Motard percuté par des policiers : une enquête ouverte

Même pris la main dans le sac, sur les petites choses comme sur les grandes, eux-mêmes et leurs « enquêteurs » sont des menteurs systématiques et assermentés :
Motard percuté sur l’A4 : un « acte involontaire », maintiennent les policiers
Arthur Carpentier et Gabriel Lecointre (Le Monde)
J’ai failli perdre la vie. »Devant l’enquêtrice de l’inspection générale de la police nationale (IGPN) qui lui demande ce qu’il «[reproche] aux policiers », le motard de 37 ans ne cache pas avoir eu la peur de sa vie. Le 14 octobre, alors qu’il circulait sur l’autoroute A4 depuis Paris pour rentrer chez lui en Seine-Saint-Denis, ce Francilien s’est fait percuter par un véhicule de police, sans explication. Déséquilibré, il est parvenu, par chance, à retrouver le contrôle de sa moto. La scène a été intégralement filmée par les caméras embarquées d’un véhicule juste derrière lui. Les images, rapidement publiées sur les réseaux sociaux, ont permis à la victime de déposer une plainte pour « tentative de meurtre aggravée ».
Après une garde à vue, les deux policiers présents dans la voiture ont été placés sous contrôle judiciaire le 31 octobre, avec interdiction d’exercer sur la voie publique. Lundi 1er décembre, c’est pour « violences volontaires par personnes dépositaires de l’autorité publique en réunion et avec arme par destination » qu’ils devaient être jugés devant le tribunal judiciaire de Créteil. Les auditions menées par la « police des polices », ainsi que des images de vidéosurveillance tournées avant la collision, consultées par Le Monde, renseignent sur les circonstances de l’accrochage. Devant l’IGPN, le motard raconteles secondes d’après la percussion : « J’étais sous le choc, des symptômes arrivent, envie de vomir, montée d’adrénaline, tremblement au niveau des bras, des jambes, je ne comprenais pas ce qui venait de se produire. »
Pour tenter de trouver une explication, il rembobine le film devant les enquêteurs. Deux minutes avant le choc, il se trouvait derrière les fonctionnaires de police. Remontant les voies embouteillées en interfile, il finit par se mettre dans la roue de leur véhicule. Une minute avant le choc, alors que la circulation est ralentie, il entreprend un dépassement par la droite, forçant les policiers à freiner brusquement – une version confirmée par les images de vidéosurveillance.
« Maux de ventre et nausées »
« Dans sa plainte, le conducteur de la moto laisse à penser que vous auriez pu vouloir le rattraper pour le confronter à cette situation », explique un enquêteur au major B.,le conducteur du véhicule, à l’occasion de sa garde à vue. Ce dernier et son passager, le gardien de la paix P., rejettent en bloc cette idée.
Les deux agents livrent un tout autre récit des événements. En guise de contexte, ils expliquent qu’au cours de la journée, le gardien de la paix se serait subitement senti très mal. « Je suis pris de fourmillements, de maux de ventre et de nausées (…). Je suis contraint de m’arrêter pour vomir », raconte ce dernier. Il tenait jusque-là le volant, mais cède alors sa place à son supérieur, qui enclenche les gyrophares pour rentrer plus vite dans les locaux de sa compagnie, «[estimant] que l’état de santé de [son] collègue se dégradait ».
Si l’IGPN ne met pas en doute ces explications, ses enquêteurs se montrent plus dubitatifs quant à leur version de la collision. Le major B., qui roulait sur la voie de gauche, explique avoir simplement voulu déboîter pour prendre une sortie, et n’aurait pas vu le motard dans son angle mort. Lui et son passager assurent n’avoir senti aucun contact avec la moto.
Les vidéos montrent pourtant la distance qui le sépare de la sortie, affichée sur un panneau : 1,5 kilomètre. En plus d’être encore loin, ce choix de sortie laisse dubitatif les enquêteurs, car la destination des deux policiers aurait plutôt dû les inciter à prendre la suivante. Alors qu’il lui restait plus de 1 kilomètre après la collision pour prendre cette bretelle, le major va emprunter la sortie suivante.
Source de doute supplémentaire quant au réel objectif du conducteur : l’absence de clignotant au moment de déboîter. Le major B. reconnaît cette fois sans difficulté que sa « conduite peut être considérée comme dangereuse », un aveu cohérent avec le récit d’une collision involontaire défendu par les deux agents. Et renforcé par un constat – vraisemblablement erroné – de l’IGPN, qui a pu consulter les images de caméras de surveillance réparties sur environ 2 kilomètres : « Malgré de nombreux changements de direction et de voies, à aucun moment vous n’utilisez vos clignotants. »Sur ces vidéos, consultées par Le Monde,il est pourtant tout à fait possible de voir le véhicule utiliser ses clignotants plusieurs fois.
A l’inverse, à aucun moment le passager ne sort son bras par la fenêtre pour indiquer un changement de voie aux automobilistes : c’est pourtant ainsi que le gardien de la paix P. justifie le geste vigoureux qu’il effectue en direction du jeune homme au moment d’entrer en contact avec sa moto. Face aux vidéos et à l’IGPN, les deux policiers assurent comprendre que le motard « aurait pu perdre la vie », et le regrettent, mais plaident la « faute involontaire de conduite ». Ils encourent jusqu’à sept ans de prison. Sollicités par Le Monde , leurs avocats n’ont pas répondu.

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