COVID-19 : Pas de deuxième vague, mais des répliques

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« La médecine a fait tellement de progrès que plus personne n’est en bonne santé ! » *


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Les derniers chiffres de l’épidémie française montrent qu’il n’y aura pas de nouvelle explosion épidémique, mais une série de répliques de moindre intensité

Première publication : JEUDI 1ER OCTOBRE 2020,
par DOMINIQUE DUPAGNE

« La prévision est un art très difficile, surtout lorsqu’elle concerne l’avenir ». Cette phrase de Pierre Dac n’a jamais été aussi pertinente et pas un jour ne passe sans que des Nostradamus nous annoncent une terrifiante flambée épidémique, ou qu’au contraire, d’irréductibles optimistes affirment la fin de l’épidémie de COVID-19.
Comme souvent dans ce genre de situation, la vérité est au milieu.

J’ai attendu la fin du mois de septembre pour me faire une opinion sur l’avenir de l’épidémie française de COVID-19. En effet, des facteurs d’aggravation déterminants sont apparus il y a quelques semaines : les rentrées scolaires et universitaires, mettant en contact étroit d’importants effectifs de sujets jeunes et souvent peu respectueux des mesures barrières. S’y ajoutent les retours de vacances et les brassages de population qu’elles provoquent.

Tout était réuni pour qu’une rechute épidémique survienne. Il s’agissait même de la dernière opportunité pour le SARS-CoV2 de rencontrer des conditions aussi propices à sa diffusion. En effet, plus le temps passe, plus la montée modeste mais réelle de l’immunité collective freine la diffusion du virus.

Or, comme nous allons le voir, les derniers chiffres officiels montrent une diminution des contaminations et une stabilisation du nombre d’hospitalisations depuis plusieurs jours, ce qui est incompatible avec une croissance exponentielle de l’épidémie, comme annoncée par exemple dans le Journal du Dimanche du 26 septembre avec cette projection délirante (en gris la situation actuelle, en couleur les projections en fonction de différents scénarios) :

Non seulement nous n’allons pas vivre la courbe rouge, mais nous ne vivrons probablement même pas la bleue, qui d’après les auteurs ne serait permise que par un reconfinement généralisé.

Le décompte des hospitalisations est le meilleur critère

Les différents décomptes disponibles n’ont pas la même valeur,
les hospitalisations constituent le meilleur indicateur évolutif de l’épidémie.

Le décompte des tests positifs est trop dépendant de leur disponibilité, qui a beaucoup varié depuis février et qui était quasi nulle en avril. Ils permettent néanmoins sur une courte période de dégager des tendances précoces puisque la contamination est la première étape de la maladie.

Le décompte des décès est trop tardif. Par ailleurs, l’amélioration des techniques de réanimation a permis de faire diminuer très significativement la mortalité, ce qui fausse également la comparaison avec le pic d’avril. Il en est de même pour les entrées en réanimation : une meilleure prise en charge des malades en hospitalisation simple rend moins souvent nécessaire leur transfert en soins intensifs/réanimation et la comparaison avec le pic d’avril en serait faussée.

Les hospitalisations quotidiennes constituent donc (aussi longtemps que les hôpitaux ne sont pas saturés) le meilleur critère pour apprécier l’évolution de l’épidémie de COVID-19

Nous disposons de graphiques particulièrement parlants grâce à Germain Forestier, Professeur d’informatique et « Data scientist » (expert en traitement des données massives) qui réutilise les données officielles. [1] (C’est l’occasion de se rappeler que le web ne sert pas qu’à créer des startups…).

Un fléchissement net pendant la dernière semaine de septembre

Une première constatation évidente à la lecture des courbes débutant le 18 mars, c’est qu’il est incorrect de parler de « deuxième vague » pour la France, comme pour la grande majorité des régions :

Nous sommes confrontés à des répliques, par analogie avec les secousses secondaires qui suivent un tremblement de terre. Ces répliques sont de moindre intensité que le tremblement de terre initial et cette intensité est variable d’un lieu à l’autre autour de l’épicentre initial. Elles ne durent qu’un temps et finissent pas disparaître. Ce concept sismologique s’applique parfaitement à la situation épidémiologique actuelle.

La deuxième donnée qui saute aux yeux est le fléchissement récent de la croissance de ces hospitalisations, incompatible avec la croissance exponentielle annoncée par les catastrophistes.

Ce fléchissement de la progression des hospitalisations était annoncé par la décrue des nouvelles contaminations, logiquement plus précoce :

Elle n’est pas encore visible dans le décompte des entrées en réanimation, à l’inverse plus tardives puisqu’elles font souvent suite à une hospitalisation « normale » initiale :

C’est uniquement à distance de la métropole, dans les DOM-TOM que l’on observe une vraie deuxième vague, ou plutôt une première vague différée dans des régions initialement peu touchées par l’épidémie, comme en Guyane :

Cette absence de deuxième vague était probable. Pourquoi ? Parce que le virus ne rencontrera jamais de situation plus propice à sa diffusion que pendant le première quinzaine de mars 2020, durant laquelle une population privée de masques protecteurs ne prenait pas encore la mesure du danger et faisait même la fête en milieu fermé la veille du confinement. L’immunité collective était inexistante ; les restaurants, bars, cinémas, théâtres, étaient bondés dans le cadre d’une insouciance collective encouragée par la plus haute autorité de l’État.

Bref, tout était réuni pour permettre l’explosion d’une épidémie, et c’est ce qui est arrivé. Le confinement qui a suivi a permis de « geler » l’épidémie et d’atténuer la saturation du système de santé, mais il n’a bien sûr pas fait disparaître le virus.

Il était logique de redouter une deuxième vague début septembre

La crainte d’une reprise épidémique significative à la rentrée était fondée, et cette reprise est en effet survenue, touchant principalement les zones peu ou pas touchées par la première vague.

Voici la situation dans le Grand-Est, durement éprouvé par la première vague :

Et dans les Bouches-du-Rhône, au contraire épargnées par la première vague :

Mais il s’agit bien de répliques, sans commune mesure avec la vague survenue au printemps, qui ne reviendra donc pas. La relation inverse entre l’intensité des répliques et l’ampleur de la première vague suivant les régions confirme s’il en était besoin que l’immunité collective est réelle. Cette immunité collective n’est pas correctement évaluée par le taux de sujets sérologiquement positifs, c’est à dire portant des anticorps dirigés contre le SARS-CoV2 (immunité humorale). Ce n’est pas surprenant car nous savons que l’immunité dite « cellulaire », impossible à détecter par des analyses sanguines, joue un rôle important dans cette immunité collective.

Les hôpitaux vont encore vivre des semaines difficiles dans les zones où les répliques sont les plus fortes. Ils pourraient être transitoirement saturés, et ce risque justifie pleinement des mesures drastiques localisées comme la fermeture des bars et restaurants à Marseille. Mais globalement, nous avons mangé notre pain noir.

Faut-il pour autant relâcher notre vigilance ? Certainement pas. Cette situation a été permise par les mesures mises en place depuis plusieurs mois comme l’imposition du masque à l’intérieur des bâtiments et l’incitation forte au télétravail. Il faudra continuer à respecter ces mesures indispensables quelques mois.

En revanche, l’inutile et détestable imposition du masque à l’extérieur gagnerait à être supprimée, dans un geste d’apaisement vers ceux qui le vivent mal, à tort ou à raison. Tout devrait être fait également pour limiter les privations de liberté au strict nécessaire, et tenant compte encore une fois des situations locales.

J’espère que nos autorités sanitaires ne commettront pas l’erreur d’affirmer que la stabilisation de l’épidémie a été permise par les mesures drastiques prise le 27 septembre. Cela n’est pas possible car il faut au moins 15 jours pour que l’effet d’une mesure se traduise dans les courbes d’hospitalisation. Continuer à perturber gravement sans raison suffisante la santé mentale des français et la vie économique du pays après la mi-octobre constituerait une erreur lourde de conséquences.

Pour finir et comme d’habitude, je vous invite à un débat sous cet article pour confronter les points de vue dans le respect mutuel.

Vous pouvez me suivre sur Twitter @ddupagne

Edit à 12h40 :
- @fLoNaNdO7 et @StephaneKM m’ont fait remarquer sur Twitter que les réunions familiales et festivités se sont déroulées à l’extérieur en septembre. La météo pourrait les déplacer en intérieur et modifier les conditions de contamination. Je reconnais que c’est une fragilité de mon analyse. Nous le saurons dans 10 jours en observant l’incidence des cas positifs en PCR.
- D’autres m’interrogent sur la situation internationale, notamment sur l’Espagne. Chaque pays possède des spécificités sociales, climatiques ou démographiques. Il est difficile de faire de l’épidémiologie comparée, d’autant qu’il peut exister des déterminants cachés qui pourraient biaiser gravement ce type d’analyse.


[1Sur sa page dédiée à la COVID-19, Germain Forestier propose 6 types de représentation des chiffres de l’épidémie française.
- Les données d’hospitalisation pour la France et les régions françaises sur le dernier mois filant ici.
- Idem mais par département ici
- Les données d’hospitalisation pour la France et les régions depuis le 18 mars 2020 ici
- Idem mais par département ici
Et enfin le taux de positivité des tests et d’incidence par classe d’âge.

Commentaires :

Bonjour,
merci pour cette mise au point.
Elle n’aurait pas été nécessaire si les mois de répit qui ont suivi l’épidémie avaient été mis à profit pour augmenter les capacités d’hospitalisation. Car en fait, tout ce cirque, pardon ces contraintes ne sont nécessaires que parce que « on » a peur que les capacités de soin soient dépassées. Or, forts de la première expérience de mars, les réanimateurs (les plus angoissés et on les comprend) on aussi franchement changé leur prise en charge avec les masques à haute concentration *entre autres. Ne fallait il pas soulager les vraies réas (post op, traumatologie, cardiologie etc… qui ne s’arrêtent pas) par l’ouverture de lits moins spécialisés et des équipes plus légères et bien équipées, bien formées… et bien rémunérées (motivation). En fait, on encombre les réas avec des patients non intubés, non sédatés, ne nécessitant pas autant de bras en termes de monitorage et de nursing, à 2500 euro la journée.
Enfin, pour l’avenir, il me semble que l’épidémie s’arrêtera quand toutes les cibles (patients ayant vocation à être contaminés) auront été touchées, le confinement et les mesures barrière n’ayant visiblement pour effet que d’aplatir les courbes : la notion de charge virale contaminante n’ayant pas été démontrée, il se pourrait tout aussi bien que la simple baisse de virulence du virus par mutation ou autre et la meilleure prise en charge médicale explique la baisse de la létalité constatée…
Et merci d’avoir mis en gras la nécessité de « limiter les privations de liberté au strict nécessaire ». Que les médecins s’intéressent à cela est indispensable.
A suivre…

*Le Masque Haute Concentration est utilisé dans le cadre d’une oxygénothérapie chez un patient souffrant d’une saturation en oxygène insuffisante…

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