateurs américains- comme classe dominante (qui imposerait son progressisme, son mode de vie écolo, ses idées de gauche) plutôt que la vraie bourgeoisie, petite ou grande, dont elles sont membres et représentantes’
Peut être une image de texte qui dit ’Ce que beaucoup ici nomment néolibéralisation des luttes et qui consiste à insister sur les actes individuels ou détriment des combats collectifs, et qui pousse àl'autodiscipline individuelle, le signalement de vertu et la culpabilisation insistent eux aussi, pour d' autres raisons, sur ces clivages culturels ce qu'on écoute, sur quelle plateforme, devient plus important que ce que l'on possède et le métier qu'on exerce. Ifaut surveiller ce que l'on consomme, montrer qui l'on est, ce que l'on pense, mais pas tant le pouvoir qu'on a via notre position économique liée à une appartenance de classe.’
Peut être un graphique de texte qui dit ’Les questions que l'on doit se poser pour évaluer l'appartenance ou non un individu à la classe bourgeoise 'est selon moi: -Est-il propriétaire d' un patrimoine productif (Étre propriétaire de sa seule maison ce n'est pas productif) ou propriétaire en puissance ? Enfant d' une famille possédante) -Occupe-t-il une place élevée dans la hiérarchie sociale ? (Donne-t-il des ordres et en reçoit-il?) -A-t-il des revenus élevés (À partir de 5000 euros net on fait partie des 10% les plus riches à titre d'échelle) -Est-il très connecté à un réseau de pouvoir national (grande bourgeoisie) ou local (petite bourgeois)?’
Peut être une image de texte qui dit ’Ces critères économiques et sociaux sont beaucoup plus déterminants que les goûts culturels surtout que les travaux de sociologie récents insistent sur l'éclectisme culturel de la bourgeoisie (elle peut aimer le et le classique c'est ok) -ou même les convictions philosophiques ou politiques (quand on est diplômé on sait jouer ces caractéristiques et en changer sans souci)’
Peut être une image de texte qui dit ’À gauche On a tendance à utiliser des thèmes sociologiques pour régler nos comptes, compris interindividuels. On se traite de bourgeois, de gentrifieur, de patron à tort et à travers. Ce n'est pas toujours grave maisil faut quand même se demander ce que ça fait à ces concepts est-ce que ça les renforce en les banalisant dans le langage courant ou au contraire est-ce que ça les stérilise parce qu'on les utilise de façon un peu irréfléchie?’
Peut être une image de texte qui dit ’Nommerl'adversaire Nommer 'adversaire est essentiel à la réussite de nos combats. Or, l'insistance sur les critères culturels de la domination sociale tendent à invisibiliser notre ennemi principal pour le déplacer vers... nous-même. nous- Le jeune adulte diplômé (phénomène de plus en plus majoritaire depuis les es années 80) qui aspire à l'égalité. Alors, on se déteste nous-même ou on es combat eиx?’
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