Le président américain s’est dit hier soir favorable à la levée des brevets sur les vaccins anti-Covid. Sa déclaration altruiste fait la Une du monde entier … mais elle intervient alors que les Etats-Unis n’ont jusqu’à maintenant exporté quasiment vaccin.
C’est un tournant par rapport à l’administration Trump et c’est un tournant par rapport à la position défendue jusqu’ici par les pays développés – au passage, rappelons que la France n’est pas concernée puisqu’elle n’a pas de brevet.
Mais la question est de savoir si cela va être un tournant dans la lutte contre le virus à court terme
La réponse est non : à court terme, cette prise de position est politique. Il n’y a jamais eu de doute que les recettes de cuisine de la fabrication des vaccins tomberont un jour dans le domaine public (comme pour les antiviraux contre le Sida), mais cela ne change rien sur le plus urgent, qui est d’avoir aujourd’hui le maximum de production : car il faut de très longs mois pour créer des chaînes de fabrication et de vérification de la qualité.
Joe Biden fait très fort : sa déclaration altruiste fait la Une du monde entier … mais elle intervient alors que les Etats-Unis ont presque fini leur propre vaccination et alors qu’ils n’ont pour l’instant quasiment exporté aucune dose de vaccin, tandis que l’Europe, l’Inde, la Chine l’ont largement fait.
Sur le fond, Katherine Tai, la négociatrice américaine à l’OMC, a reconnu cette nuit que les discussions, à Genève, vont prendre du temps : il faudra un consensus.
Sur le fond toujours, l’Indonésie, l’Inde, le Pakistan, l’Egypte, le Maroc et l’Afrique du Sud affirment pouvoir fabriquer le vaccin si on leur donne le brevet.
Mais plus de 200 accords de licence ont déjà été conclus entre les industriels comme Pfizer et AstraZeneca et des sous-traitants, et les matières premières sont déjà largement sous tension.
Bref, la déclaration de Joe Biden est déterminante mais c’est un processus qui n’aura pas d’effet avant au moins 2022.
Donc, concrètement ?
Concrètement, l’objectif est de monter à une capacité de production de 15 milliards de doses par an. Mais concrètement, Moderna à déjà ouvert la formule de son vaccin, sans que personne ne se soit précipité pour l’utiliser.
Concrètement, le sujet n’est pas de sauver ou de supprimer les bénéfices de Pfizer, Moderna Johnson & Johnson et BioNTech : on s’en moque et dans cette pandémie aucun chercheur ne travaille sur les vaccins pour son bonus annuel. Mais il faut, ces chercheurs, qu’ils aient les moyens de mettre au point les nouveaux vaccins résistant aux nouveaux variants.
Au total, la levée des brevets est un concept déterminant et éthiquement bienvenu mais il ne veut presque rien dire s’il n’y a pas des transferts de technologies -avec un partenariat actif et coopératif de laboratoires existants.
Sinon, cela restera de la démagogie.
Dominique Seux Directeur délégué de la rédaction des Echos et éditorialiste à France Inter
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