Sécurité globale : Amnesty International dénonce des « arrestations arbitraires » lors d’une manifestation à Paris
40 plaintes ont été déposées par des manifestants ayant défilé à Paris le 12 décembre 2020 contre le préfet de police de Paris Didier Lallement.
Dans une enquête publiée lundi 8 février et que franceinfo a pu consulter, l’ONG Amnesty International dénonce des « arrestations » et des « détentions arbitraires » par les forces de l’ordre de manifestants ayant défilé à Paris le 12 décembre 2020 lors d’un rassemblement contre la proposition de loi « Sécurité globale ».
Dans cette enquête intitulée « Climat d’insécurité totale : arrestations arbitraires de manifestants pacifiques le 12 décembre 2020 à Paris », l’ONG affirme que « des dizaines de manifestants ont été victimes de détentions arbitraires » lors de cette manifestation, ce qui constitue « une violation du droit à la liberté et à la sûreté de la personne« . Certains manifestants victimes de « détentions arbitraires » ont décidé de saisir la justice contre le préfet de police de Paris Didier Lallement qui fait l’objet de 40 plaintes contre lui. Au cours de cette manifestation du 12 décembre, « sur les 142 personnes interpellées à Paris, dix-neuf étaient mineures et près de 80 % ont été relâchées sans poursuites« , précise Amnesty International.
Interpellé pour « visage dissimulé » alors que le masque est obligatoire
Pour étayer son rapport, Amnesty International a réalisé plusieurs entretiens de manifestants arrêtés à Paris ce 12 décembre. Elle a également interrogé leurs proches, des avocats et a eu accès à des pièces judiciaires et des vidéos. L’ONG a pu ainsi réunir des informations sur 35 cas d’interpellations, dont 33 gardes à vue et deux privations de liberté de près de cinq heures. Dans tous les cas documentés, les détentions de manifestants ont eu lieu « en l’absence d’éléments permettant raisonnablement de penser que ces personnes avaient pu commettre une infraction, ce qui constitue donc des détentions arbitraires« , déplore ce rapport.
Parmi les témoignages recueillis par Amnesty International, il y a celui de Loïc, 27, ans membre de l’association Attac. Il a posé la question de savoir pourquoi il avait été arrêté. « Visage dissimulé », lui-a-t-on répondu. « J’étais stupéfait », a-t-il confié. La réponse est en effet incompréhensible pour le jeune homme alors que le masque est alors obligatoire dans les rues de Paris en raison de la crise sanitaire. Il a passé 24 heures en garde à vue pour voir ensuite son dossier être classé sans suite.
Le manque d’impartialité de Gérald Darmanin pointée du doigt
Amnesty International dénonce par ailleurs l’attitude du ministre de l’Intérieur, quant aux arrestations lors de la manifestation du 12 décembre. Gérald Darmanin a en effet posté notamment « sept tweets ou retweets » pour communiquer et commenter les interpellations, laissant entendre que des « casseurs » ou « black-blocs » étaient en train d’être appréhendés. Et finalement « près de 80 % de ces interpellations » n’ont donné lieu à aucune poursuite.
Force est restée à la loi. Plusieurs centaines de casseurs étaient venus pour commettre des violences. La stratégie de fermeté anti-casseurs – 142 interpellations et encadrement du cortège – a permis de les en empêcher, de protéger les commerçants.
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) December 12, 2020
Ces prises de position au plus haut niveau de la hiérarchie des forces de l’ordre « contreviennent à l’impartialité attendue de l’autorité publique en charge de conduire les enquêtes« .
L’ONG critique « l’inaction des autorités » face à ces alertes répétées. Pour Amnesty International, l’État instaure des « pratiques, susceptibles d’entraver le travail des journalistes et de décourager celles et ceux qui souhaitent exercer leur droit de manifester« , des agissements qui « menacent directement le droit à la liberté d’expression et le droit à l’information« .
Droit international contre droit français
Le principal motif d’interpellation de manifestants a vraisemblablement été le « délit de groupement en vue de la préparation de violences« . C’est un délit, « défini de manière vague » et qui « a déjà été utilisé de manière abusive par les autorités, en portant atteinte aux droits humains, et notamment au droit de manifester« , fustige Amnesty International. Amnesty International France s’inquiète également « des interdictions de paraître, associées à certains rappels à la loi« . Ces mesures « ne peuvent faire l’objet d’aucun recours« , regrette l’organisation.
Le 29 septembre 2020, Amnesty International publiait déjà un rapport intitulé « Arrêtés pour avoir manifesté. La loi comme arme de répression des manifestants pacifiques en France ». Ce rapport « montrait comment en France, depuis fin 2018, des milliers de manifestants pacifiques ont fait l’objet d’arrestations, de poursuites et parfois de condamnations sur la base de lois trop vagues, ou contraires au droit international« .
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