34ème manifestation pour le maintien des urgences à Sisteron : des propos de plus en plus accusateurs

http://www.hauteprovenceinfo.com/ 18 février 2020

Les manifestants devant l’accueil du service des urgences à Sisteron

Les habitants des coins les plus reculés ont peur pour leur santé, mais aussi pour leur vie.

Les manifestations contre la fermeture de l’accueil de nuit du service des urgences la nuit et l’éventuelle fermeture totale du service des urgences continue à Sisteron (Alpes de Haute Provence). Cela fait sept mois, depuis le 15 juillet dernier, ce lundi 17 février, qu’une multitude de personnes arborant des couleurs ciblées physiquement ou mentalement se donnent rendez-vous sur le bitume de l’hôpital en fin d’après-midi chaque lundi et, désormais, partent en cortège dans le cœur de la ville. Des chants, des appels, des rires aussi parce que la bonne humeur soutient le moral des troupes.

Un sentiment d’abandon

Plusieurs personnes ont voulu témoigner avant le départ du cortège. Les mots sont durs. Philippe est le premier à s’exprimer : « Je ne compte plus le nombre de fois où je suis venu ici. J’ai pratiquement toujours été ici à soutenir le mouvement depuis le 15 juillet. Le nombre de personnes reste constant. Il y a de nouvelles têtes, ça fait plaisir. Des élus, pas assez et toujours les mêmes. C’est dommage. On manifeste pour  nos urgences parce qu’on s’aperçoit qu’on est abandonné par le pouvoir. On voit bien qu’on veut privatiser les hôpitaux. Certaines urgences ont été fermées et sont devenues des ehpad dans le pays. Ca rapporte évidemment beaucoup plus que de soigner des gens à perte. Nos ministres jouent aux chaises médicales en ce moment. Madame Buzyn était soi-disant très investie sur le sujet du coronavirus et celui des hôpitaux et des urgences, tellement investie qu’elle est partie. Elle est remplacée par un docteur, encore une fois en cheville avec les lobbys pharmaceutiques. Ca ne bouge pas, c’est toujours la même chose. » Vous n’avez pas confiance en ce nouveau ministre (Olivier Véran) ? « On va voir. On l’invite à venir nous voir, mais on sait très bien qu’il ne viendra pas. Il faut qu’il étudie les dossiers. On va devoir encore attendre avant que des décisions soient prises, si tant est qu’elles soient prises. On a quatre fois plus de risques de mourir qu’à Marseille ! »

Alain revient sur des faits : « En local, on peut financer une maison de santé et même la changer de place au bout de deux ans. Mais on ne peut pas agir sur le nombre de médecins en local. Il faut une vraie politique de santé avec des moyens financiers plus conséquents en rapport avec les besoins. » Suit une longue liste des interventions matérielles en local alors que le social et les emplois ne suivent pas, toujours selon lui. « Mais on ne peut pas éradiquer la pauvreté ou augmenter les salaires, » s’insurge-t-il encore. « Si ici, on se sent bien et qu’on a envie d’y vivre avec les moyens (écoles, services publics, emplois, etc.), cela rapporterait combien ? Ce n’est pas chiffrable. »

Pascal poursuit : « On tombe dans la rupture d’égalité de traitement des citoyens entre les métropoles et les départements du 04 et du 05. Ce n’est pas normal. Au bout de sept mois de mobilisation, on a 3 400 signatures sur la pétition en ligne et aucune réelle réaction. C’est une forme de mépris pour le côté humain d’une société et sa santé en zone rurale et à mille lieux de la population. Comment un urgentiste pourrait avoir envie de venir travailler dans une coquille vide ? Il n’y a plus de laboratoire ni de cardiologie… Il y a un manque d’attractivité pour les médecins ? Ce n’est pas une surprise ! »

Christine : « On crée des déserts en supprimant des services publics qui sont très basiques. On ne peut pas se plaindre en créant des déserts que personne n’ait envie de venir s’installer quelque part. On empêche finalement les gens de venir s’installer ici. »

Séderon, un médecin s’installe enfin après plus de 5 ans d’attente. Mais…

Un autre témoignage vient enfoncer un peu plus le clou sur le thème de l’attractivité. Françoise et Michel vivent à Séderon :  « Un médecin vient de s’installer  dans notre village qui est éloigné après la vallée du Jabron. Il vend un minimum de produits pharmaceutiques pour soulager rapidement les patients comme le faisait l’ancien médecin. La première pharmacie est à 15 kms au minimum. Des pharmacies ont fait une requête pour le lui interdire ! En cas d’urgence, qui viendrait nous soigner ? Nous avons une heure et demie de route pour se rendre jusqu’à Gap. Et on n’a pas toujours le téléphone qui passe pour appeler. C’est scandaleux ! »

Evelyne vit aussi à Séderon : « On attendait depuis plus de cinq ans d’avoir un docteur. Il fait comme le précédent et vend des médicaments. Lorsqu’il nous reçoit à cinq ou six heures du soir, on est bien contents qu’il ait une pharmacie de base car il faut 25 minutes pour aller à Montbrun et 30 minutes pour aller jusqu’à Sisteron. Et des pharmacies ont peur de voir leur chiffre d’affaire diminuer, elles font donc un procès ! C’est l’argent, le fric avant tout ! Et on ne pense même plus aux malades. Si la justice le condamne, on devra faire beaucoup de kilomètres. Et on nous parle d’écologie ! De plus, peut-être que le médecin n’aura pas envie de rester compte-tenu de cet accueil. Tous les médecins sur Sisteron n’ont plus de place. J’accuse vraiment le gouvernement de mettre la population en danger. Si on doit aller aux urgences à Gap, on a une heure vingt de route à faire. Si le samu met plus de temps à trouver, cela rajoute du temps. Et en cas d’infarctus par exemple, cela reste peu de chance de survie ! On a plus de risques de mourir dans ces conditions que dans un attentat ou avec le coronavirus ! »

Françoise LATOUR

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