Chasser Macron avant 2022 – Editorial du 5 janvier 2021par |
L’année pré-électorale qui commence nous incite à faire de ce mot d’ordre, Chasser Macron avant 2022, l’alpha sinon l’oméga de notre préparation des échéances électorales. Chacun s’accorde à dire que le plus tôt sera le mieux, avec souvent ces réserves qu’il ne suffit pas de montrer l’objectif, que les présidentielles ont la réalité d’une date fixe, que les élections sont un terrain où s’exprime aussi la lutte de classe, que la chute de l’exécutif ne réglera pas tout, que l’agonie de la Vème République est annoncée depuis plus de cinquante ans, que Macron a nassé le mouvement social ajoutant confinements, lois d’urgence, couvre-feux à une répression d’une rare violence … Bref, il serait temps de peaufiner des programmes ratissant large et d’étudier candidatures et sondages. Et de déplorer que les Français ne fassent pas preuve de l’enthousiasme attendu par les candidats proclamés ou en réserve de la république, par les architectes de formules innovantes et unitaires, etc.
Si l’enthousiasme n’est pas là, c’est que la réalité que vivent les supposés électeurs est ailleurs. Dès le re-confinement de novembre le chômage a bondi de 0,9% pour parvenir à un chiffre de 3,828 millions de privés d’emplois n’ayant eu aucune activité. Si l’on ajoute les catégories qui comptabilisent le chômage partiel, on dépasse le niveau historique de six millions de chômeurs, jamais atteint avant la pandémie de Covid (Le Monde, 28 décembre). Les suppressions d’emplois et fermetures de sites qui sont annoncées chaque jour, montrent que l’évolution, vaccin ou pas, ne connaîtra pas d’évolution inverse avant la fin de 2022. Selon la projection de la Banque de France, le taux de chômage pourrait connaître un pic supérieur à 11,5 % en juin prochain contre 8,1% fin 2019. Le pourcentage de chômeurs se situerait autour de la barre des 10% en décembre 2022.
Le véritable enjeu politique pour des millions de Français c’est, dans l’immédiat, leur capacité à conserver leur emploi, dans le privé comme dans le public, et pour des centaines de milliers de jeunes à en trouver un. Il est de plus en plus clair que les luttes des salariés n’obtiennent pas au niveau des entreprises menacées de fermeture, des garanties d’emploi qui découleraient d’alternatives industrielles soutenues par un argent public généreusement offert. Les salariés de Bridgestone peuvent tirer le bilan de l’illusion qu’ont nourri les dirigeants de leur intersyndicale, associés dans ce naufrage à la ministre du travail, à la ministre de l’industrie et au président des Hauts-de-France. Pour un nombre croissant de militants luttant contre les plans de licenciements, y compris chez Bridgestone, il n’y a d’autre possibilité de gagner que par une mobilisation nationale unitaire se dirigeant par centaines de milliers sur les lieux du pouvoir, pour aller y chercher l’interdiction des licenciements et des suppressions d’emplois.
Chacun comprend qu’une telle mobilisation, a fortiori un succès comme l’interdiction des licenciements, modifierait du tout au tout les calculs présidentiels.
En tout cas les directions des confédérations, elles, le comprennent.
L’intersyndicale CGT, FSU, Solidaires, FIDL, MNL, UNEF, UNL ouvre cette année 2021 sur une caricature de l’action syndicale. Celle des temps faibles et des temps dits forts, celle des journées saute-mouton qui depuis quarante ans permettent de laisser passer les contre-réformes et autres reculs sociaux. Qu’on en juge : mobilisation dans la Santé le 21 janvier, dans l’Éducation nationale le 26, dans l’Énergie le 28, et « temps fort » avec ceux que ce sabotage n’aura pas écœuré, le 4 février. Ces « journées phares » (sic) ont pour objectif cité parmi d’autres revendications, « la préservation et le développement de l’emploi et des services publics, contre la précarité », « la création de millions d’emplois », « le partage et la réduction du temps de travail ».
Bien sûr personne ne croit que les journées phares et le temps fort vont arracher la création de millions d’emplois ni le partage du temps de travail, ni quoi que ce soit. Mais le résultat sera, tout en chevauchant l’enjeu de l’emploi, de préserver l’Élysée d’une montée en masse sur un mot d’ordre unique et clair : Interdiction des licenciements et des suppressions d’emplois.
C’est la manière confédérale d’attendre 2022.
Ce coupe-feu des bureaucraties intersyndicales répond à une urgence. A partir des grèves contre les plans de licenciements dans leurs entreprises, à partir de la critique des orientations confédérales se sont organisées et développées des initiatives pour une manifestation nationale à Paris qui portera l’exigence de l’interdiction des licenciements.
L’une soutenue par le POID a recueilli à cette date plus de 30700 signatures sur un appel à « une montée nationale dans l’unité de tous les travailleurs des entreprises frappés par les licenciements, toutes les organisations syndicales à tous les niveaux, avec un seul mot d’ordre: interdiction des licenciements et des suppressions d’emplois » (document 1 ci dessous)
Une autre initiative des salariés du groupe de voyages TUI ( Nouvelles Frontières, Look Voyages, Marmara, etc.) a réuni le 29 novembre dernier des salariés d’Auchan, Cargill, Bridgestone, Air France, Adecco, du travail social, Renault, aéronautique, Sanofi, General Electric, La Poste, ainsi que des organisations comme la Fédé Sud commerce, Jolie Môme, Collectif CGT Monoprix, LFI (Manuel Bompard), CGT inspection du travail, InfoCom CGT, UD CGT 92, Union syndicale Solidaire… et a diffusé un appel à manifester le samedi 23 janvier à 14 heures à l’Assemblée Nationale pour l’interdiction des licenciements et des suppressions d’emplois (document 2 ci dessous).
Le NPA qui soutient cette initiative commente la réunion : « La volonté d’en découdre et de ne pas se contenter de manifester ou d’exprimer un ras-le-bol est bien présente : il est vraiment question de trouver les moyens d’inverser le rapport de forces, d’imposer dans la rue la fin des licenciements et de la précarité (comme dans le commerce où salarié-e-s en CDD ou extra se retrouvent au chômage sans être licencié-e-s), de retirer ce droit au patronat ».
Sur le terrain les militants qui vivent l’annonce des plans sociaux, les promesses d’alternatives industrielles ou de maintien d’activités accompagnés de listes de postes supprimés, les incitations financières au départ, savent que dans ces conditions difficiles on ne peut combattre les licenciements sans l’unité. Tous comprennent que sans l’unité on ne fera pas plier Macron.
L’appel soutenu par le POID ne néglige pas ce besoin :
« Des dates circulent, mettons-nous d’accord, tous d’accord sur une date et un mot d’ordre. Nous sommes des millions à être concernés. Que des millions descendent dans la rue au même moment, les choses commenceront à changer. »
Oui, les choses commenceront à changer si dès le début de cette année un front commun se constitue contre la destruction massive de l’emploi dans les entreprises et dans les services publics. C’est le moyen d’aller chercher Macron. Nous ne connaissons pas de manière plus réaliste de préparer d’autres échéances.
Le 05-01-2021.
Document 1
Document 2
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