Vive la Commune ! En ce 150° anniversaire de la naissance de la Commune de Paris, nous donnons connaissance du discours prononcé ce matin, devant une centaine de personnes réunies, par Sylvain Bourdier, maire de Commentry dans l’Allier (qui fut la première municipalité socialiste du monde en 1882).discours du maire commune de Paris – Commentry aplutsoc2 | 18 mars 2021
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150e Anniversaire de la Commune de Paris
Discours du Maire, Sylvain Bourdier
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis, Chers Camarades,
Je vous remercie de votre présence ce matin, malgré les conditions météorologiques peu favorables.
Il était important, pour la municipalité, d’organiser officiellement ce rassemblement en ce 18 mars.
Important pour nous, car important pour vous.
Important pour les nombreux commentryens qui, fidèles à l’histoire de notre Ville, à celles et ceux qui sont passés avant nous, étaient devenus orphelins, s’étaient vus privés de leur héritage et de leur mémoire collective.
Ce rassemblement, la Ville de Commentry leur devait, vous le devait. Car la Commune de Paris est notre patrimoine commun.
Aujourd’hui, nous renouons le fil de notre histoire.
Avec l’histoire de nos ainés qui un jour, ont refusé de subir et de se soumettre, à Paris comme dans la Cité des Forgerons et dans le monde entier.
Permettez-moi de commencer en parlant d’un emblème, d’une couleur, qui vient de notre passé et qui reste une promesse pour l’avenir.
Ce fut sur les barricades de la Révolution de Février 1848 puis de la Commune, que le drapeau rouge devint un symbole républicain, de progrès social et de démocratie.
L’universalisme de ce drapeau va pourtant avec son rejet constant de la part de ceux qui, cumulant les pouvoirs et les privilèges indus, l’ont interdit ou condamné.
Ne le cachons pas, le drapeau rouge est conflictuel :
lorsque ceux qui n’ont rien le brandissent face à ceux qui ont tout.
Mais c’est aussi pour cela qu’il est, à Commentry plus encore qu’ailleurs, un symbole de rassemblement, d’unité et d’appartenance collective.
Les conscrits de Commentry avaient coutume de défiler derrière des drapeaux rouges, mais par Arrêté du 27 décembre 1890, le Préfet de l’Allier interdisait l’usage d’autres emblèmes que le drapeau tricolore.
Les années suivantes, les jeunes arboraient tantôt un immense parapluie rouge, tantôt l’emblème tricolore avec inscrit « Vive la Révolution Sociale » sur le blanc, ou bien des rubans et des écharpes rouges…
La police multiplia les procès-verbaux pour tenter de mettre fin à cette pratique.
En 1891, le jour du 1er mai, les forces de l’ordre avaient saisi les oriflammes rouges et verts plantés sur des mats, et le Maire de Commentry avait alors été condamné à des amendes.
L’année suivante, le Maire se refusa à supprimer les couleurs rouges mais y associa le tricolore.
Les excès de répression des pratiques et des mesures municipales de Commentry n’eurent pour seule conséquence que la réélection de Christophe Thivrier aux législatives.
Juste après les élections de 1912 encore, le drapeau tricolore était remplacé par le drapeau rouge au fronton de l’Hôtel de Ville.
Et ce n’est pas pour rien que le blason de Commentry a le rouge pour couleur, agrémenté du pic et du marteau, de l’enclume et de la lampe de mineur.
Cette bannière fait partie de Commentry, mais c’est un symbole national et universel. N’était-ce pas le drapeau rouge qui flottait en masse, aux obsèques du grand Emile Zola ?
N’était-ce pas ce drapeau aussi, qui était présent lors de l’inauguration de la statue de la République, place de la Nation à Paris ?
Permettez-moi de reprendre les propos de Georges Rougeron, pour dire combien cet emblème nous engage.
Georges Rougeron disait : « Nous aimons à penser, lorsque, le 18 mars et le 1er mai, le drapeau rouge flotte sur notre Hôtel de ville, que ce n’est pas seulement une tradition qui se poursuit mais un engagement qui se renouvelle afin que nos anciens n’aient pas honte de nous ».
Parce qu’il est notre bien commun, le drapeau rouge va flotter de nouveau sur l’Hôtel de Ville, comme ce fut le cas depuis 1892, aux côtés du drapeau tricolore qui pour nous, reste celui de la glorieuse Révolution Française.
Voici 150 ans, dans la nuit du 17 au 18 mars 1871, Adolphe Thiers et son gouvernement monarchiste envoient la troupe reprendre aux gardes nationaux leurs armes et leurs canons, avec la volonté de faire régner l’ordre social et la paix impériale signée avec la Prusse.
Comme tous grands soulèvements populaires, la Commune était un mouvement défensif de protection du peuple : les quartiers ouvriers et artisanaux de Paris et leurs gardes nationaux protégeaient ou reprenaient leur armement, considérant qu’avec le suffrage universel et l’instruction publique pour toutes et tous, l’armement populaire était la garde de la liberté, la garantie de la République.
S’ensuivirent, jusqu’au 21 mai, 71 jours de créativité sociale et démocratique, d’innovation culturelle et humaine.
Montant à l’assaut du Ciel, les Communards montraient la possibilité de la démocratie, de l’égalité de chacun dans l’exercice du pouvoir ;
la possibilité de la République, ordre légal de la démocratie ; et la possibilité de l’État aux mains du peuple, sans l’armature autoritaire du bonapartisme dont la Ve République reste aujourd’hui marquée ; avec des élus souverains et par là responsables et révocables, payés au salaire d’un ouvrier.
Enseignement laïque, fournitures scolaires gratuites, remises de loyers, suppression du travail de nuit, création d’orphelinats et de pensions pour les blessés, les veuves et les orphelins, coopératives ouvrières, revendication des droits des femmes, garantie de la liberté de la presse, accès à la culture… Voici ce que fut la Commune.
Elle montrait comme une promesse au monde, la possibilité d’un régime de justice et de fraternité, à la fois réalisation concrète des combats du passé révolutionnaire et patriotique, et anticipation des combats à venir.
D’aucuns invoquent des violences de la Commune sans avouer que ces violences lui ont été imposées, conséquence de l’oppression et des malheurs accumulés.
Mais que dire des violences de répression Versaillaise ?
La mémoire populaire a retenu la « semaine sanglante ». Cette dernière semaine de mai et les jours qui suivirent, le plus grand massacre européen du 19° siècle fut accompli.
Les historiens discutent de milliers ou de dizaines de milliers de morts.
Ce qui est certain, c’est que seule la violence des Versaillais anticipait les charniers du 20° siècle et la barbarie moderne.
La Commune promettait une véritable auto-administration des collectivités locales dans l’égalité de toutes et de tous devant la loi, devant l’impôt, dans l’accès aux services publics et le respect de la liberté de conscience par la laïcité.
Elle promettait une République de citoyennes et de citoyens libres et égaux c’est à dire une République de travailleurs souverains, administrant démocratiquement les grands moyens de production et d’échange nécessaires et utiles de la société.
Nous faisons notre cette mémoire.
Cette question n’est-elle pas d’actualité aujourd’hui ? N’est-il pas actuel de parler de production et de distribution en masse des vaccins nécessaires, sous contrôle démocratique et scientifique, sans brevets, sans mises en concurrence entre États et trusts pharmaceutiques ?
A Commentry, la mémoire de la Commune se prolonge en 1882, après que le Communard Edouard Vaillant ait apporté son soutien à Christophe Thivrier. L’élection de Christou fut le début d’une longue revanche démocratique.
C’est ce même Thivrier, député en blouse, qui faisait signe à cet héritage en criant « Vive la Commune » à l’assemblée, en 1894, ce qui lui valut, refusant de retirer ses propos, d’être censuré et exclu de force de la Chambre.
La Commune appartient à tous.
Elle appartient à toutes celles et à tous ceux qui, dans le monde entier, luttent pour la dignité et la démocratie : de Tunis à Alep en passant par Le Caire, de l’Amérique latine à Hong-Kong et Minsk, et aujourd’hui même, les paysans indiens ou la résistance des peuples Birmans.
La Commune appartient à toutes et à tous, et son drapeau n’en exclut aucun autre sauf celui de la haine.
Nous commémorons la Commune comme la promesse de la démocratie réelle, ce qui ne devrait susciter la réprobation d’aucun citoyen, quelque soit ses convictions.
Nous faisons notre tout de cet héritage, avec la volonté d’en poursuivre modestement l’oeuvre à notre niveau.
Honneur aux Communards et à leurs successeurs, Vive la République démocratique, laïque et sociale, Vive la liberté, l’égalité et la fraternité,
Vive la Commune !
Chers amis, la démocratie, c’est la libre expression, si quelqu’un souhaite prendre la parole, n’hésitez pas.
Par la suite, ce qui le souhaitent pourront se rendre Place de la Liberté, au début de la rue de la Commune de Paris où nous déposerons une gerbe. Je vous remercie.
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