Un avocat allemand prétend remettre en cause la réalité de l’épidémie due au nouveau coronavirus, mais ses principaux arguments sont erronés.
« Manipulation », « tromperie », « scandale »… L’avocat allemand Reiner Fuellmich estime que les dirigeants et les autorités sanitaires de par le monde ont dupé les populations en leur faisant croire, à tort, que le Covid-19 serait une menace de taille. Et il prétend le démontrer dans une vidéo de près d’une heure, traduite en français par la chaîne YouTube « Fils de pangolin ».
Ce long réquisitoire a été visionné des millions de fois sur les réseaux sociaux. Il a notamment été repris par la vidéaste suisse antirestrictions Ema Krusi, le média « gilet jaune » Vécu ainsi que de nombreux sites aux accents conspirationnistes. Reiner Fuellmich y multiplie les arguments jusqu’à noyer son auditeur sous une avalanche d’affirmations non sourcées, dont beaucoup ne résistent pas à l’examen des faits. Retour sur quatre d’entre elles.
1. Les tests ne serviraient à rien
Ce qu’il dit :
« Y a-t-il une pandémie de corona, ou seulement une pandémie de tests PCR ? Plus précisément, un résultat positif au test PCR signifie-t-il que la personne testée est infectée par le Covid-19 ou cela ne signifie-t-il absolument rien en rapport avec l’infection par le Covid-19 ? »
A plusieurs reprises dans la vidéo, Reiner Fuellmich livre sa réponse à ce questionnement, en remettant en cause l’utilité des tests PCR, coupables notamment selon lui de ne pas détecter des malades atteints du Covid-19 mais de simples traces de différents virus dans l’organisme des patients.
POURQUOI C’EST FAUX
Les tests PCR (pour « réaction en chaîne par polymérase ») sont les plus fréquemment utilisés dans le dépistage du Covid-19.
S’il est vrai que de nombreux patients positifs au SARS-CoV-2 sont asymptomatiques, cela ne veut pas dire pour autant que ces tests sont caducs, contrairement à ce qu’insinue l’avocat. Ils recoupent simplement une variété de situations : des malades qui sont rétablis, des personnes tout juste infectées ou qui ne présenteront jamais de symptôme, des patients contagieux ou non… Cette nuance invite à ne pas utiliser les données liées aux tests PCR comme seul critère de suivi de l’épidémie.
2. Le masque et le confinement n’auraient aucune utilité sanitaire
Ce qu’il dit :
« Les mesures dites anti-corona, telles que le confinement, les masques faciaux obligatoires, la distanciation sociale et les règlements de quarantaine servent-ils à protéger la population mondiale contre le corona ? Ou ces mesures ne servent-elles qu’à faire paniquer les gens pour qu’ils croient, sans se poser de questions, que leur vie est en danger ? »
L’avocat tranche clairement la question tout au long de la vidéo. Il remet en effet en cause les différentes mesures prises dans le cadre de la lutte contre le SARS-CoV-2, estimant qu’elles ne protégeraient en aucun cas du virus.
POURQUOI C’EST FAUX
Le débat autour de la stratégie à adopter pour contenir la propagation du virus est complexe. Les approches varient d’un pays à l’autre et de nombreuses questions divisent la communauté scientifique, sans compter que les lignes bougent au fur et à mesure des avancées des connaissances sur le sujet.
La rhétorique du Reiner Fuellmich ne s’inscrit pas dans ces questionnements : il considère les mesures destinées à endiguer la propagation du virus inutiles. Or le confinement, par exemple, s’est traduit par une nette baisse de la propagation de l’épidémie. L’Académie de médecine a estimé que le nombre de personnes contaminées par chaque malade était descendu de 2,8 à 0,7 entre le 15 mars et le 31 mai. Une tendance corroborée par d’autres travaux français et internationaux.
Mesure extrême, qui entraîne de lourdes conséquences économiques et sociales, le confinement n’en est pas moins efficace pour réduire les contacts au sein d’une population, et donc restreindre la propagation du SARS-CoV-2.
Autre exemple : le port du masque. La communauté scientifique en plébiscite quasi unanimement le port dans les lieux clos, études à l’appui. Sa généralisation en extérieur continue en revanche de faire débat, parce qu’une partie des spécialistes estiment que des mesures de distanciation physique peuvent suffire. Mais cela ne remet pas en cause le fait que le port du masque contribue à limiter, bien que partiellement, la diffusion du virus.
3. Le coronavirus ne tuerait pas ou très peu
Ce qu’il dit :
« Le coronavirus, prétendument nouveau et très dangereux, n’a causé aucune surmortalité dans le monde, et sûrement pas ici en Allemagne. »
POURQUOI C’EST FAUX
Contrairement à ce que prétend Reiner Fuellmich, le SARS-CoV-2 a bien engendré un pic de mortalité dans de nombreux pays. Il suffit par exemple de parcourir les données d’EuroMomo, un outil statistique européen des chiffres de la mortalité, pour constater que la grande majorité des 24 pays représentés a enregistré une hausse notable de morts au printemps. A commencer par la France, où un excédent de plus de 27 000 morts a été enregistré par l’Insee.
A l’échelle mondiale, plus d’un million de décès ont été imputés au Covid-19 à ce jour. Contrairement aux chiffres recensés sur EuroMomo, cette estimation ne donne pas d’indication sur la surmortalité. Elle montre cependant que le SARS-CoV-2 est d’ores et déjà nettement plus meurtrier que la grippe saisonnière (responsable de 290 000 à 650 000 morts par an, selon l’Organisation mondiale de la santé).
Ce qui est vrai, en revanche, est que la surmortalité liée au Covid-19 a été très limitée en Allemagne. Destatis, l’Office fédéral de la statistique, a décompté au plus fort de la crise, au printemps, 14 % de morts en plus sur une semaine. Au total, le nombre de morts imputées à la pandémie en Allemagne s’élevait à 9 640 au 13 octobre, ce qui est relativement faible au regard de ses 83,2 millions d’habitants.
4. Les hôpitaux n’auraient jamais été menacés
Ce qu’il dit :
« Durant cette période, nous savons que les systèmes de soin de santé n’ont jamais été en danger d’être submergés par le Covid-19. »
POURQUOI C’EST FAUX
Au-delà des décès qu’il engendre, le Covid-19 est responsable de nombreuses pathologies dont une bonne part nécessite une hospitalisation, voire une prise en charge en réanimation.
Cette pression sur le système hospitalier a été observée dans de nombreux pays, à commencer par la France, l’Italie, l’Espagne ou le Royaume-Uni. Au printemps, de nombreux hôpitaux ont dû déprogrammer des interventions pour faire face à l’afflux de patients atteint du Covid-19.
Les conséquences sont considérables, mais bien souvent difficile à évaluer. « C’est très virtuel la déprogrammation », déplorait le chirurgien Laurent Lantieri, lundi 12 octobre sur France 5. Selon lui, « une intervention qu’on repousse, ce n’est pas anodin, on ne fait pas de la chirurgie inutile ». Il cite l’exemple d’une jeune patiente qui devait être opérée d’une chirurgie préventive du cancer du sein en mars et n’a pas pu l’être à cause de la crise sanitaire. L’intervention a été reportée en octobre, mais la jeune femme a « développé son cancer » entre-temps, et devra donc subir une chimiothérapie.
En France, le conseil scientifique alertait dans un avis rendu public début octobre sur le risque de voir les hôpitaux de nouveau débordés par la deuxième vague de l’épidémie.
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