A l’infrapôle SNCF de Paris Nord, une nouvelle génération qui relève la tête

[ad_1] 2021-03-22  Revolution Permanente

Photo : Les agents de l’infrapôle Paris nord en lutte lors de leur rassemblement de soutien devant le siège de l’infrapôle le 2 mars. Au premier plan Younes et Guillaume / LouizArt

Depuis le 18 janvier, les travailleurs de l’infrapôle Paris nord sont en lutte pour le respect et la dignité. Ils sont chargés de la maintenance des voies ferrées du réseau RER qui dessert Paris et la banlieue nord, et du réseau TGV sur l’axe Nord. La sécurité de plusieurs centaines de milliers d’usagers qui prennent quotidiennement les transiliens dépend de leur travail. Leurs conditions de travail sont particulièrement rudes et difficiles. Ils bossent de nuit, dans le froid, sous la pluie ou la neige, dans les tunnels et font face à la saleté et à l’insalubrité.

Younes, 25 ans, est originaire de Guyancourt dans les Yvelines (78). Il travaille à la brigade de l’infrapôle Paris nord depuis juin 2017, après de nombreuses expérience dans le monde du travail qu’il a intégré dès ses 18 ans. « Des métiers j’en ai fait » raconte-t-il. « J’ai d’abord bossé en intérim dans le ferroviaire privé, dans une entreprise qui fait de la rénovation de voies et des gros œuvres dans le ferroviaire. Un jour j’en ai eu marre, car les conditions de travail dans le privé c’est de la merde, on te considère comme du bétail »

Ce jeune travailleur des Yvelines est conscient que son travail est essentiel, que sans lui et ses collègues il n’y a pas de trains, pas de RER qui roule correctement. « Notre travail permet d’assurer la sécurité des voyageurs. Sans nous les trains ne peuvent pas rouler. On se souvient d’accidents comme Brétigny-sur-Orge où la maintenance avait pas été assurée. Notre métier est très important mais très méconnu » rappelle-t-il.

Même conscience du côté de Guillaume, 26 ans, originaire de Picardie qui est entré à la SNCF en novembre 2018. « On est les premiers maillons de la chaîne, c’est un travail physique et dur, on travaille avec les rats dans les tunnels ».

Alors qu’ils continuent de travailler tout le long de la crise sanitaire, leur direction leur avait promis une prime qui n’est jamais arrivée. Face au manque de reconnaissance de leur direction et face à des conditions de travail dégradées, ils sont partis en grève. « Un jour on s’est assis autour d’une table, et on s’est dit faut bouger y en a marre de travailler dans de telles conditions, de travailler dans la merde. Il y en a marre de travailler avec des matériaux défectueux, nous on a quedal alors qu’on est dans la première gare d’Europe » explique Younes.


Younes présent le 2 mars devant l'infrapôle / LouizArt

Younes présent le 2 mars devant l’infrapôle / LouizArt

Pour cette nouvelle génération ouvrière, une première grève synonyme de fierté

Pour ces jeunes de la SNCF, qui ont moins de cinq ans d’expérience dans le secteur du rail, cette bataille pour leurs conditions de travail et la reconnaissance de leur métier constitue leur première grève. Certes ils avaient participé à la grève nationale contre la réforme des retraites, mais cette grève est la première dont ils se retrouvent être les vrais protagonistes, où ils décident démocratiquement de chaque pas à suivre, tous ensemble. Cette fois-ci, ils sont devenus des véritables militants de la grève. Avant cette grève, pratiquement aucun membre de la brigade n’était syndiqué. A la suite de la rencontre avec Anasse Kazib, militant ouvrier et représentant Sud Rail à Paris Nord, la majorité de la brigade s’est syndiquée. « Maintenant on est 14 sur les 16 de la brigade banlieue à être syndiqué et à faire grève. Moi personnellement j’ai fait grève qu’une fois pendant le mouvement contre la réforme des retraites en soutien aux conducteurs  » raconte Younes.

Depuis le début de la grève, le moral des grévistes ne faiblit pas, bien au contraire. Les grévistes ont remporté une première victoire face à leur direction qui avait tenté de casser la grève. La SNCF avait fait passer les grévistes en horaire de jour, alors que leur travail s’effectue de nuit lorsque les trains sont à l’arrêt, pour qu’une entreprise sous-traitante reprenne les chantiers à leur place. Les grévistes et leur syndicat ont alors attaqué la direction en justice pour entrave au droit de grève et ont obtenu gain de cause. Ce qui représente une victoire importante pour les grévistes et qui montre que le rapport de forces qu’ils ont commencé à construire porte ses fruits. Une première pour Younes : « j’ai jamais fait de grève comme ça, j’ai jamais attaqué une direction d’entreprise au tribunal, je savais pas ce que c’était. Et voir qu’on a gagné, on se dit que c’est magnifique de relever la tête comme ça ».

Guillaume abonde dans le même sens, « quand je vois que tout le monde dans la brigade est dans cet état d’esprit je me sens vraiment fier de faire partie de cette brigade, d’être entouré de gars qui se laissent pas faire »

Face à la direction, une solidarité et une unité sans faille des grévistes

Guillaume qui travaille à la SNCF depuis 2018, rappelle qu’un des ingrédients qui a permis de faire face à la direction sans flancher durant ces deux longs mois de grève, c’est la solidarité et l’unité des grévistes qui existait déjà avant la grève et que cette dernière n’a fait que renforcer. « Mes collègues, c’est ma famille, je les considère tous comme des frères. On est une brigade de jeunes très soudée mais la grève nous a encore plus soudé, ça nous a renforcé dans notre lutte ».


Guillaume le 2 mars devant l'infrapôle Paris nord / LouizArt

Guillaume le 2 mars devant l’infrapôle Paris nord / LouizArt

Il poursuit en nous expliquant que cette unité permet de tenir et de résister aux pressions d’une direction revancharde, qui après avoir subi une reculade au tribunal cherche à faire payer les grévistes en menaçant 9 agents de licenciements et de procédures disciplinaires : « quand t’arrives devant un patron en montrant qu’on est soudé ça le met tout de suite au parfum. C’est pour ça que de notre côté ils n’ont jamais réussi à nous faire plier. La direction sait très bien qu’en s’attaquant à une personne tout le monde va suivre. Si tu t’attaques à un collègue, c’est comme si tu t’attaquais à moi ».

Conscient de cette force, il confirme « notre grève est fondée sur la solidarité de notre brigade qui est notre première force. Sans ça rien n’aurait été possible ».

Une combativité exemplaire dans une période où les attaques contre la classe ouvrière se multiplient

La grève a aussi été l’occasion pour Younes, Guillaume et leurs collègues d’éprouver la solidarité ouvrière. Les grévistes de l’infrapôle étaient présents le 4 février dernier à l’appel de l’intersyndicale pour manifester contre les licenciements et les suppressions de postes qui se sont multipliés depuis mars 2020 et le début de la crise sanitaire. Ils ont marché aux côtés d’autres secteurs en lutte contre la casse sociale, comme les raffineurs de Grandpuits et les travailleurs de Sanofi.

Une expérience qui a d’ailleurs profondément marqué Younes qui manifestait pour la première fois aux côtés d’autres travailleurs. Il nous explique : « c’était ma première manif c’était incroyable. Les gens donnaient à notre caisse de grève, venaient nous donner du soutien. Ça faisait chaud au cœur de voir d’autres travailleurs qui relèvent la tête et qui se battent. Ça nous a donné de la force de voir qu’on n’était pas seul. J’oublierais jamais ça ».

Depuis leur réintégration à leurs horaires de nuit, les agents de la brigade banlieue ont repris la grève. Chaque nuit pendant 59 minutes, ce qui permet de bloquer le chantier et d’occasionner des pertes considérables pour la SNCF. Comme l’indique Younes, les grévistes comptent bien continuer de construire un rapport de force face à leur direction pour que leur grève soit victorieuse : « Maintenant la grève elle continue, tant qu’on aura pas obtenu ce qu’on veut on ne va pas lâcher ».

Juste avant de terminer notre entretien, Guillaume a quant à lui rappelé l’importance de se lier à d’autres secteurs de travailleurs pour faire face aux attaques des patrons : « Quand on voit qu’on peut s’allier à d’autres travailleurs c’est là qu’on se dit qu’on peut faire bouger les choses et élargir le rapport de forces. On voit aussi que peu importe l’étiquette syndicale, on partage tous le même combat et on veut tous la même chose : la victoire à la fin »

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