La confidence fait froid dans le dos. Confidence de Pierre Vidhailet, l’un des psychiatres du CHU de Strasbourg. C’était mardi soir, lors d’une visioconférence consacrée au soutien psychologique des soignants. Plusieurs de ses confrères, des médecins urgentistes, venaient de faire le point sur le moral de leurs équipes quand il a pris la parole.
Nous, nous avons eu une infirmière qui s’est tranché la gorge. Elle pensait avoir contaminé son mari qui avait des quintes de toux. Hospitalisée en urgence absolue.
L’événement, jusque-là, n’a pas fait les gros titres. L’information n’a même pas été communiquée aux autres CHU. Ce matin, c’est Ouest France qui la révèle, sous la plume de Jean-François Martin, qui a donc assisté à cette visioconférence, au cours de laquelle le psychiatre alsacien a indiqué que 600 soignants étaient touchés par le virus dans sa région. Dont certains sévèrement. Au CHU de Mulhouse, plusieurs sont actuellement en réanimation. Et Pierre Vidhailet d’égrener les conséquences pour leurs collègues : « des symptômes dépressifs, des cauchemars, une anxiété accrue et des consommations d’alcool plus importantes ».
Jusqu’à cette infirmière qui a donc tenté de mettre fin à ses jours, parce qu’elle craignait d’avoir infecté son mari.
D’autres, à l’inverse, font le choix de taire leur malaise, mais ce n’est pas forcément mieux, estime Nathalie Prieto, du CHU de Lyon, qui s’est également exprimée lors de cette visioconférence. Ils se taisent car la presse, comme le chef de l’Etat, les a qualifiés de « héros ». Après cette quasi-panthéonisation, comment donc avouer ses angoisses de commun des mortels ? La psychiatre lyonnaise soupire.
Un héros, ça ne craque pas.
Les caissières, elles aussi, ont été qualifiées d’héroïnes. Et, elles aussi, il leur arrive de craquer. C’est à lire dans Sud-Ouest.
« J’ai craqué », une caissière témoigne
Elle s’appelle Anaïs et, à deux reprises, elle a fondu en larmes dans son supermarché. Parce que, même si la plupart des clients sont sympas, certains se montrent désinvoltes, dédaigneux, rabat-joie : ceux qui se contrefichent de respecter les mesures de sécurité mises en place dans le magasin, ceux qui rouspètent car certains rayons sont vides, ceux qui viennent se plaindre car la baguette est trop cuite. Elle a l’impression que certaines personnes viennent parfois au supermarché simplement pour passer leurs nerfs.
Concernant les « désinvoltes », Midi Libre revient ce matin sur les alibis parfois farfelus de ceux qui se ne respectent pas le confinement.
Fausses raisons de sortie
A Lunel, une automobiliste a été contrôlée à 60 kilomètres de son domicile. Aux policiers, elle a expliqué qu’elle avait absolument besoin d’acheter de la crème solaire. A La Grande-Motte, un couple de Montpellierains a fait 30 kilomètres, prétendument pour acheter de la farine. Sur l’A9, près de Béziers, les gendarmes ont interpellé un homme et son fils de 16 ans. Ce dernier était au volant, car son père voulait profiter de l’autoroute pour lui donner une leçon de conduite. On lui a rappelé les règles élémentaires de santé publique en pleine crise du Covid. Le moniteur d’un jour a ne s’est pas laissé démonter.
Je les connais, les règles, je suis médecin !
Du coté de Bagnols-sur-Cèze, un autre conducteur pensait pour sa part avoir trouvé la solution, en cochant toutes les cases de son attestation. Les policiers municipaux n’en reviennent toujours pas.
Il nous a dit que, comme ça, il pouvait faire sa balade, faire en même temps ses course et aller visiter sa mère fatiguée… Il avait l’air sincère.
Cela dit, certains policiers abusent également.
Des abus dans les contrôles
C’est ce que nous raconte ce matin Libération.
- Amende de 135 euros pour une femme contrôlée après avoir acheté des serviettes hygiéniques. Un produit non « vital », selon le policier qui l’a verbalisée.
- Amende de 135 euros pour un homme qui se rendait chez son médecin à vélo. Motif : les déplacements dérogatoires doivent se faire en voiture ou à pieds.
Parfois, ce ne sont pas des abus mais des coups.
Aux Ulis, un jeune homme a été contrôlé alors qu’il se rendait à son travail en tant qu’agent logistique pour Amazon. Il n’avait pas d’attestation. Le ton est monté. Une vidéo montre les agents de la BAC le conduire sous un porche. On entend des cris. Blessé au visage, au dos, aux avant-bras, le garçon s’est vu prescrire quatre jours d’ITT.
A Aubervilliers, une jeune mère de famille a été contrôlée à quelques mètres de chez elle alors qu’elle rentrait des courses. Elle était avec son petit frère de 7 ans, et munie d’une attestation mais, là également, le ton est monté. Sur une vidéo, on voit la jeune femme se prendre un coup de taser avant d’être plaquée au sol et embarquée au commissariat. Elle passera une heure en cellule avant d’être libérée.
« Craquages » de policiers.
Mais, heureusement, la presse nous offre également des histoires qui nous aident à tenir. Par exemple Le Parisien, qui nous raconte l’histoire du carillonneur de Bergues dans les Hauts-de-France, le fameux village de Bienvenu chez les Ch’tis. Cet homme a décidé de donner des concerts d’une demi-heure tous les midis, et avec ses concerts, le carillonneur donne du baume au cœur des habitants.
Et puis, Le Parisien – toujours – nous apprend que les détenus de la maison d’arrêt de Reims viennent de lancer une cagnotte à destination du personnel soignant du centre hospitalier de la ville. C’est une première en France, une cagnotte de prisonniers, et ceux-ci ont déjà recueilli plus de 1 000 euros.
Des dons pour remercier les soignants de leur courage, les aider à ne pas craquer ou les consoler quand ils craquent.
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