Trump piétine le cadavre encore chaud de Rob Reiner

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Les États-Unis sont sous le choc depuis que la nouvelle a commencé à se répandre tard dans la soirée de dimanche 14 décembre : Rob Reiner, 78 ans, l’une des personnalités du petit et grand écran les plus appréciées du pays doublé d’un activiste politique aguerri et sa femme Michelle, 68 ans, une photographe reconnue, ont tous deux été retrouvés poignardés à mort dans leur maison de Brentwood, en Californie, par leur fille Romy. Une histoire des plus sordides qui n’a pas empêché Donald Trump d’exceller encore une fois dans l’indécence.

Un autre membre du clan Reiner, le fils Nick, 32 ans, est illico apparu comme le principal suspect des meurtres — ses notoires problèmes d’addiction (il aurait apparemment remporté une manière de Guiness Record des cures de désintoxication avec plus de quinze séjours en rehab en autant d’années) et les troubles mentaux qu’ils engendrent ont clairement joué un rôle dans les assassinats, mettant en évidence si besoin était la crise aigüe que traversent de nombreuses familles américaines : comment gérer un fils ou une fille toxicomane hors de contrôle ?

Nick Reiner a été promptement arrêté et les raisons qu’il évoque pour avoir occis ses parents feront sans aucun doute l’objet de moult questionnements lors de son futur procès. « Je les ai tués parce qu’ils le méritaient », aurait-il expliqué à sa sœur par texto deux heures après avoir commis son crime.

Spinal Tap, le Citizen Kane des films rock

Rob Reiner et son épouse étaient pourtant les dernières personnes du petit monde de Hollywood à « mériter » pareille fin tragique. Fils de Carl Reiner, lui-même comédien renommé, Robert s’est d’abord fait connaître sous les traits de « Meathead », le gendre hippie gauchisant de All in the Family, l’une des sitcoms les plus populaires de l’Amérique des années 70. Puis en 1984, il réalise son premier film, This is Spinal Tap, qui deviendra et reste à ce jour le Citizen Kane des films dits « rock ». Après quoi, ça ne s’arrête plus : Stand by Me, The Princess Bride, Misery et Quand Harry rencontre Sally sont — entre autres — des succès au box-office qui montrent que Reiner excelle dans divers genres.

 

Son engagement politique n’était pas moins impressionnant. Souvent cité comme le principal artisan de la légalisation du mariage gay en Californie en raison de son infatigable activisme, il était également devenu un ardent supporter de la cause LGBTQ+ ainsi qu’un fervent détracteur de Trump. « Il n’est pas mentalement équipé pour devenir président », avait-il notamment déclaré lors d’une interview de 2017. Un an plus tard, le 20 décembre 2018, le réalisateur réagissait sur Twitter à l’annonce faite par le président de la « victoire contre Daech en Syrie » et de la décision consécutive de son administration de retirer les troupes du pays : « Trump trahit les États-Unis d’Amérique », attaquait-il. « Il se rend complice de l’ennemi dans la lutte contre Daech et la guerre cybernétique contre la Russie. Il fait de la plus vieille démocratie du monde une vulgaire filiale aux mains de Vladimir Poutine. RÉVEILLEZ-VOUS, LES RÉPUBLICAINS !» Ce que les intéressés avaient d’ailleurs fait, plusieurs sénateurs de tous bords ayant écrit à Trump pour lui demander de reconsidérer sa décision, alléguant qu’afficher le moindre signe de faiblesse envers Daech risquait de revigorer l’organisation et que la Russie, tout comme l’Iran, utiliseraient également l’opportunité pour renforcer leur présence et leur influence en Syrie.

 

Dès le lendemain 21 décembre 2018, Rob Reiner avait enfoncé le clou d’un nouveau tweet sans équivoque : « Chaque jour, ce déséquilibré détruit un peu plus 242 années d’indépendance. (…/…) Les Républicains vont devoir faire un choix, défendre la démocratie ou continuer à soutenir un criminel inepte. » Puis, en juin de la même année 2018, Reiner avait incité tous les Américains à intensifier leurs protestations contre le président, estimant qu’en la matière il n’existait « aucune limite à ne pas dépasser. » Enfin, dans une interview d’octobre 2018 avec la chaîne d’information câblée MSNBC, aujourd’hui rebaptisée MS NOW (acronyme pour My Source News Opinion World) Reiner notait que le climat politique sous Trump était « pire qu’à l’époque du McCarthysme. »

Le « Trump Derangement Syndrome », ou TDS

L’annonce de la mort horrifique de Reiner et de sa femme a déclenché une avalanche de réactions aux US et en Europe. De très nombreuses célébrités, dont le couple Obama, Kamala Harris et Sir Paul McCartney, que Reiner a récemment dirigé dans Spinal Tap 2, ont exprimé leur affection sincère pour le réalisateur et leur affliction quant aux circonstances terribles de son trépas.

 

Mais pas Donald Trump qui, dès qu’il a appris la nouvelle, s’est précipité comme à son habitude dans les toilettes de la Maison Blanche pour y déverser sur son propre réseau social (le mal-nommé « Truth Social») un tombereau d’insanités à l’encontre de celui qui fut l’un de ses opposants les plus farouches : « Jadis talentueux mais aujourd’hui discrédité, Rob Reiner est mort en compagnie de sa femme, visiblement à cause de la colère qu’il a causée aux autres à travers son incurable maladie, qui se traduit par un syndrome de « Trump Derangement Syndrome » (« Névrose Anti-Trump »). Poursuivant sur sa lancée et continuant à parler de lui à la troisième personne, il a ajouté que Reiner « était connu pour rendre les gens FOUS à travers son obsession du Président Donald J. Trump, avec une évidente paranoïa. »

Métamphétamine dans la guesthouse

La goutte d’eau qui fait déborder le vase ? En tous cas, même les Républicains s’avouent à présent choqués par les propos sans filtre de leur président narcissique. Ainsi Mike Lawler, représentant de l’État de New York, assène-t-il sans ambages sur X que « rien ne va dans cette déclaration. Indépendamment des orientations politiques de chacun, personne ne devrait subir aucune forme de violence, encore moins lorsqu’elle émane de votre propre fils. Cette horrible tragédie ne doit susciter dans notre pays que sympathie et compassion, point barre. » La députée de Géorgie Marjorie Taylor Greene, une ex-fanatique devenue assez critique ne dit pas autre chose sur le même réseau social X (« C’est un drame familial qui n’a rien à voir avec la politique ») et ajoute fort à propos que de nombreuses familles étant aujourd’hui confrontées à des problèmes similaires, « l’empathie et rien d’autre s’impose, spécialement lorsque ça se termine par un meurtre.»

 

(Signalons ici que certaines rumeurs ayant pu courir selon lesquelles Nick Reiner aurait été un partisan de Trump sont totalement infondées : le jeune homme en était arrivé à un stade de toxicomanie tel qu’il n’était plus « supporter » que de sa drogue préférée, la métamphétamine. Souvent hébergé dans la « guesthouse » (« maison d’invités ») de ses parents qu’il détruisait régulièrement lors de crises qui le maintenaient éveillé des nuits durant, le fils Reiner s’était rêvé scénariste et nourrissait une certaine jalousie à l’égard de la célébrité de son grand père et de son père — lequel avait pourtant tout tenté pour lui ouvrir la voie, notamment en réalisant voici quelques années avec lui en tant que co-scénariste un film semi-autobiographique sur l’addiction intitulé Being Charlie. En pure perte, donc.)

 

Comme pour les conseils de retenue que son entourage a tenté de prodiguer à Trump ; bien au contraire, le président en a rajouté une bonne couche, toujours à la troisième personne : « Du point de vue de Trump », a-t-il réitéré lundi 15 décembre à l’attention de reporters dans le Bureau Ovale, « c’était un cinglé. Je n’étais pas du tout fan. Il était nuisible à l’Amérique. » Et de mentionner une fois encore ce fameux « Trump Derangement Syndrome » dont lui-même semble au final être le seul individu au monde à souffrir. Que même ses soutiens commencent à le comprendre est peut-être une bonne nouvelle, mais on se gardera de tout emballement trop précipité.

 

Crédits photo/illustration en haut de page :
Margaux Simon

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