CORONAVIRUS – “Jusqu’à présent, on n’avait rien. Pas de médicaments. Maintenant, on a des espoirs”. Ce jeudi 26 août sur Europe 1, le très prudent président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, lâche un peu la bride. D’ordinaire, sans données complètes ni preuves tangibles de l’efficacité d’une molécule contre le Covid-19, il freine des quatre fers.
Mais cette fois, il y a de l’“espoir”. Jean-François Delfraissy croit en untraitement contre le Covid-19 disponible “dès la mi-novembre”. “Il y a plusieurs compagnies qui construisent de nouveaux médicaments dirigés contre les enzymes du Sars-Cov-2, ces petits bouts du virus qui lui permettent de se multiplier”, selon l’immunologiste.
La veille sur le plateau du 20 heures de France 2, il évoquait déjà cette piste qui “changerait la donne”. Imaginez. Quelques cachets pendant cinq jours, et le tour est joué. À avaler dès l’apparition des premiers symptômes, une fois le diagnostic établi. Le traitement serait surtout destiné aux personnes à risque, dans un premier temps. “Cela empêcherait d’évoluer vers une forme grave et de contaminer les autres”, détaille Delfraissy. Et de lancer, bravache: “La science est en marche”.
Proche d’un antiviral en gélule
De quel médicament parle le président du Conseil scientifique? Une molécule sort du lot: le Molnupiravir. “Je pense que le Pr. Delfraissy faisait écho à cette substance, initialement développée contre la grippe par le laboratoire Merck Sharp and Dohme”, s’avance auprès du HuffPost le chimiste Jean-Hugues Renault.
Ce chercheur au CNRS connaît bien les molécules potentiellement efficaces contre le coronavirus. Il a lancé HT-Covid, au début de l’épidémie. Un projet virtuel qui passe en revue des centaines de milliers de molécules chaque jour, pour ”élargir le champs des possibles”, et ne rater aucun candidat potentiel.
“Merck a fortement accéléré les essais de phase II et III du Molnupiravir. Les essais devraient effectivement se terminer fin 2021. C’est un analogue nucléosidique, un antiviral qui empêche la multiplication du virus dans nos cellules. Et il est formulé par voie orale”, argumente-t-il. Le profil correspond.
En juin dernier, de premières analyses ont été dévoilées. Elles sont favorables, avec peu d’effets secondaires. Le Molnupiravir réduirait notamment la charge virale, et donc les chances de transmettre le virus. Pour connaître son efficacité en détail, il faut encore attendre.
Sa formule “per os”, par voie orale, permettrait de le prescrire massivement et rapidement, ce qui le rend particulièrement intéressant. Les États-Unis ont déjà versé 1,2 milliard de dollars de précommande. Plusieurs pays réfléchissent à l’autoriser, mais les bons résultats du Molnupiravir restent à confirmer.
“Tout peut s’écrouler”…
Sur Europe 1, Jean-François Delfraissy tempère: “Tout peut s’écrouler. Des toxicités inattendues peuvent se révéler durant les tests”. Le sujet est sensible. Scientifiques et industriels veulent éviter un emballement médiatique à propos d’une molécule qui s’avère inefficace. Cela nuirait à la lutte contre le Covid-19.
Ce vendredi 27 août sur France Info, Yazdan Yazdanpanah nuance également: “On n’a pas encore de résultats. On a des pistes”, met en garde ce spécialiste des maladies infectieuses, autre membre du Conseil scientifique.
Des pistes, au pluriel? En effet, d’autres médicaments à avaler pourraient prétendre à une autorisation de mise sur le marché dans les prochains mois. Parmi eux, l’AT52, un antiviral actuellement en phase II et III. Lui aussi présente des résultats préliminaires prometteurs. Il diminuerait la charge virale de 80%, selon un communiqué de ses fabricants (Roche et Atea Pharmaceuticals) datant du 12 août.
Enfin, une équipe de l’Institut national de santé et de recherche médicale (Inserm) tente de démontrer que l’Alisporivir de DébioPharm, conçu contre l’hépatite C, fonctionne aussi sur le Sars-Cov-2. L’Alisporivir est actuellement en phase II. “Dans ces trois cas, la molécule existait déjà et a montré un potentiel sur le SARSCoV2, ce qui est effectivement de nature à accélérer singulièrement une mise sur le marché”, estime Jean Hugues Renault.
… mais les bons résultats se succèdent
En déclarant “croire à des médicaments avant la fin de l’année”, Delfraissy sort de sa réserve scientifique. Il faut dire que depuis quelques mois, les bonnes nouvelles pharmaceutiques se succèdent. La course au remède est relancée. Elle touche quasiment au but avec les anticorps monoclonaux, une autre gamme de médicaments, potentiellement efficace, mais moins pratique. Ces molécules sont essentiellement administrés en intraveineuse.
L’une d’entre elles est déjà utilisée en France. Le 6 août 2021, la Haute Autorité de Santé (HAS) a octroyé une autorisation d’accès précoce au Ronaprève, en attendant que l’Agence européenne (EMA) du médicament se prononce sur sa commercialisation.
Elle ne devrait pas tarder. “L’efficacité et la sécurité de ce médicament est fortement présumée”, indique la HAS, dans un communiqué. Le Ronapreve est donné en prévention, avant ou au début de l’infection. Il est surtout utile aux immunodépressifs. Sur eux, le vaccin ne marche pas.
Le 14 juin, l’entrepriseCelltrion a de son côté annoncé 70% d’efficacité contre les formes graves du Covid-19, pour son traitement à anticorps monoclonaux appelé Regdanvimab. Lui aussi est à prescrire dès le début de l’infection, en perfusion.
“La phase III est finie, les résultats sont très bons, on est en discussion permanente avec l’Agence européenne du médicament (EMA)”, se réjouit Salim Benkhalifa, directeur médical France chez Celltrion, interrogé par le HuffPost. Un pays le commercialise déjà: la Corée du Sud.
En attendant, le vaccin
Sept molécules sont actuellement examinées par l’EMA. L’institution a le dernier mot. C’est elle qui autorise la mise sur le marché des molécules pharmaceutiques. D’autres pistes sont également encourageantes, mais un peu moins avancées en Europe.
Ainsi, AstraZeneca a dévoilé les premiers résultats des essais de phase III de l’AZD7442, un autre traitement combinant deux anticorps monoclonaux, le tixagevimab et le cilgavimab. Son injection par voie intramusculaire permettrait de réduire de 77% le risque de développer une forme symptomatique de la maladie.
PF-07321332 de Pfizer, XAV-19 du Français Xenothera ou encore la Fluvoxamine, un antidépresseur testé par une équipe de l’Inserm dont les premiers résultats positifs ont été annoncés la semaine dernière… La liste des médicaments en phase III s’allonge.
Ces molécules pourraient compléter l’arsenal dont nous disposons pour lutter contre le Covid-19. Mais pour l’instant, seule la vaccination a réellement prouvé son efficacité. Pour le reste, il faut encore patienter.
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