Par Massimo Prandi
La cristallisation des tensions entre manifestants et forces de l’ordre témoignent d’un maintien de l’ordre dysfonctionnel
Le constat du dernier rapport de l’ACAT, l’ONG chrétienne contre la torture et la peine de mort, est accablant pour la gestion actuelle des forces de l’ordre. « Le recours important à des forces non spécialisées et à des armes de force intermédiaire, le nombre élevé de personnes blessées et la cristallisation des tensions entre manifestants et forces de l’ordre témoignent d’un maintien de l’ordre dysfonctionnel, qui échoue parfois à remplir sa mission première : garantir un exercice optimal des libertés publiques », lit-on dans son rapport publié aujourd’hui, 11 mars.
Pourtant, d’après les rédacteur de l’étude, « la France a connu par le passé des épisodes plus violents que ceux observés récemment, et ce alors que les forces de l’ordre étaient moins bien équipées ». Néanmoins, la perception que les manifestations sont devenues plus violentes est largement répandu dans les membres des forces de maintien de l’ordre et plus largement dans la population. Cette dernière relèverait de « la transformation plus profonde de la société qui privilégie la sécurité sur la liberté », résume le document. L’écart entre une réalité objective et le sentiment qui prévaut s’explique par l’évolution des typologies de manifestation qui, aux dires de l’ACAT, « met à mal les dispositifs de maintien de l’ordre » en vigueur. Ces évolutions des manifestations portent tout à la fois sur « la hausse de leur nombre global, l’accroissement de l’interpellation directe du politique, la multiplication des micro-mobilisations, le développement des modes d’action transnationaux et, de manière relative, la baisse des épisodes violents à la fin du XXe siècle ».
Opacité et déni
Ces changements se seraient soldés par « des décisions peu lisibles de la part des autorités et des forces de l’ordre, lesquelles peuvent être sources de tensions. Cela se manifeste par exemple par des manifestations syndicales qui sont de plus en plus souvent le lieu de débordements ou par certains itinéraires imposés, comme lors d’une manifestation autour du bassin de l’Arsenal à Paris en juin 2016. C’est aussi le cas pour les manifestations non déclarées, qui ne sont pas formellement interdites, puis traitées comme des attroupements et dispersées par la force ». Le manque de maîtrise par l’exécutif des nouveaux scénario de protestation de rue qui apparaissent a conduit à toute une série de ripostes qui ont aggravé le phénomène au lieu de l’endiguer. Pèle-mêle, « la judiciarisation du maintien de l’ordre (rôle central croissant de l’autorité judiciaire NdlR), la systématisation des logiques d’interpellation (de plus en plus nombreuses et devenues un élément important de la communication officielle NdlR); le recours croissant à la pratique de la nasse (impossibilité des personnes coincées de sortir de la nasse tendue par les forces de l’ordre NdlR); le recours massif aux armes de force intermédiaire (en réalité très invalidantes comme les flash-ball NdlR) », créent un supplément d’insécurité, de désordre, pour l’ACAT.
Doctrine en danger….
De plus, surenchérit l’association, la mise en danger des observateurs, l’opacité croissante sur le nombre de blessés et sur le déroulé des opérations policières de maintien de l’ordre et l’emploi d’armes dangereuses comme les grenades à main de désencerclement (GMD), les grenades GLI-F4 et GM2L risquent fort de conduire à la remise en cause de la doctrine « zéro blessé, zéro mort » qui a régi jusqu’à présent la politique d’intervention des forces de l’ordre. L’ACAT déplore enfin le déni des violences policières et « les difficultés chroniques pour obtenir une enquête effective » sur ces dernières.
Les solutions? La première avancée par l’association est la mise en place d’organismes de contrôle indépendants des agissements des membres des forces de l’ordre. Ensuite, l’organisation propose que les autorités mettent l’accent « sur les conditions de travail et la formation des agents des forces de l’ordre » afin que leurs interventions soient toujours « strictement encadrées et préparées ». Enfin, détaille l’ACAT, il est indispensable d’adopter « une approche différente de l’armement des agents chargés de la police des foules doit également être adoptée, en optant pour un équipement plus modéré, à l’instar par exemple de l’Allemagne qui a progressivement écarté les grenades de l’arsenal des forces de l’ordre en raison de son usage indiscriminé ». A bon entendant….
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