Les soulèvements de la terre et Bassines Non merci

Entrée de Julien Le Guet, porte-parole de Bassines Nonmerci dans le Tribunal de Poitiers.
Nous vous relayons la déclaration préalable qu’il fera cet après-midi au tribunal de Poitiers lors du procès en appel du 3 décembre pour l’organisation de la manifestation du 29 octobre 2022 sur le chantier de bassine de Sainte-Soline :
« Mesdames, messieurs les juges, je me présente à vous suite aux jugements rendus en première instance à Niort en Janvier 2024 et dont nous avons fait appel avec mes camarades.
Pour ma part, il s’agit du début d’un véritable marathon judiciaire, parce que si j’ai bien compris , chacun des 4 jugements prononcés à mon encontre en première instance, fera l’objet d’une audience spécifique, devant cette même
cour d’appel de Poitiers.
Lors des prochains épisodes, vous aurez par exemple à trancher a l’occasion de deux procès en appel sur cette question :
Qui a raison entre le juge Durafour, qui m’a condamné en première instance pour la dégradation représentée par un tag inscrit le 1er mai 2023 devant la gendarmerie indiquant « Pour Serge et les deux cents blessés de Sainte-Soline, Dubée, Vestieu, Darmanin en prison » et le même juge Durafour, qui m’a relaxé pour le même tag suite a la plainte pour diffamation du colonel Vestieu, faute d’éléments probants pour m’imputer l’écriture de ce tag, largement relayé depuis…
Je tiens à vous signaler que je vis la multiplication de ces échéances à venir comme une peine supplémentaire venant s’ajouter aux interdictions de territoire et de porter les armes déjà en application. Je dois, pour chacune de ces audiences mobiliser des témoins, des avocat-es, et me retrouve de fait, sous une pression y compris médiatique, qui affecte d’ores et déjà mon quotidien.
Néanmoins, je me présente devant vous, aujourd’hui bien déterminé à obtenir la relaxe du précédent jugement, et concernant plus précisément mon implication a priori dans les manifestations finalement interdites par la préfète Dubée des Deux-Sèvres, les 2 octobre et 29/30 octobre 2022.
Tout d’abord, je tiens à revenir sur mon engagement « à temps plein» dans cette lutte contre les mégabassines et depuis bientôt 10 ans…
Je suis engagé contre les mégabassines parce qu’elles contribuent à la destruction d’un territoire qui m’est cher, qui m’est vital, le marais poitevin.
Je me bas contre les mégabassines parce qu’elles contribuent au maintien d’une certaine agriculture dont les effets sur cette zone humide, unique au monde sont la disparition de nombreuses espèces a laquelle j’ai du assister, impuissant, depuis plus de quarante ans.
Cette culture intensive, de ce maïs si gourmand en eau, et largement encouragé par les pouvoirs publics à partir des années 70, a enfermé notre agriculture dans une véritable voie sans issue.
+ d’eau pour + d’irrigation pour répondre à un climat de + en + chaud ?
Les rivières disparaissent, les marais sont ravagés.
Mon métier, ma passion, ont été pendant plus de trente ans de faire découvrir le marais poitevin, son histoire, son fonctionnement, sa faune, sa flore en tant que guide batelier.
Aujourd’hui j’ai été contraint de cesser cette activité. L’état du marais est tel que ce qui autrefois me donnait joie, épanouissement et émerveillement me procure, aujourd’hui, mal-être, tristesse et abattement. tarza queurvas!! Tout
y crève !
Je suis un enfant du Mignon. J’y ai péché, j’ y ai nagé, j’y ai travaillé, mes filles ont appris à y nager. Et je ne peux que constater que la construction des premières bassines ( je parle de celles de l’Asa des Roches du secteur la Grève, la Laigne, Cram Chaban, aujourd’hui illégales) n’a fait qu’accentuer les dysfonctionnements et notamment hydrauliques dont souffre le marais.
Durant les dix ans qu’aura duré leur exploitation illégale, nous aurons pu assister à des remplissage de bassines même en période d’assec hivernal du Mignon (bassine de mauzé au printemps 2022), alors que le niveaux des nappes était particulièrement bas. Nous avons du aussi déplorer la généralisation de l’usage du glyphosate sur tous les versants alimentant le Mignon ( les « fameuses » cultures « sous couverts » promues par le protocole des deux sèvres pour les 16 mégabassines et qui recourent systématiquement à cet herbicide extrêmement nocif pour les milieux aquatiques et dont le président Macron nous avait naguère promis l’interdiction).
Je peux vous assurer, que comme tous mes camarades, nous avons tout essayé, tout mis en œuvre, pour stopper ces aménagements géants et aberrants, ces véritables « maladaptations » comme les qualifient l’écrasante majorité des scientifiques questionné-es sur le sujet.
Et à commencer par tous les moyens légaux :
nous avons fait la promotion de l’enquête publique en mars 2017 et facilité l’expression de plus de 800 citoyen-nes du territoire. 80 % d’entre elleux ont alors fait part leur opposition ferme à ces projets de stockage d’eau à vocation agricole sur des bases juridiques souvent très argumentées.
Nous avons organisé des centaines de réunions publiques, soirées débat, projections en tout genre, mettant la pédagogie et l’information des citoyen-nes au centre de notre lutte.
Nous avons organisé des dizaines de manifestations toujours festives, familiales rassemblées des dizaines de milliers de personnes autour de cette lutte pour l’eau bien commun.
Nous avons déclaré toutes ces manifestations et ce systématiquement jusqu’en novembre 2022 et quand bien même, les interdictions devenaient systématiques à partir de janvier 2023, nous continuions à déclarer la plupart de nos évènements.
Nous avons même alerté la commission européenne PETI qui lors de nos deux auditions nous aura donné raison sur le fait que, 6 directives européennes étaient potentiellement bafouées par ces projets de bassines.
Nous avons soutenu tous les recours légaux et avec les associations de protection de la nature obtenu de nombreuses victoires qui à minima, auront ralenti les ardeurs des pelleteuses, et du rouleau compresseur institutionnel.
A tel point que les 6 bassines de l’Asa des Roches du Mignon et celle, si emblématique de Sainte Soline, sont à ce jour illégales…et qu’à ce titre les chantiers n’auraient jamais dû être réalisés. TOUT CA POUR CA !
Mettez vous à notre place, mesdames, messieurs les juges :
quand la terre où vos enfants ont grandi est à ce point atteinte, quand vous voyez les autorités et les institutions censées être les garantes de l’intérêt général et de l’application de la loi, bafouer ces mêmes lois et traiter avec mépris et violence un large mouvement citoyen agissant simplement pour l’eau, commun vital pour toutes les formes de vie sur cette même Terre, La planète bleue !
Quand en septembre 2022, et sur pression d’un Julien de Normandie, ministre de l’agriculture, en représentation au congrès de la FNSEA à Niort, le chantier démarrait à Mauzé, alors même que des recours restaient encore à juger, que nous restait-il comme moyen de stopper ce désastre écologique ?
Face à des autorités qui a partir de ce mois de septembre, vont systématiquement entraver nos droits fondamentaux à manifester, à nous exprimer, que nous reste-t-il ?
Dire Non à cette atteinte à notre condition de citoyen-ne, continuer à nous réunir, nous rassembler, quitte à risquer les amendes applicables en cas de participation à une manifestation interdite, à nous auto-organiser collectivement pour défendre nos droits fondamentaux.
Alors mesdames et messieurs les juges, je ne vais pas me dérober : oui j’étais présent les 2 octobre et 29/30 octobre 2022 . Oui j’assume avoir participé à ces rassemblements revendicatifs et politiques, qui à quelques jours de leur tenue auront été déclarés illégaux par ce que je qualifie de décisions arbitraires et inadaptées des autorités et des préfets en poste.
Je récuse fermement avoir joué un rôle particulier et prépondérant dans ces mobilisations dès lors que celle ci ont été interdites, et je pense que si je me retrouve aujourd’hui devant vous c’est que le juge Mr Durafour et ses assesseurs, auront confondu mon rôle de porte parole et celui de responsable légal, de chef, de décideur bref, d’organisateur. Ce n’est pas
notre fonctionnement, ce n’est pas notre culture, et quand nous décidons collectivement de rentrer «en désobéissance civile » ce sont bien des individus qui s’autoorganisent et non plus des organisations qui risqueraient des représailles en tout genre si leur participation venait à pouvoir être démontrée.
Je rappelle également à la cour, et mon camarade David Bodin le développera également, que les arrêtés d’interdiction de manifestations étaient accompagnés à chaque fois d’une véritable batterie d’arrêtés complémentaires qui auront eu pour effet, de rendre toute « organisation » impossible. En effet, comment organiser et conduire une manifestation , un cortège, sans les outils permettant de coordonner une telle manif, comment dès lors nous imputez quelque responsabilité que ce soit dans l’organisation le jour J puisque la préfecture et la gendarmerie confisquaient ou empêchaient systématiquement tout ce matériel (camion sono , tracteurs, mégaphone…) d’être acheminés-. En nous supprimant ces outils, l’Etat a empêché toute coordination à notre niveau et créé les conditions du chaos.
Je me sens pleinement en droit de faire valoir l’état de nécessité pour justifier l’illégalité dans laquelle nous auront enfermés de fait des décisions éminemment politiques, contraires au principe de liberté d’expression et de manifestation.
Je le dis et le redis ici « le chantier de la mégabassine» de Sainte Soline n’aurait jamais dû démarrer. Nous n’aurions jamais dû a avoir à nous mettre en danger et à nous exposer à de telles représailles judiciaires pour avoir résisté à ce projet.
Concernant l’interdiction de port d’armes, cette peine ne m’atteint en rien, je suis et resterai objecteur de conscience, et à ce titre, j’ai toujours refusé de porter et utiliser quelque arme que ce soit. De la même manière, je me suis toujours refusé de commettre quelque violence physique contre quiconque y compris les forces de l’ordre.
Lors de ces manifestations, ma position de porte parole m’oblige à faire face à des agents de l’État lourdement armés, et j’ai déjà eu à subir et à assister à de trop nombreuses reprises à la violence « institutionnelle » dont l’État et ses gens d’Armes pouvaient se rendre coupables, et nous avons tous-tes ici en tête les images révélées le mois dernier par Mediapart et Libération. Elles donnent à voir les images tournées par les cameras « piéton » des fdo et où peut voir ceux là pratiquer sur ordre de nombreux tirs tendus et jubiler des blessures qu’ils nous auront infligés en proférant des insultes et des menaces de mort explicites.
Je tiens à redire ici, que comme plus de 40 camarades manifestant-es ce jour là du 29 octobre, j’ai été bléssé par un coup de matraque porté au crane par un des gardes mobiles, ce qui a nécessité la pose de 8 points de sutures !!! N’est ce pas cher payé pour avoir simplement utiliser la liberté d’exprimer mes opinions, sans jamais avoir témoigné de la moindre agressivité ou la moindre menace envers ces mêmes forces de l’ordre ? Je tiens également à rappeler que ce jour là ce sont 2000 bombes en tout genre, lacrymogènes et désencerclantes qui auront été déversées sur nous.
Mesdames , messieurs les juges, j’ai déjà payé et continue de payer bien cher mon investissement politique contre les mégabassines et le système agro-industriel pour lequel elles sont construites.
Je ne veux pas faire mon « caliméro » mais je dois faire état de certaines réalités concernant les conséquences de mon engagement :
J’ai dû me séparer de mes filles et de leur mère pour ne plus les exposer aux menaces et intimidations dont mon foyer et ma personne faisaient l’objet.
J’ai dû quitter le collectif de travail que j’avais contribué à fonder pour que celui-ci n’ait pas à subir les pressions et représailles liés à mon investissement.
Le domicile de mon père a fait l’objet d’une surveillance à l’aide de matériel haute technologie, une balise GPS a été trouvée sous mon véhicule, mon neveu a été agressé à son domicile par deux individus qui en le tabassant l’insultant d’antibassines…
Mesdames et messieurs , si j’avais un regret à formuler, c’est de ne pas avoir cru qu’après cette première opération de maintien de l’ordre déjà extrêmement violente (2000 bombes je le rappelle), l’État, le gouvernement et la chaîne de commandement de la gendarmerie pourrait aller encore plus loin dans l’utilisation d’armes classées comme arme de guerre par l’ONU et utilisées contre des citoyens qui venaient simplement visiter une bassine en chantier, un simple trou de terre, et où à part quelques grilles à démonter, il n’y avait pas le moindre enjeu en terme de protection des biens, à déployer une telle armada :
TOUT CA POUR UN TROU DE TERRE, UN TROU VIDE !!!
Mesdames et messieurs , vous comprendrez pour toutes ces raisons, que je demande la relaxe pour moi ainsi que pour mes camarades. Nous resterons également solidaires de notre camarade Basile Dutertre qui n’aura pas pu interjeter appel en temps et en heure suite à un quiproquo fâcheux avec son avocate. »
👉Le programme et toutes les infos : https://www.bassinesnonmerci.fr/…/proces-de…/
Ce champ est nécessaire.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*