https://youtu.be/w6zGkTOq6qs
Pourquoi le docu «Ceci n’est pas un complot» fait le buzz et crée la polémique? Décryptage…
« Comment les médias racontent le covid », tel est le sous-titre de ce documentaire qui circule sur les réseaux sociaux. Impossible d’y échapper sur le fil info tant chacun y va de sa réaction. Il devait être diffusé au Ramdam Festival de Tournai, mais arrêt covid oblige, son réalisateur, à qui l’on doit le très fracassant « Malaria Business », qui démontait les manœuvres de l’industrie pharmaceutique, l’a balancé sur Vimeo. A ce jour, il a engrangé près de 500 000 vues, une tonne de commentaires sur les réseaux sociaux et des articles dans chaque média. Et pour cause, c’est le traitement médiatique de cette pandémie inédite que ce documentaire décortique, et cela financé par un appel citoyen de crownfunding sur Kiss Kiss Bang Bang.
Qu’est-ce qu’on y voit ?
Des extraits de J.T. et de presse décryptés, des documents de l’OMS, une dizaine d’intervenants : l’épidémiologiste Marius Gilbert, l’ancien recteur de l’université de Liège, Bernard Rentier, l’historienne Anne Morelli (ULB), l’anthropologue Jacinthe Mazzocchetti, le porte-parole interfédéral Yves Van Laethem, l’ancien patron de la Bourse de New York Georges Ugeux, une ancienne consultante de GSK.
Sont passés en revue tous les aspects de cette crise : le poids des experts, le tracing, les mesures de confinement, l’obligation du port du masque, la stratégie de vaccination, l’émergence du complotisme. Y sont dénoncés les conflits d’intérêts des experts, payés par le Big Pharma, notamment Marc Van Ranst de la KULeuven dont les recherches ont reçu un pactole de plus de 700 000 euros de la fondation Bill Gates.
Tous ces éléments alimentent le message essentiel du documentaire, qui peut se résumer en ces termes cités par son auteur : « la fabrique du consentement ». Sa thèse est sans appel : les médias traditionnels ont contribué à nourrir l’anxiété et à renforcer le message des gouvernants, autant dire qu’ils ont fait œuvre de propagande. Comment ? En écartant des plateaux les voix discordantes et en manipulant les chiffres. Une preuve sans apppel ? Bernard Crutzen a interviewé le papa de l’enfant décédé du covid à 3 ans. Les médias en ont fait les gros titres sans nuance, alors que cette enfant souffrait déjà d’une pathologie qui l’aurait menée à la mort.
Pourquoi ce film saisit à ce point ?
Tout d’abord, parce qu’il y a un phénomène d’identification. Le réalisateur se positionne comme un citoyen lambda qui se pose les mêmes questions que n’importe quel téléspectateur et qui cherche les mêmes réponses dans cette période où nous avons été bombardés de messages contradictoires (un jour, le masque n’était pas nécessaire, puis il est devenu, un jour les enfants ne devaient pas être testés, puis ils ont été pointés du doigt comme vecteurs de transmission, et on en passe…).
Ensuite, parce qu’à force de répéter les mêmes informations quotidiennement (l’inventaire des chiffres de contamination, par exemple) et de consacrer l’essentiel des J.T. et des émissions télé au covid, les médias traditionnels ont fini par lasser tant de gens que, pour éviter de sombrer davantage dans la morosité d’avenir sans perspectives qui a cadenassé notre liberté d’action, bon nombre de nos concitoyens ont arrêté de suivre l’actu à travers les médias mainstream et se sont tournés vers les réseaux sociaux et les médias dits alternatifs. C’est là et sur ce terreau que « Ceci n’est pas un complot » a trouvé une assise et une résonance toute trouvée.
Dans cette période où chacun peine à retrouver un cap, où prolifèrent la lassitude de voir restreint notre champ d’action, les incertitudes et la défiance en l’avenir, il est tentant de se dire que si on ne comprend pas les choses, c’est qu’il y a un sens caché à tout cela, une solide raison pour laquelle nous sommes tous manipulés. Et c’est sur cette corde sensible que joue « Ceci n’est pas un complot », d’autant que le terme « complotiste » est utilisé à tire-larigot. On est ainsi étiqueté si on se pose des questions sur les vaccins ou si on ne porte pas le masque. Alors, quand un des intervenants du documentaire, comme Anne Morelli ou une anthropologue, nous dit que le simple fait de manifester notre désaccord ou notre défiance face au discours dominant (et qu’il nous faut douter, douter et encore douter) ne fait pas de nous des fous ou complotistes, on respire et on applaudit des deux mains.
Et c’est là que l’émotion nous piège et endort notre esprit critique par rapport à ce film de 1 h 10, qui appelle justement à réveiller nos consciences.
Pourquoi ce documentaire doit-il être pris avec des pincettes ?
« Ceci n’est pas un complot » appelle justement à analyser ce qui se passe depuis près d’un an avec la froideur de la raison. Il accole à la presse des mots lourds : informations biaisées, parti-pris, non-recoupement des sources. De ces travers, « Ceci n’est pas un complot » n’en est pas exempt. Au fond, tout documentaire est un regard subjectif sur la réalité.
Bernard Cruzten n’a isolé dans les extraits des médias que ceux qui confortaient sa thèse. Sont absents tous les moments de débats où les journalistes ont relayé les contradictions pointées par les citoyens, ont titillé politiques et experts sur les contradictions des mesures en place. « Pourquoi ne voit-on aucun extrait de toutes les émissions de débat contradictoire qui ont été organisées sur cette crise ? Avec des défenseurs des droits humains, avec des représentants de tous les secteurs de la société en souffrance, avec des experts « non-alignés » sur les choix gouvernementaux ? Pourquoi ne voit-on aucun extrait des émissions d’investigations menées sur la gestion politique de cette crise, sur le business des vaccins, sur les marchandages secrets avec les big-pharma ? « , s’est insurgé sur Facebook le journaliste Arnaud Ruyssen, qui présente « CQFD » sur RTBF.
Les voix des intervenants se sont élevées aussi sur les passages retenus de leur témoignage en dénonçant leur côté biaisé. « Dans le film, comme souvent dans les documentaires, je n’en disconviens pas, quelques minutes sont gardées, sorties de leur contexte, en renfort de la trame principale. Si j’avais été informée du sujet véritable du film et/ou si j’avais eu l’occasion de le voir avant sa sortie, j’aurais refusé d’y apparaître. Travaillant sur le complotisme, il m’est d’évidence que la manière dont le film est conçu ne peut qu’alimenter les groupes complotistes, aider à basculer ceux et celles, qui sur le fil, se posent de bonnes questions, mais risquent de trouver réponse du côté de groupes complotistes et/ou extrémistes. Contrairement à la conclusion énoncée, je ne pense pas que ce film participe à ouvrir un débat démocratique nécessaire, mais au contraire qu’il participe à cliver davantage et à alimenter non pas le doute et une pensée critique salutaire, mais la défiance généralisée. », a tenu à réagir l’anthropologue Jacinthe Mazzocchetti (UCLouvain), l’une des expertes sollicitées par Bernard Crutzen.
Il est aussi regrettable de noter que lorsque le documentaire avance une thèse aussi grave que « le covid sera la bonne excuse pour expliquer la faillite économique du système », il nous balance cette bombe sans aller plus loin dans l’analyse, reproche qu’il martèle aux médias.
Le réalisateur se targue aussi de donner la parole aux voix discordantes. Alors, comment ne pas releverle manquement à une des obligations d’une info de qualité qui est celle de tendre le micro à ceux qu’on accuse ? Ainsi « Ceci n’est pas un complot » pointe le conflit d’intérêts qui implique Emmanuel André sans lui donner un droit de réponse. Aussi l’intéressé l’a fait savoir sur un post Twitter : « Me voilà propulsé par la grande loge des « non-complotistes » au rang de général des « complotistes » Je réponds ici plutôt qu’au déferlement de mails agressifs : ce qui est dit à mon propos est factuellement faux, mais le réalisateur n’a pas jugé utile de me poser de questions », s’est fendu Emmanuel André.
Enfin, en visionnant le film jusqu’au générique final, comment ne pas s’étonner d’y voir mentionnée une longue liste d’intervenants interviewés et non-présents dans le film ? Pourquoi leur point de vue n’a pas été retenu si le propos était d’expliquer les tenants et aboutissants du sujet en toute impartialité ?
« Je ne critique pas la démarche journalistique et je trouve même que c’est très intéressant d’alimenter le débat public, mais je m’interroge sur certaines des critiques formulées à l’égard des médias, par exemple. », s’est exprimé Yves Coppieters, coupé au montage (pourquoi ?). « Il est bon de s’interroger sur notre société et ses restrictions, mais ce film pourrait bien avoir un effet contre-productif. »
A chacun donc de se forger son opinion, en gardant avant tout son esprit critique.
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