L’Ukraine estime que des « progrès significatifs » ont été faits dans les négociations de paix. Son président a présenté à la presse, ce 23 décembre, un projet d’accord en vingt points élaboré conjointement par Kyiv et Washington. La Russie n’y est pour l’instant pas associée.
Après des semaines de négociations, l’Ukraine et les États-Unis ont préparé un projet de plan de paix révisé visant à mettre fin à la guerre totale menée par la Russie.
Le plan initial en vingt-huit points, qui poussait de fait l’Ukraine à capituler, a été transformé en une proposition en vingt points, présentée pour la première fois par le président Volodymyr Zelensky à des journalistes le 23 décembre.
Un projet de garantie de sécurité tripartite entre l’Ukraine, les États-Unis et l’Europe a aussi été élaboré, ainsi qu’un accord bilatéral de garantie de sécurité entre l’Ukraine et les États-Unis. Un autre document, présenté comme la « feuille de route pour la prospérité de l’Ukraine », est axé sur la coopération économique entre Kyiv et Washington.
« Nous avons fait des progrès significatifs dans la finalisation des documents », a déclaré Volodymyr Zelensky.
Les États-Unis devraient remettre le projet en vingt points à Moscou dans le courant de la journée du 24 décembre. S’il est approuvé, le document final devra être signé par les dirigeants de l’Ukraine, des États-Unis, de l’Europe et de la Russie. L’identité des signataires de l’accord potentiel côté européen n’a pas encore été tranchée.

Le cessez-le-feu devrait entrer en vigueur dès que l’accord sera signé. Pour que celui-ci prenne effet, il doit être ratifié par le Parlement ukrainien et/ou approuvé par le peuple ukrainien lors d’un référendum qui pourrait avoir lieu dans les soixante jours.
Jusqu’à présent, l’Ukraine et les États-Unis ne sont pas parvenus à s’entendre sur deux points cruciaux du plan révisé, les points 12 et 14 : le contrôle de la centrale nucléaire de Zaporijjia occupée par la Russie et le contrôle de la région du Donbass, ravagée par la guerre depuis 2014. L’accord ne mentionne pas non plus les aspirations de l’Ukraine à adhérer à l’Otan.
Le média Kyiv Independent publie ce projet de plan de paix en vingt points élaboré par l’Ukraine et les États-Unis, présenté et repris par le président ukrainien. Mediapart, partenaire du Kyiv Independent, propose ici sa traduction en français (voir boîte noire).
- 1. Les signataires affirment que l’Ukraine est un État souverain.
- 2. Ce document constitue un accord de non-agression complet et incontestable entre la Russie et l’Ukraine. Un mécanisme de contrôle sera mis en place pour surveiller la ligne de conflit à l’aide d’une surveillance satellitaire sans pilote, assurant une détection précoce des violations.
- 3. L’Ukraine recevra des garanties de sécurité.
- 4. La taille des forces armées ukrainiennes restera de 800 000 personnes en temps de paix.
- 5. Les États-Unis, l’Otan et les États signataires européens fourniront à l’Ukraine des garanties « de type Article 5 » [l’article 5 de l’Otan prévoit qu’en cas d’attaque armée contre un pays membre de l’Alliance, les autres pays membres sont tenus de lui venir en aide – ndlr]. Les points suivants s’appliquent :
A) Si la Russie envahit l’Ukraine, une réponse militaire coordonnée sera lancée et toutes les sanctions internationales contre la Russie seront rétablies.
B) Si l’Ukraine envahit la Russie ou ouvre le feu sur le territoire russe sans provocation, les garanties de sécurité seront considérées comme nulles. Si la Russie ouvre le feu sur l’Ukraine, les garanties de sécurité entreront en vigueur.
C) Les États-Unis recevront une compensation pour avoir fourni des garanties de sécurité. (Cette disposition a été supprimée)
D) Les accords de sécurité bilatéraux précédemment signés entre l’Ukraine et une trentaine de pays resteront en vigueur.
- 6. La Russie officialisera sa position de non-agression envers l’Europe et l’Ukraine, dans toutes les lois et documents nécessaires qui seront ratifiés par la Douma d’État russe.
- 7. L’Ukraine deviendra membre de l’UE à une date clairement définie et bénéficiera d’un accès préférentiel à court terme au marché européen.
« À ce jour, le calendrier de l’adhésion de l’Ukraine fait l’objet de discussions bilatérales entre les États-Unis et l’Ukraine, sans confirmation européenne pour l’instant », a déclaré M. Zelensky.
« L’adhésion à l’Union européenne est également notre garantie de sécurité, c’est pourquoi nous voulons fixer une date, quand cela se produira. Par exemple, 2027 ou 2028. »
- 8. L’Ukraine recevra un programme de développement global, détaillé dans un accord séparé, couvrant divers domaines économiques :
A) Un fonds de développement sera créé pour investir dans les secteurs à forte croissance, y compris la technologie, les centres de données et l’intelligence artificielle.
B) Les États-Unis et les entreprises états-uniennes travailleront avec l’Ukraine pour investir conjointement dans la restauration, la modernisation et l’exploitation des infrastructures gazières ukrainiennes, notamment les gazoducs et les installations de stockage.
C) Des efforts conjoints seront faits pour reconstruire les zones dévastées par la guerre, en mettant l’accent sur la restauration et la modernisation des villes et des quartiers résidentiels.
D) Le développement des infrastructures sera une priorité.
E) L’extraction des minéraux et des ressources naturelles sera développée.
F) La Banque mondiale fournira un programme de financement spécial pour soutenir l’accélération de ces efforts.
G) Un groupe de travail de haut niveau sera créé, incluant la nomination d’un expert financier mondial en tant qu’administrateur de la prospérité chargé de superviser la mise en œuvre du plan de relance stratégique et la prospérité future.
- 9. Plusieurs fonds seront créés pour s’occuper de la restauration de l’économie ukrainienne, de la reconstruction des zones et régions sinistrées et des questions humanitaires. L’objectif est de mobiliser 800 milliards de dollars, soit le coût estimé des dommages causés par la guerre russe.
- 10. L’Ukraine accélérera le processus de négociation d’un accord de libre-échange avec les États-Unis.
- 11. L’Ukraine réaffirme son engagement à rester un État non nucléaire, conformément au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.
- 12. Contrôle de la centrale nucléaire de Zaporijjia et restauration de la centrale hydroélectrique de Kakhovka.
Washington propose que la centrale nucléaire de Zaporijjia soit exploitée conjointement par l’Ukraine, la Russie et les États-Unis, chaque pays contrôlant 33 % des parts, les États-Unis assurant la supervision principale de la centrale.
L’Ukraine s’oppose au contrôle russe sur la centrale. Kyiv propose que la centrale soit gérée par une joint-venture composée des États-Unis et de l’Ukraine, où 50 % de l’électricité produite serait destinée aux territoires contrôlés par l’Ukraine, tandis que les États-Unis détermineraient la distribution des 50 % restants.
« Nous pensons que pour que tout cela se déroule et fonctionne en toute sécurité, la centrale nucléaire de Zaporijjia, la ville d’Enerhodar et la centrale hydroélectrique de Kakhovka doivent être démilitarisées, car en ce moment, il y a des troupes russes et la guerre là-bas, et le niveau de sécurité nécessaire n’est pas assuré », a déclaré Volodymyr Zelensky.
- 13. L’Ukraine et la Russie introduiront dans les programmes scolaires des cours visant à promouvoir la compréhension et la tolérance envers les différentes cultures, et à lutter contre le racisme et les préjugés. L’Ukraine approuvera les règles de l’UE en matière de tolérance religieuse et de protection des langues minoritaires.
- 14. Dans les oblasts de Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson, la ligne des positions militaires à la date de la signature sera reconnue comme la ligne de front de facto.
A) Déterminer les mouvements de troupes nécessaires pour mettre fin à la guerre et mettre en place d’éventuelles « zones économiques libres », avec la Russie retirant ses troupes de ces zones.
B) La Russie doit retirer ses troupes des parties occupées des oblasts de Dnipropetrovsk, Mykolaïv, Soumy et Kharkiv pour que l’accord entre en vigueur.
C) Des forces internationales seront déployées le long de la ligne de front pour surveiller la mise en œuvre de l’accord.
D) Les parties conviennent de respecter les règles et obligations imposées par les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels, y compris les droits humains universels.
« Nous sommes donc dans une situation où les Russes veulent que nous nous retirions de l’oblast de Donetsk, tandis que les Américains essaient de trouver un moyen pour que nous ne nous retirions pas, car nous sommes contre ce retrait », a indiqué Volodymyr Zelensky.
« Ils recherchent une zone démilitarisée ou une zone économique libre, c’est-à-dire un format qui pourrait satisfaire les deux parties. Nous considérons qu’une zone économique libre est une option potentielle pour un État souverain qui choisirait cette voie », a-t-il ajouté.
- 15. La Russie et l’Ukraine s’engagent à s’abstenir de recourir à la force pour modifier les arrangements territoriaux et résoudront tout différend par des moyens diplomatiques.
- 16. La Russie n’entravera pas l’utilisation par l’Ukraine du fleuve Dniepr et de la mer Noire à des fins commerciales. Un accord maritime distinct garantira la liberté de navigation et de transport, avec une péninsule de Kinburn [actuellement occupée par la Russie, ndlr] démilitarisée.
- 17. Création d’un comité humanitaire qui garantira les points suivants :
A) Échange de prisonniers [selon la règle du] « tous contre tous ».
B) Tous les civils détenus, y compris les enfants et les prisonniers politiques, seront libérés.
C) Des mesures seront prises pour résoudre les problèmes et soulager les souffrances des victimes du conflit.
- 18. L’Ukraine doit organiser des élections présidentielles dès que possible après la signature de l’accord.
- 19. L’accord sera juridiquement contraignant. Sa mise en œuvre sera supervisée par le Conseil de paix, présidé par Trump. L’Ukraine, l’Europe, l’Otan, la Russie et les États-Unis participeront à ce processus. Les violations entraîneront des sanctions.
- 20. Le cessez-le-feu entrera en vigueur immédiatement une fois que toutes les parties auront accepté l’accord.
Poster un Commentaire