Un électeur républicain aux primaires sur trois a déclaré aux sondeurs qu’il soutiendrait le bombardement d’un pays qui n’existe pas. Pas l’Iran. Pas l’Irak. Un royaume de dessin animé issu d’Aladdin. Et avant d’en rire, il faut comprendre ce que cela révèle réellement de la manière dont la peur, le racisme et le militarisme aveugle ont déformé la politique américaine.
Lorsqu’on leur a demandé : « Soutiendriez-vous ou vous opposeriez-vous au bombardement d’Agrabah ? », environ 30 % des électeurs républicains aux primaires ont répondu oui — alors qu’il s’agit d’un lieu qui n’existe que dans l’univers de Disney. Seuls 13 % ont exprimé une opposition, et la majorité a déclaré ne pas savoir.
La simple formulation de cette question révèle quelque chose de profondément inquiétant dans le débat politique : lorsque la peur et l’ignorance sont attisées, les faits passent au second plan. Mais la question sur Agrabah n’était que la cerise grotesque sur un dessert déjà alarmant.
Dans ce même sondage, environ 54 % des répondants républicains ont soutenu une proposition visant à interdire l’entrée de tous les musulmans aux États-Unis, faisant écho à l’interdiction migratoire radicale défendue à l’époque par Donald Trump.
Par ailleurs, environ 36 % ont accepté l’affirmation infondée selon laquelle « des milliers d’Arabes dans le New Jersey ont célébré les attentats du 11 septembre », un mensonge que Trump a répété lors de meetings de campagne malgré les démentis clairs des autorités locales.
Près de la moitié ont soutenu la création d’une base de données nationale des musulmans vivant aux États-Unis — un retour glaçant à des pratiques d’internement et de surveillance que des responsables conservateurs avaient autrefois dénoncées lorsqu’elles visaient d’autres groupes. Et plus d’un quart des personnes interrogées ont déclaré que l’islam devrait être illégal aux États-Unis, une position qui renverse les principes constitutionnels.
Soyons clairs sur le contexte : il ne s’agissait pas d’un échange marginal entre une poignée de trolls en ligne. C’était une enquête nationale auprès des électeurs républicains aux primaires, menée par Public Policy Polling. Il s’agissait de personnes ayant un véritable poids dans le choix du candidat présidentiel du Parti républicain.
Et pourtant, interrogez-les sur le bombardement d’un lieu fictif qui « sonne étranger », et beaucoup répondent avec enthousiasme. Interrogez-les sur des politiques réelles affectant des personnes réelles — musulmans, immigrés, communautés racisées — et une majorité exprime son soutien à des mesures exclusionnaires, discriminatoires et autoritaires.
Si vous aviez besoin d’une métaphore du danger que représente l’ignorance laissée libre dans l’espace public, ce sondage en fournit une : une part non négligeable d’électeurs prête à viser un pays de dessin animé parce qu’il correspond à un récit de peur. En tant que société, cela devrait nous faire reculer d’effroi.
Il faut aussi reconnaître que ces positions ne sont pas des bizarreries isolées d’un cycle électoral révolu — elles sont révélatrices de courants plus larges d’islamophobie et de militarisme qui continuent de structurer le débat politique aujourd’hui.
Alors, la prochaine fois que quelqu’un vous dira que nous vivons à l’ère de la « post-vérité », montrez-lui Agrabah. Car si des gens applaudissent le bombardement d’un lieu qui n’existe pas, quel espoir reste-t-il pour une politique rationnelle dans le monde réel ?
Traduction d’une publication de The Other 98%
(lien en commentaire
)
Infos & Débats | Mr Mondialisation
Poster un Commentaire