Quelques éléments d’analyse sur la mobilisation naissante

[ad_1] 2021-07-18 23:23:08 Revolution Permanente

Dans la continuité des manifestations spontanées de ce mercredi 14 juillet, une nouvelle journée de mobilisation contre le passe sanitaire et l’obligation vaccinale a réuni ce samedi, selon le ministère de l’intérieur près de 114 000 manifestants dans plus de 136 rassemblements dans toute la France. On a ainsi pu compter 18 000 manifestants à Paris, 4000 manifestants à Toulouse, plus de 2000 à Chambéry, Besançon, Metz, Mulhouse, Valence ou Avignon, 1000 à Lyon et Saint-Etienne, et plusieurs centaines dans de nombreuses villes de France. Des chiffres qui, venant souvent de l’État, sont probablement sous-estimés.

Pass sanitaire, vaccination obligatoire : déclencheur d’une colère plus large contre l’autoritarisme sanitaire de Macron

Cette journée de mobilisation qui réuni plus de 100 000 personnes a d’abord le mérite de clore un débat. Si Macron et son gouvernement ont cherché à présenter derrière la contestation naissante la seule agitation de militants « anti-vaxx », le caractère large de la mobilisation en plein été montre que la colère accumulée contre la politique sanitaire du gouvernement est bien plus profonde.

Depuis lundi, cette colère s’est cristallisée particulièrement contre le passe sanitaire. Cette mesure a pour objectif assumé de faire porter le « poids des restrictions sur les non-vaccinés » aboutissant à un tri de la population sur le critère de disposer d’un passe sanitaire, à savoir être vacciné ou être testé négatif. Dans les faits, cette mesure a sonné comme le reconfinement d’une partie de la population en imposant de fait la fermeture des bars, des restaurants, de la culture, et même de certains transports aux personnes non vaccinées.

Si cette mesure, combinée à la vaccination obligatoire des soignants, a eu l’effet d’un choc, la colère vient cependant de loin. Elle est l’expression d’une exaspération accumulée contre l’autoritarisme sanitaire autoritaire de Macron : sur fond d’une stratégie de « stop and go » alternant confinement et couvre-feu répressifs, et restrictions de libertés depuis plus d’un an, le tout sans grands résultats. Le discrédit de Macron sur le plan sanitaire est ainsi monté crescendo, alimentant la défiance. En parallèle, les mensonges sur les masques, les ratés sur les tests, les tergiversations sur la vaccination ont érodé de manière croissante la confiance en la parole publique et scientifique déjà très fragile ces dernières années.

Mobilisation du 17 juillet : quelle composition ?

S’il est difficile de brosser un profil général de ces manifestations, tant les disparités sont importantes en fonction des villes, l’élément commun est l’importante proportion de personnes ayant manifestées pour la première fois. Hormis Paris, les manifestations étaient spontanées, souvent sans organisateur déclarée, et largement organisées sur les réseaux sociaux. Partout en France les mêmes slogans et mots d’ordre cependant : « non au passe sanitaire », « liberté », dénonciation de la « dictature sanitaire », mais aussi « Macron démission ».

Les témoignages et la presse locale permet de préciser un peu le profil de ces nouveaux manifestants. Une partie d’entre eux semble appartenir à la petit-bourgeoisie, avec notamment des petits patrons, commerçants ou restaurateurs. Une autre partie est plutôt composée de secteurs du monde du travail, notamment des métiers, souvent féminisés, touchés plus ou moins directement par la vaccination obligatoire, notamment dans le secteur hospitalier (aides-soignantes, infirmières à l’hôpital ou dans le médico-social) mais aussi l’éducation et la petite enfance (profs, assistantes maternelles). Dans certaines villes comme à Besançon, où les questions sociales ont été mises au-devant, la composition était plus prolétaire d’après Radio Bip : « salariés, chômeurs et autres précaires, familles et retraités, forment le gros des contingents. »

Divers secteurs de Gilets jaunes constituaient l’autre secteur important mobilisé, notamment à Paris, Toulouse, avec la remobilisation de nombreux Gilets jaunes suite aux manifestations du 14 juillet. Les militants organisés de gauche et d’extrême-gauche étaient en revanche largement absents, de même que le mouvement ouvrier.

Finalement, dans différentes villes, on a pu noter la présence de militants d’extrême-droite : militants fascistes locaux, royalistes, militants anti-vaccins, Qanon et autres complotistes. Ces derniers, tels que Réinfo Covid, ont parfois organisé directement les mobilisations comme ça a été le cas à Cahors, Troyes ou Mont-de-Marsan. Mais c’est surtout à Paris que l’extrême-droite a réussi son coup, avec un « défilé historique » appelé notamment par Florian Philippot et Nicolas Dupont-Aignan qui a largement hégémonisé la mobilisation dans la capitale.

Une mobilisation aux revendications flous : ne pas essentialiser mais disputer les consciences

Si l’extrême-droite a pu intervenir et appeler à la mobilisation, la teinte générale des revendications est marquée par un caractère confus, expression d’une politisation initiale. Une politisation produite et marquée par le discrédit de la parole publique, qui ouvre un important espace aux doutes, parfois légitimes, quant à la vaccination. Mais ce qu’a montré le mouvement des Gilets jaunes, c’est qu’au cours de tels processus de politisation accélérés, l’intervention des militants et du mouvement ouvrier peut jouer un rôle clé pour amener les revendications sur un terrain progressiste.

De ce point de vue, la mobilisation du 17 juillet a été une leçon, notamment à Paris. Si, d’un côté, Florian Philippot, Nicolas Dupont Aignan, et autres personnalités covidosceptique ont cherché à canaliser la colère sur le terrain de l’extrême-droite et des idées racistes, et confusionnistes, de l’autre, des secteurs des Gilets jaunes, dont Jérôme Rodrigues, ont joué un rôle progressiste, en appelant à une manifestation indépendante. Une manifestation qui a joué un rôle de pôle alternatif à l’appel de l’extrême-droite, drainant ainsi un certain nombre de manifestants.

De ce point de vue, le discours de Jérôme Rodrigues, qui a dénoncé avec force le rassemblement appelé par un « raciste », « petit-fils spirituel de Jean-Marie Le Pen », et la récupération de la colère est salutaire. De plus, la figure des Gilet jaunes a cherché à faire le lien avec des revendication sociale et écologique avec des mots d’ordre « Vacciné ou pas vacciné, on crève de faim », « Vacciné ou pas vacciné, on va tous crever grâce à l’écologie », « Vacciné ou pas vacciné pour récupérer cette liberté, on met Macron dehors toute sa clique et le gouvernement pour revivre ».

Un air de Gilets jaunes ? Une composition plus hétérogène, globalement moins populaire, et une dynamique moins large

La question de la comparaison avec le mouvement des Gilets jaunes ne manque pas de surgir depuis hier. Certains éléments évoquent en effet ce mouvement. Premièrement, du fait du caractère interclassiste de ces mobilisations avec une importante présence de franges petites-bourgeoises et ouvrières, primo-manifestantes, qui se sont mobilisées face à Macron dans le cadre d’un processus de politisation initial. Deuxièmement, le caractère spontané des manifestations largement organisée sur les réseaux sociaux, sans parcours précis, ni mot d’ordre et organisation claire. Le caractère globalement pacifique des manifestations rappelle aussi les illusions sur la non-violence qui animaient les toutes premières manifestations de Gilets jaunes. Enfin, les manifestations ont exprimé un fort contenu anti-Macron, cristallisant la colère avec le retour du « Macron démission ».

Pour autant, le mouvement compte également des différences importantes. D’abord, ces mobilisations semblent avoir un caractère moins populaire, aspect relevé par de nombreux témoins. Ensuite, contrairement aux Gilets jaunes, le mouvement ne s’inscrit pas directement sur le terrain des « questions sociales », qui avaient conféré au mouvement des Gilets jaunes une portée au-delà de leur propre secteur social, expliquant le large soutien dont il bénéficiait dans la population. A l’inverse, si l’opposition aux traits autoritaires de Macron qui était portée le 17 juillet dans les rues est un enjeu central, elle l’est au travers d’un prisme individualiste, celui de la « liberté », qui peut facilement se consolider sur un terrain réactionnaire. L’attaque contre un centre de vaccination en Isère en constitue une expression. Cette opposition va par ailleurs parfois de pair avec des comparaisons totalement erronées voire antisémites (comparaison avec la Shoah, évocation de l’étoile jaune), et a pu être récupérée à Paris par des politiciens d’extrême-droite derrière lesquels les Gilets jaunes de novembre 2018 auraient probablement hésité à défiler.

Pour autant, il serait tout autant erroné qu’en 2018 d’assimiler les composantes les plus réactionnaires du mouvement à l’ensemble des manifestants. Après avoir réuni plus de cent mille personnes un 17 juillet, ce processus de mobilisation pourrait constituer les prémices d’un mouvement non réactionnaire contre le gouvernement. C’est donc un devoir des organisations du mouvement ouvrier et des révolutionnaires que de faire tout ce qui est à leur portée pour développer et donner une perspective de classe à la politisation en cours, en proposant leurs revendications et leurs méthodes de lutte.

Ne pas laisser les consciences à l’extrême-droite : une responsabilité du mouvement ouvrier !

Ce samedi 17 juillet les directions du mouvement ouvrier organisé étaient aux abonnés absents. Hormis, les déclarations de Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, contre le passe sanitaire et l’obligation vaccinale, et les déclarations d’organisations telles que la Fédération SUD Santé Sociaux ou Force Ouvrière – FSPS, les directions syndicales ont choisi de s’abstenir de prendre part aux mobilisations.

Il est pourtant crucial que les directions du mouvement ouvrier, notamment la direction de la CGT, tirent le bilan de la politique de division catastrophique qu’elles avaient menées lors des Gilets jaunes, cautionnant l’offensive répressive du gouvernement avec le communiqué de la honte le 1er décembre et s’abstenant d’intervenir tout au long des mois de novembre et décembre. A l’inverse, il est indispensable que le mouvement ouvrier développe une politique hégémonique vis-à-vis de cette mobilisation du 17 juillet, à laquelle participent des secteurs du monde du travail, en ne se contentant pas de dénoncer l’autoritarisme sanitaire de Macron, mais en proposant un plan de bataille sérieux en dialogue avec la politisation croissante de secteurs qui se mobilisent actuellement.

Dans le même temps, les directions du mouvement ouvrier ont la responsabilité d’opposer une stratégie alternative à Macron sur le terrain sanitaire. Si Philippe Martinez affirme qu’il s’agit de « convaincre plutôt que contraindre », les directions syndicales ont en effet pour l’instant mené très peu de travail pour chercher à convaincre de la généralisation de la vaccination sur les lieux de travail. Une telle bataille pour organiser la colère tout en défendant la vaccination constitue la tâche du moment. Le mouvement ouvrier doit intervenir sur la base d’un programme contre l’autoritarisme sanitaire et les attaques sociales passées et en préparation, pour se lier aux primo-manifestants, sans aucune concession sur la question sanitaire.

Une intervention qui serait fondamentale pour batailler les consciences face à l’extrême-droite qui cherche à hégémoniser, avec un certain succès à Paris ; la colère sur le terrain raciste et sécuritaire. En ce sens, la politique menée par la CGT à Orléans va dans le bon sens puisqu’elle a appelée à une contre-manifestation alors que l’extrême droite appelait à une manifestation. Loin d’être cadenassée par l’extrême-droite, il est tout à fait possible que le mouvement ouvrier organisé prenne toute sa place, avec son programme et ses méthodes, dans la mobilisation naissante actuelle.

Ne pas se diluer : convaincre de la vaccination une nécessité première et vitale !

Si, en s’opposant à l’autoritarisme sanitaire, la mobilisation exprime une perspective progressiste, on ne peut occulter le fait que la majeure partie des personnes mobilisées nourrissent, de manière plus ou moins consolidée, souvent par hésitation, manque d’information et rejet en bloc de la politique de Macron, un rejet du vaccin. Or, pour commencer à briser les dynamiques épidémiques, quand bien même l’émergence d’autres variants résistants à l’échelle internationale reste possible, il est nécessaire d’atteindre un nombre très important de personnes vaccinées : au moins 90% de la population. Tout comme les gestes barrières et le port du masque, se vacciner ne permet pas seulement de se protéger soi-même mais aussi de protéger les autres, comme le montre notamment l’Institut Pasteur qui affirme que « le risque de transmission à partir d’un individu non vacciné est 12,1 fois supérieur à celui d’un individu vacciné ».

Le rejet du vaccin ne peut cependant aucunement être résolu par la contrainte, en acceptant d’ouvrir des brèches liberticides immenses à l’État et au patronat, et en exposant des secteurs du monde du travail à des sanctions sans précédent. En revanche, convaincre de la généralisation vaccination reste une nécessité absolue pour éviter des centaines de milliers de morts supplémentaires et en finir avec l’épidémie à l’échelle internationale. De ce point de vue, l’expérience accumulée à l’échelle internationale par la vaccination massive offre des données précieuses, dont témoigne les chiffres publiés par le NHS anglais qui montrent que la vaccination permet d’éviter plus de 55% des contaminations, 90% des hospitalisations et 98% des décès.

Résoudre le fossé qui s’est constitué entre une partie de la population et le vaccin, déconstruire la défiance envers les vaccins, est une nécessité pour toute intervention dans la mobilisation au risque de s’y diluer. Il est de la responsabilité du mouvement ouvrier et des organisations d’extrême-gauche de disputer les consciences des travailleurs contre les obscurantistes, anti-vaxx en tous genres, militant d’extrême-droite et autres confusionnistes. Il faut par ailleurs rappeler ici que toutes les personnes non-vaccinées sont loin d’être anti-vaccins, mais subissent souvent les conséquences d’une gestion totalement erratique du gouvernement. Comme le note Jérôme Martin de l’Observatoire sur la transparence du médicament dans Basta Mag : « La Seine-Saint-Denis est un des départements les moins vaccinés, alors qu’il a été pourtant parmi les plus touchés par la première vague de l’épidémie en 2020. Ce n’est pas parce qu’il y aurait plus d’anti-vaccins en Seine-Saint-Denis, c’est parce que c’est une population qui, du fait notamment des revenus, aussi parfois à cause de la barrière de la langue, de l’exclusion de certains étrangers de la couverture maladie, est confrontée à des inégalités dans l’accès au vaccin. On connaît ces inégalités, elles sont parfaitement documentées. Les collectivités territoriales ont tenté de compenser cela, mais les moyens donnés par l’État ont été totalement insuffisants pour y faire face. »

Pour un programme articulant la question sanitaire et la question sociale

Les directions du mouvement ouvrier ont aussi la responsabilité de lier la lutte contre l’offensive autoritaire de Macron sur le plan sanitaire à la question sociale, et notamment les attaques en préparation contre l’assurance chômage, le régime de retraites, mais aussi le passe sanitaire, qui ouvre la voie à de nouvelles attaques contre le Code du Travail.

Plus en général, les directions syndicales devraient se mettre en première ligne pour lier les revendications pour en finir avec le chômage de masse, comme le partage du temps de travail, mais aussi lutter contre les licenciements qui pourraient s’accélérer avec la fin annoncée du chômage partiel. Des questions qui n’étaient pas totalement absentes des mobilisations samedi. Comme le note à nouveau Radio Bip à propos de la manifestation à Besançon : « Si les questions de la vaccination et de ses conséquences dominent évidemment, l’émergence de préoccupations sociales en filigrane apparaît prendre également de l’ampleur. Un double front qui explique sans doute le succès grandissant de ces rassemblements, surtout à un peu plus de huit mois des prochaines présidentielles. ».

Sur la question sanitaire, il est aussi plus que nécessaire que le mouvement ouvrier se dote d’un programme qui cherche à résoudre la défiance par rapport au vaccin du fait du discrédit de la parole publique. Pour rompre avec cette défiance qui règne sur l’efficacité du vaccin et les technologies ARN messager, la création d’une commission indépendante ou siégeraient des soignants et des représentants de la population, pour prendre connaissance de l’ensemble des données scientifiques, serait fondamental. Ces travaux permettraient de nourrir une campagne dans les lieux de travail, les lieux d’études et les quartiers populaires, pour convaincre de la vaccination et l’organiser au plus près de ceux dont les conditions de vie (travail, isolement) rendent difficile de trouver le temps de s’informer ou de se vacciner. Un tel travail permettrait de lever une grande partie des doutes qui peuvent encore rester sur le vaccin et d’élargir la vaccination.

Finalement, face à la défiance contre la vaccination nourrie par les scandales sanitaires à répétition en lien avec Big Pharma, comme pour le vaccin sur l’hépatite B, il s’agit d’exiger la levée immédiate des brevets sur le vaccin contre la Covid-19, l’expropriation des grandes sociétés pharmaceutiques sous contrôle de leurs salariés, la création de 100.000 lits d’hospitalisation, des embauches massives dans les hôpitaux et les Ehpad et des augmentations de salaire de 500 euros net pour les travailleurs hospitaliers, tous métiers confondus !

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