Inégalités sociales : terme cher aux bourgeois et qui leur permet de s’indigner périodiquement des écarts de richesse en France et dans le monde sans remettre en question leur propre position et responsabilité dans l’affaire, ni celle du système économique capitaliste dont ils bénéficient.
« Les inégalités sociales sont galopantes » « climat, montée des inégalités, développement des populismes : les grands défis du XXIe siècle » « 100 ans de l’OIT: Macron veut lutter contre les inégalités dans le monde »
C’est un lieu commun médiatique, notamment à l’occasion de la sortie du rapport annuel d’Oxfam. Selon l’endroit où l’on naît, on n’a pas les mêmes chances de finir plein de thunes. Les « ultra riches » concentrent une immense partie des richesses nationales. Et les « pays riches » une immense partie des richesses mondiales. Les bourgeois aiment, parce que :
1 – Cela permet d’en rester aux causes superficielles de la mauvaise répartition des richesses. Effectivement, la politique fiscale de Macron a joué un rôle important dans l’affaire, et c’est bien de le dire, mais ce qui crée le creusement des écarts des richesses en France et dans le monde c’est d’abord le fait qu’une classe sociale, la bourgeoisie, ponctionne le travail de tous les autres pour se rémunérer en gros salaires et en dividendes. L’indignation autour des « inégalités sociales » permet d’avoir l’air de gauche sans parler de la lutte des classes. Et ça, les bourgeois adorent.
2 – En se concentrant sur les « ultra riches », on ne parle pas de l’ensemble de la bourgeoisie. L’enrichissement d’un Bernard Arnault est scandaleux et très frappant – ça donne des chiffres impressionnants – mais ce sont les 10% de la société qui s’enrichissent globalement sur le dos des autres. On fait partie des 10% les plus riches quand on gagne, avant impôt, 3700 net pour une personne seule. A ce niveau de revenu on trouve des cadres, des fonctions dirigeantes dans le public, des ministres, des députés, des patrons… En se focalisant sur les « 0.01% », tout ce beau monde se retire de l’équation et se raconte qu’après tout, comparé à Bernard Arnault, ils ne gagnent pas tant que ça. Ils se disent d’ailleurs tous « classe moyenne », ce qui permet d’emblée de les exclure du scandale des inégalités sociales.
3 – Ces chiffres interrogent souvent davantage l’inégalité des chances que le principe même de revenus différents. « Quand on est arrivé dans le bon utérus, on peut naître avec des milliards » nous dit par exemple la présidente d’Oxfam, Cécile Duflot. Est-ce que le problème n’est pas plutôt qu’on puisse avoir des milliards ? Les macronistes aiment parler quant à eux « d’inégalités de destin » ; « La vraie injustice, ce n’est pas que l’un gagne plus que l’autre mais qu’on n’ait pas la même chance de réussite dans des familles ou des lieux différents » raconte par exemple Emmanuel Macron. Il faudrait donc tout faire pour que chacun ait une chance de devenir PDG milliardaire ou SDF, selon ses envies et ses ambitions, et bien entendu son « mérite » : « Le vrai sujet pour réduire ces inégalités, c’est l’école et c’est le travail », soutient le cher homme. Comme si l’école et le travail pouvait être autre chose que ce qui fait tenir la hiérarchie sociale telle qu’elle est.
4 – Rapportée au niveau mondial, le thème des inégalités permet de montrer que les classes laborieuses françaises ont bien tort de râler : elles sont nettement plus riches et leur pays concentre bien plus de richesses que la plupart des Etats du monde. Ainsi, la France devient un « pays riche », et notre ouvrier Smicard est un prince pour nombre d’ouvriers du globe. Cette comparaison absurde fait l’impasse sur le coût de la vie dans chaque pays et la responsabilité des classes sociales : c’est la bourgeoisie française qui a été le moteur de la colonisation ayant conduit à l’asservissement politique puis « seulement » économique, de nos jours. En opposant les pays et non les classes, le thème des inégalités mondiales ne dit rien des rapports de force qui se jouent sur notre planète.
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