BOURSORAMA – REUTERS•08/06/2020
USA: NOUVELLES MANIFESTATIONS POUR DEMANDER UNE RÉFORME DE LA POLICE
par Andrea Shalal et Daphne Psaledakis
WASHINGTON (Reuters) – De nouvelles manifestations se sont déroulées dimanche dans plusieurs grandes villes des Etats-Unis pour demander une réforme de la police, au lendemain des plus importants rassemblements aperçus depuis la mort de George Floyd lors de son interpellation par la police de Minneapolis le mois dernier.
Le ton presque festif des nombreux rassemblements organisés au cours du week-end a marqué un net contraste avec les troubles, attribués à des éléments externes et des criminels, qui ont émaillé de précédentes manifestations durant la semaine.
L’onde de choc provoquée par la mort de George Floyd, homme afro-américain âgé de 46 ans, s’est propagée à travers le monde, des milliers de personnes ayant pris part à des manifestations en Europe et en Asie notamment.
L’apaisement constaté dans les rassemblements au fil du week-end pourrait trouver son origine dans le sentiment que les demandes des manifestants pour une refonte de la police commencent à être entendues.
Démarche qui aurait semblé impensable il y a tout juste deux semaines, une majorité des membres du conseil municipal de Minneapolis se sont prononcés dimanche en faveur d’un démantèlement du département local de la police, pour un nouveau modèle de sécurité publique.
Derek Chauvin, le désormais ex-policier blanc âgé de 44 ans qui a maintenu son genou contre la nuque de George Floyd, a été inculpé de meurtre au second degré. Trois autres policiers ont également été arrêtés mercredi et poursuivis pour complicité.
L’une des plus vastes manifestations de dimanche a eu lieu à Los Angeles, où une foule estimée par une chaîne de télévision locale à 20.000 personnes s’est réunie sur Hollywood Boulevard à l’appel du rappeur YG sur les réseaux sociaux.
LEVÉE ANTICIPÉE DU COUVRE-FEU À NEW YORK
A New York, au moins une demi-douzaine de groupes de manifestants ont défilé dimanche après-midi dans les rues de Manhattan, sous un soleil de plomb. Un groupe a tenté de défiler à Times Square mais, selon des publications sur les réseaux sociaux, a été repoussé sans incident par la police, qui bloquait l’accès au lieu emblématique des festivités new-yorkaises du réveillon du Jour de l’An.
Le maire de la ville, Bill de Blasio, a annoncé la levée du couvre-feu dimanche, un jour plus tôt que prévu.
À Washington, des manifestants ont posé genou à terre dans une rue faisant face à la Maison blanche en criant « Je ne peux pas respirer », selon des messages publiés sur les réseaux sociaux. Une clôture nouvellement érigée autour de la Maison blanche a été décorée par des pancartes apportées par des manifestants, sur lesquelles figuraient entre autres les messages « Black Lives Matter » (les vies noires comptent) et « No Justice, No Peace » (pas de justice, pas de paix).
La capitale fédérale a été samedi le théâtre de la plus grande manifestation organisée depuis la mort de George Floyd.
Les funérailles de George Floyd sont prévues mardi à Houston, où il avait vécu avant de s’installer dans la région de Minneapolis.
Le candidat démocrate à la présidence américaine, Joe Biden, se rendra à Houston lundi et y rencontrera la famille de Floyd, ont indiqué les collaborateurs de l’ancien vice-président de Barack Obama.
Donald Trump a déclaré dimanche matin avoir donné l’ordre que la Garde nationale commence à se retirer de Washington, notant que « tout est désormais parfaitement sous contrôle ». S’exprimant sur Twitter, il a précisé que le personnel de la Garde nationale pouvait « revenir vite, si besoin ».
Le président américain avait fait part lundi, lors d’une allocution à la Maison blanche, de son souhait de recourir à l’armée pour rétablir l’ordre à Washington et dans toute ville où les autorités locales seraient incapables d’endiguer les violences lors des manifestations.
Selon un haut représentant américain, Donald Trump a dit en début de semaine dernière à des conseillers vouloir que 10.000 soldats se déploient dans la région de Washington pour faire face aux manifestations. Le chef du Pentagone a exclu par la suite de recourir à l’armée.
(avec Susan Heavey, Scott Malone, Ted Hesson à Washington, Jonathan Allen à New York, Sharon Bernstein à Sacramento, Andrew Hay à Taos, New Mexico; version française Blandine Hénault et Jean Terzian)
Partout aux Etats-Unis, les rassemblements se poursuivent contre les discriminations raciales
WASHINGTON/LOS ANGELES (Reuters) – Des manifestations étaient encore prévues dimanche à travers les Etats-Unis pour protester contre les discriminations raciales et les méthodes de la police américaine après la mort de George Floyd et les rassemblements du week-end se sont étendus à des plus petites communes dont une ville de l’est du Texas autrefois refuge du Ku Klux Klan.
George Floyd, un Noir américain de 46 ans, est mort le 25 mai à Minneapolis après avoir été maintenu au sol pendant près de neuf minutes par un policier pressant un genou sur son cou. Les images de cette arrestation, qui se sont rapidement propagées à travers les Etats-Unis, ont soulevé une vague de colère contre la police américaine accusée de racisme et de brutalité contre la communauté afro-américaine.
L’onde de choc s’est propagée à travers le monde et des milliers de personnes sont descendues samedi dans la rue en Europe et dans d’autres pays en Asie pour soutenir les protestations américaines contre la brutalité policière.
À Washington, des dizaines de milliers de personnes scandant « Je ne peux pas respirer » et « Les mains en l’air, ne tirez pas » se sont rassemblées samedi au Lincoln Memorial puis ont marché vers la Maison-Blanche, dans la plus grande manifestation jamais organisée au cours des 12 jours de manifestations à travers les États-Unis depuis la mort de George Floyd.
Les rassemblements à Washington et dans des dizaines d’autres villes américaines samedi se sont distingués par un niveau de tension bien inférieur à celui observé pendant une grande partie de la semaine précédente, où des émeutes et des pillages ont parfois été observés.
Dimanche matin, le maire de New York, Bill de Blasio, a annoncé qu’il allait lever le couvre-feu dans toute la ville un jour plus tôt que prévu.
PROTESTATIONS DANS UNE PETITE VILLE DU TEXAS
La dimension multiraciale des protestations n’était peut-être nulle part plus évidente que dans la petite ville de Vidor, dans l’est du Texas, l’une des centaines de communautés américaines connues il y a plusieurs décennies sous le nom de « sundown towns » parce que les Noirs n’étaient pas les bienvenus la nuit.
Plusieurs dizaines de manifestants blancs et noirs portant des pancartes « Black Lives Matter » ont manifesté samedi dans la ville autrefois célèbre pour être un bastion du Ku Klux Klan, soulignant l’ampleur du choc provoqué par la mort de George Floyd au sein de la société américaine.
En Caroline du Nord, dans la ville natale de George Floyd, Raeford, des centaines de personnes ont fait la queue samedi dans une église pour lui rendre hommage lors d’une cérémonie publique, avant un service commémoratif privé pour les membres de sa famille.
Les funérailles de George Floyd sont prévues mardi à Houston, où il a vécu avant de s’installer dans la région de Minneapolis.
(Susan Heavey et Scott Malone in Washington, Jonathan Allen à New York et Andrew Hay à Taos, New Mexico; Blandine Hénault pour la version française)
Les Américains blancs en force dans les manifestations contre le racisme
Des manifestants blancs, l’un armé d’une pancarte disant « le silence blanc tue », lors d’une manifestation à Brooklyn le 5 juin 2020 ( AFP / Angela Weiss )
Pour beaucoup, c’est « la première fois » qu’ils manifestent pour #BlackLivesMatter: les Américains blancs participent en nombre aux rassemblements déclenchés par la mort de George Floyd, avec la conscience croissante que les discriminations contre la minorité noire dépassent largement les violences policières.
Vidéos: https://www.boursorama.com/actualite-economique/actualites/les-americains-blancs-en-force-dans-les-manifestations-contre-le-racisme-687b5c08b559a0ad8a51bfc8adbbcc96
« C’est la première fois que je participe à ces manifestations », dit à l’AFP Krista Knight, 36 ans, dramaturge, lors d’une manifestation ce week-end à Manhattan. « Ne pas participer, c’était comme envoyer le message que je m’en fiche. Se taire suggère de la complicité. Alors j’ai senti qu’il fallait que je sorte », ajoute-t-elle.
C’est ce mot, « Complicity », qu’elle a choisi pour sa pancarte confectionnée pour cette manifestation. Il revient souvent sur les pancartes des manifestants blancs, tout comme la dénonciation d’un « silence blanc ».
Krista Knight (à gauche), et Tatjana Gall, deux amies new-yorkaises de 36 ans, posent avec leur pancarte après avoir manifesté pour #BlackLivesMatter le 5 juin à Manhattan ( AFP / Catherine TRIOMPHE )
Le débat est vif et passionnel sur l’attitude des Américains blancs face un racisme systémique et aux injustices dont a été victime la minorité noire tout au long de l’histoire des Etats-Unis. Il est relancé par la mort tragique de George Floyd.
Tatjana Gall, graphiste, a elle manifesté pour la première fois dimanche dernier. « J’ai été dévastée » par la vidéo montrant George Floyd asphyxié le 25 mai par un policier blanc, ignorant les passants qui l’enjoignaient d’arrêter d’appuyer son genou sur son cou, dit-elle. « Le minimum que je puisse faire était de manifester en soutien au mouvement ».
– Manifester tout l’été
« J’ai déjà manifesté pour beaucoup de choses, mais c’est ma première fois pour #BlackLivesMatter », confie aussi Marianne Macrae, 58 ans, plus âgée que la plupart des manifestants. « Ce n’est pas que ça ne m’intéressait pas. Mais ce n’était pas le bon endroit, le bon moment », dit-elle.
Désormais, cette femme, qui travaille pour une ONG qui combat la pauvreté, appelle à une prise de conscience de ses compatriotes blancs. Et se dit prête à manifester « tout l’été, jusqu’à l’automne, jusqu’à l’élection » présidentielle de novembre.
Pour les plus jeunes, très nombreux aux manifestations, se mobiliser était souvent une évidence.
Arrestation d’une jeune manifestante blanche par la police à Manhattan, le 5 juin 2020 ( AFP / TIMOTHY A. CLARY )
« J’ai grandi à Houston (Texas) et à La Nouvelle-Orléans, deux villes avec d’importantes populations noires », dit Ross, musicien, 25 ans, qui a souvent vu ses amis noirs trembler en voyant des policiers. « Ces gens sont nos amis, nos voisins, ils travaillent avec nous, ils travaillent pour nous ».
Un récent sondage de Monmouth University atteste d’une empathie croissante de la population blanche pour les risques encourus par les Noirs face à la police: quelque 49% de Blancs – et 57% des Américains en général – estiment désormais qu’un policier risque plus d’abuser de sa force face à un suspect noir, soit deux fois plus qu’en 2016 (25%), selon cette étude.
Et 78% des Américains jugent la colère déclenchée par la mort de George Floyd « complètement » ou « partiellement justifiée ».
– « Un système conçu pour nous » –
Cette sensibilité aux discriminations contre le racisme passe aussi parfois par les réseaux sociaux.
Meredith Parets, enseignante à Phoenix (Arizona), s’est jointe pendant le week-end à une manifestation. Elle s’est aussi associée à deux groupes sur Facebook – dont l’antenne locale du groupe « White people for black lives » (« Personnes blanches pour vies noires ») qui compte quelque 900 personnes – qui visent à aider les blancs à détecter et combattre les formes insidieuses de racisme.
Avant, « les suprémacistes blancs, je croyais que c’était le KuKluxKlan (…), qu’on pouvait choisir de ne pas en faire partie », dit cette femme de 47 ans. Maintenant, « je me rends compte que (…) tout le système est conçu pour nous ».
De nombreux blancs ont participé, le 28 août 1963, à la grande « Marche sur Washington » avec le révérend Martin Luther KIng (3e en partant de la gauche) ( AFP / – )
Elle qui n’était pas militante écrit désormais à ses élus, demandant de voter le financement d’un organisme de supervision de la police, ou d’interdire des techniques d’étranglement utilisées contre les suspects.
Pour Candace McCoy, spécialiste des manifestations raciales à l’université de la ville de New York (CUNY), cette mobilisation blanche est « l’une des grandes différences avec les manifestations des 30 dernières années », comme celles déclenchées par les violences policières de Ferguson en 2014 ou l’affaire Rodney King en 1992.
Elle compare cette mobilisation aux manifestations pour les droits civiques des années 1960, notamment la « Marche sur Washington » du 28 août 1963, où de nombreux blancs défilèrent avec Martin Luther King.
cat/hr/ybl
Vidéos
Black Lives Matter!’: manifestation contre le racisme à Sydney | AFP Images
Un « Black Lives Matter » géant devant la Maison Blanche
Arrêté par la police à New York, un journaliste du HuffPost raconte
Poster un Commentaire