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La fondation Jean-Jaurès ébauche le portrait de ces militants atypiques, caractérisés par une défiance envers les institutions, un niveau de diplôme plus élevé que la moyenne et une appétence pour les thèses complotistes.
C’est une première en France : ce lundi, la fondation Jean-Jaurès publie une étude dans laquelle les anti-masques français sont passés au crible. Menée par les chercheurs en sociologie Antoine Bristielle, cette étude, fondée sur un peu plus d’un millier de réponses à un questionnaire en ligne, analyse aussi les arguments avancés par ces opposants au port du masque obligatoire : le masque serait « inutile », voire « dangereux », l’épidémie de Covid contre laquelle il est conseillé serait terminée voire n’aurait jamais existé.
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Femmes surreprésentées, haut niveau d’éducation
Ainsi, 90% des répondants pensent que « le ministère de la Santé est de mèche avec l’industrie pharmaceutique pour cacher au grand public la réalité sur la nocivité des vaccins », contre 43% de la population. Seuls 2% des sondés font confiance à Emmanuel Macron, contre 34% des Français. Même les hôpitaux – à qui plus de 82% des Français font confiance, ne récoltent la confiance que de 53% des personnes interrogées.
Ces deux tendances – appétit pour les thèses complotistes et défiance immense envers les institutions – sont d’habitude, selon la littérature scientifique, « le fait d’individus plutôt jeunes et appartenant aux classes populaires », souligne l’étude. Et pourtant. Ici, les femmes sont surreprésentées (à près de 63%), l’âge moyen est relativement élevé, « cinquante ans », et le niveau d’éducation est « assez haut », avec en moyenne des personnes ayant obtenu un diplôme de niveau Bac+2.
Parmi ces militants en ligne – la mobilisation anti-masques n’ayant, en France, réuni qu’une poignée de personnes dans les rues fin août-, « les cadres et professions intellectuelles supérieures représentent 36% », selon l’étude, « alors que leur poids n’est que de 18% dans l’ensemble de la population française ». Quant aux ouvriers et employés, ils « ne représentent que 23% des anti-masques interrogés, soit la moitié de leur poids réel dans la population française ». Un profil atypique qui s’explique par l’adhésion de nombre d’entre eux à un courant de pensée anglo-saxon, peu représenté en France : le libertarisme.
Libertaires et populistes
« Ce qui caractérise le mieux les anti-masques présents sur les réseaux sociaux », décrypte Antoine Bristielle, c’est leur « adhésion au libertarisme » : 95% pensent que le gouvernement s’immisce beaucoup trop dans notre vie quotidienne. Ce courant de pensée est caractérisé avant tout par un refus très fort de toute contrainte de l’État et un attachement tout aussi fort aux libertés individuelles.
Politiquement, le profil de ces anti-masques est lui aussi « singulier »: au premier tour de l’élection présidentielle de 2017, « 18% se sont abstenus, 14% ont voté blanc ou nul et 10% n’étaient même pas inscrits sur les listes électorales ». Soit un total de plus de 40% de personnes qui ne se sont pas prononcées, contre moins de 25% au niveau national. Ce rejet, note Antoine Bristielle, « des institutions et des partis politiques classiques se traduit également par des attitudes populistes ». Ainsi, « l’accord des anti-masques concernant les considérations populistes est en moyenne douze points supérieur à ce que l’on constate dans l’ensemble de la population ».
Quant à ceux acceptant de se positionner sur une plus classique opposition droite/gauche, ils sont 36% à se dire de gauche, contre 46% de droite. Des chiffres comparables, note Antoine Bristielle, à ceux que l’on trouve chez les soutiens du professeur Didier Raoult, dont le profil sociologique – âge élevé, niveau de diplôme élevé… – est également comparable. Un public, souligne le chercheur, rarement enclin à manifester. À Paris, fin août, ils n’étaient qu’une poignée place de la République à protester contre le masque
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