Les préconisations du conseil scientifique pour gérer une réouverture le 11 mai relèvent du casse-tête.
«Et la cacophonie continue… Cette fois, c’est le conseil scientifique, pourtant créé par Emmanuel Macron, qui se prononce pour le maintien de la fermeture des écoles. Le président n’en a pas tenu compte, il donne l’impression de naviguer au doigt mouillé. Sa décision de rouvrir doit être validée par une autorité médicale, sans ça, nous n’irons pas.» Francette Popineau, la cosecrétaire du SnuiPP-FSU (principal syndicat du primaire) était lessivée dimanche matin par le débat sur la réouverture des établissements scolaires et des crèches de façon progressive à partir du 11 mai.
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Depuis deux semaines, les déclarations partent en tous sens. Alors que le gouvernement doit enfin détailler son plan de déconfinement mardi, l’avis du conseil scientifique mis en ligne samedi soir (mais qui date du 20 avril) est venu ajouter du trouble. Tout en préconisant la fermeture des établissements scolaires jusqu’en septembre, le conseil dit «prendre acte de la décision politique» de rouvrir. Et liste une série de recommandations qui, au choix, sont impossibles à mettre en œuvre dans le temps imparti ou soulèvent une multitude de questions. Les syndicats hurlent de plus belle : «Mort aux trousses», titre le Snalc dans son communiqué, «mission impossible», s’étrangle le syndicat des chefs d’établissement sur les ondes. Décryptage.
Le volontariat des familles
Recommandation du conseil scientifique : laisser les familles libres d’envoyer leurs enfants à l’école ou de les garder à la maison, en continuant l’enseignement à distance.
Réactions : «C’est une façon de se décharger de toute responsabilité en laissant les familles porter le poids, de prendre le risque ou pas. Ce n’est pas acceptable», réagit Francette Popineau. D’autant que le volontariat fait capoter l’objectif social défendu par Macron et qu’elle partage. «Qui dit que les familles défavorisées enverront leurs enfants en classe ?» Il y a de fortes chances que l’inverse se produise – les parents les plus éloignés de l’école sont par définition ceux qui font le moins confiance aux autorités. Enfin, autre question pratique que pose le volontariat : si les professeurs sont en classe la journée, quand et comment vont-ils assurer la «continuité pédagogique» de ceux restés chez eux ?
La distanciation et la cantine
Recommandation : faire respecter la règle du «un mètre de distance», en toutes circonstances. Ça donne : espacer les bureaux entre élèves d’au moins un mètre, quitte à organiser des roulements (des petits groupes un jour sur deux ou par demi-journée). Et s’organiser pour éviter que les élèves d’une classe ne croisent pas ceux d’une autre, que ce soit dans le hall d’entrée, les couloirs, les escaliers, mais aussi la cour de récré et les transports scolaires… Pour la cantine, il est préférable «si cela est possible, que les enfants mangent dans la salle de classe à leur table».
Réactions : sueurs froides chez les chefs d’établissement et directeurs d’école. Tous voient arriver gros comme un camion le bourbier : se retrouver avec des principes de ce type à appliquer, et devoir se débrouiller avec la trouille d’engager leur responsabilité en cas de raté. Le tout en un temps très réduit. Casse-tête aussi pour les collectivités locales : combien de bus supplémentaires faudra-t-il prévoir pour garder un mètre entre chaque passager ? Comment servir les repas du midi ? Les cantiniers vont-ils se déplacer avec leur chariot de salle en salle, dans les étages sans ascenseur ? Option 2 : que chaque enfant vienne avec son en-cas dans le cartable. «Mais cela réduirait à néant l’enjeu social de fournir un vrai repas aux enfants qui justement ne mangent pas à leur faim chez eux», se désole Francette Popineau.
Port du masque dès le collège et lavage de mains obligatoire
Recommandation : laver les locaux des écoles deux fois par jour, obliger chaque élève à se laver les mains à son arrivée en classe avec de l’eau et du savon – le gel hydroalcoolique ne doit être proposé qu’à partir du collège. Généraliser le port du masque pour les équipes enseignantes et le rendre obligatoire pour les élèves dès le collège. Pour les plus jeunes, le conseil scientifique mise sur les parents pour inciter leurs enfants à le garder sur le nez.
Réaction: là encore, la mise en oeuvre concrète interroge: un quart des écoles primaires n’ont pas de points d’eau en nombre suffisant, pointait une étude publiée la semaine dernière par l’Observatoire national de la sécurité des établissements d’enseignement.
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