Manifestation à Paris contre le projet de réforme des retraites le 16 janvier 2020 ( AFP / Thomas SAMSON )
Après six semaines de conflit et un trafic SNCF revenant progressivement à la normale, la mobilisation a reflué jeudi dans la rue, mais les syndicats opposés à la réforme des retraites s’affirment « déterminés » pour la suite avec un nouveau rendez-vous le 24 janvier.
Selon le ministère de l’Intérieur, 187.000 personnes ont manifesté jeudi en France, dont 23.000 à Paris, après 149.000 samedi dernier et 452.000 le 9 janvier de même source.
Dans la capitale, ils étaient 250.000 selon la CGT (370.000 le 9 janvier), 28.000 selon le comptage réalisé par le cabinet Occurrence pour un collectif de médias, dont l’AFP (44.000 le 9 janvier). Le cortège s’y est déroulé dans le calme de Montparnasse à la Place d’Italie. La préfecture de police a annoncé avoir procédé à 11 interpellations.
Cette journée, à l’appel de l’intersyndicale (CGT, FO, Solidaires, FSU, CFE-CGC et des organisations de jeunesse), était la 6e depuis le début du mouvement le 5 décembre.
Se félicitant jeudi soir de « l’ampleur de la mobilisation et de la multiplicité des actions » dans toute la France, l’intersyndicale a indiqué qu’elle se réunirait de nouveau mercredi après-midi.
A Paris et en régions, ce sont en grande majorité des enseignants qui ont manifesté, malgré des taux de grévistes en baisse dans l’Éducation nationale (6,6% dans le primaire et 6,83% dans les collèges et lycées, selon le ministère à la mi-journée), mais aussi des avocats en robe, cheminots, égoutiers, dockers, salariés du privé ou encore des étudiants et lycéens…
Clarisse Delalondre, rencontrée à Paris, travaille dans la recherche chez EDF. Avec « 43 jours de grève dans les pattes », cette déléguée CGT Energie estime qu' »il faut qu’on continue la grève, qu’on la développe même, c’est un mouvement inédit ». « On ne peut pas se laisser faire, ce sont nos acquis ! » Pour elle, le renforcement de la grève à la Banque de France, dans les raffineries ou dans le privé « donne de l’espoir ». « Quand les avocats sont dans la rue contre le gouvernement, c’est le signe qu’il se passe quelque chose dans le pays. »
Manifestation à Paris le 16 janvier 2020 contre le projet de réforme des retraites ( AFP / Philippe LOPEZ )
Pour Laure, cheminote de 24 ans encartée à la CGT, « c’est vrai que si on était tous ensemble, avec le secteur privé, ce serait mieux ». Mais elle souligne que « dans le privé, c’est dur de faire grève ».
« La détermination est toujours aussi grande », a assuré le numéro un de la CGT Philippe Martinez. « Il n’est jamais trop tard pour faire céder un gouvernement. »
Mais « la lassitude, c’est le risque de ce mouvement », a reconnu Benoît Teste de la FSU.
A Dijon, où 2.000 personnes ont manifesté, on pouvait lire sur des pancartes « Après 50 ans c’est difficile, après 60 ans c’est impossible » ou « On ne veut pas perdre notre vie à la gagner ».
– « Sortir des ambiguïtés » –
Un manifestant à Nantes, le 16 janvier 2020, prend pour cible le gestionnaire d’actifs BlackRock, accusé de faire valoir auprès de l’exécutif le régime de retraite par capitalisation, sur le modèle des fonds de pension américains ( AFP / Loic VENANCE )
A Lille, avant la manifestation, une soixantaine de professionnels du secteur paramédical ont jeté leurs blouses blanches devant les locaux de l’Assurance maladie, pour protester contre la perte de leur système autonome.
« Nous, on est particulièrement concernés par la question de la pénibilité avec le travail de nuit ou le fait qu’on respire des produits qui ne sont pas très bons », a expliqué Jérémy Colin, 42 ans, opérateur à la raffinerie de Donges, qui défilait à Saint-Nazaire, où des militants CGT côtoyaient des « gilets jaunes ».
Quatre raffineries sur sept « connaissent des difficultés temporaires dans leurs expéditions », de même que deux dépôts de carburant « sur environ 200 », selon le ministère de la Transition écologique et solidaire.
Les accès aux terminaux du port de Nantes-Saint-Nazaire, le premier de la façade Atlantique, étaient toujours bloqués jeudi à l’appel de la fédération CGT ports et docks.
Côté transports, à Paris vendredi, deux métros sur trois circuleront aux heures de pointe en moyenne, avec seulement trois lignes sur seize qui fonctionneront normalement.
Retraites : les journées de mobilisation ( AFP / )
A la SNCF, la circulation va encore s’améliorer. Le trafic TGV sera « quasi normal » et 8 TER sur 10 sont prévus. L’entreprise ferroviaire est, selon son PDG Jean-Pierre Farandou, « pas très loin du milliard » d’euros de pertes depuis le début de la grève illimitée. Un plan d’économies est prévu pour février.
Tombant en pleine saison des achats de Noël, la grève a occasionné un manque à gagner de 70 millions d’euros chez Fnac-Darty et coûté au groupe Casino environ 2% de son chiffre d’affaires du 4e trimestre, selon ces deux sociétés.
Si la mobilisation baisse, elle reste soutenue majoritairement par l’opinion publique, selon plusieurs sondages.
Manifestation à Paris le 16 janvier 2020 contre le projet de réforme des retraites ( AFP / Thomas SAMSON )
Et l’intersyndicale a déjà appelé à de nouvelles actions et manifestations la semaine prochaine, avec une 7e journée d’actions nationale en point d’orgue, vendredi 24 janvier, à l’occasion de l’examen du projet de loi retraites en conseil des ministres.
Le futur système universel de retraite « suscite beaucoup d’interrogations », a reconnu jeudi soir sur BFMTV Laurent Berger, le leader de la CFDT.
« Il faut sortir des ambiguïtés, des imprécisions », dire « plus exactement » ce qu’est ce système, davantage « expliquer les transitions » et préciser « comment se finance cette réforme », a-t-il ajouté, en regrettant que sa confédération et lui-même fassent l’objet d’attaques avec des « locaux dégradés » et des « propos dégradants ».
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