La priorité des priorités pour Frédérique Vidal, ce n’est donc pas la précarité des étudiants qui confine parfois à la détresse, ni le malaise des profs ni le manque criant de moyens à l’université. La priorité des priorités c’est « l’islamo-gauchisme » qui gangrènerait les temples du savoir et menacerait les piliers de la nation. À l’automne dernier, après l’abominable assassinat de Samuel Paty, Jean-Michel Blanquer était déjà parti en croisade contre ce « mouvement de fond », sur l’air de « vous voyez bien où tout ça nous mène ». Avant lui, en 2016, Luc Ferry avait parlé des « collabos » et des « Munichois » islamo-gauchistes, ce qui donne une idée assez précise de ce dont on parle.
Frappée de surdi-mutité depuis que l’épidémie de Covid a vidé les amphis, la ministre de l’Enseignement supérieur ET de la recherche, va plus loin. Elle entend diligenter une enquête afin de traquer les éléments déviants, cette « cinquième colonne » de chercheurs traîtres à la République. Succès assuré auprès d’une partie de l’opinion chauffée à blanc par l’hystérisation du débat. Raclements de gorge en revanche du côté du CNRS qu’elle veut charger de cette mission de flicage, où on avoue ne pas bien savoir ce qu’est scientifiquement l’islamo-gauchisme et partant de là ce qu’il faudrait chercher.
Peu importe en fait la suite de cette procédure morte née puisqu’on ne verra évidemment pas la queue d’une enquête. S’il y a effectivement bien matière à débats et à réflexion sur ce sujet de fond – et débats et réflexion il y a –, il n’y a pas la place en revanche pour une police de la pensée, surtout si elle est politique. Les trois ne vont pas bien ensemble dans une démocratie.
Mais l’essentiel est ailleurs. Avec cette saillie, la ministre Vidal vient d’investir de façon tonitruante le champ culturel. Pour y ouvrir un nouveau front idéologique. Et elle le fait en radicalisant encore les positions, dans le sillage de son collègue de l’Intérieur Darmanin dont l’offensive médiatique n’aura échappé à personne. Comme si la confrontation des idées était devenue impossible dans notre pays. Comme s’il ne nous restait plus comme perspective que la confrontation.
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