[ad_1] 2021-09-13 11:25:37 Rapports de force
Depuis le mois d’août, les actions de protestation contre le contrôle du passe sanitaire à l’entrée des bibliothèques municipales se multiplient à Toulouse, Brest, Lyon ou encore La Rochelle. À Grenoble, un mouvement de grève a débuté le 24 août à l’appel de six syndicats. Parallèlement, une journée nationale se prépare pour réclamer un accès sans passe sanitaire aux bibliothèques municipales, alors que celles des universités n’y sont pas soumises.
« Le pass sanitaire induit un contrôle et un filtrage dans l’accès aux services publics qui est en totale contradiction avec la conception de notre métier. Un service public doit être libre et ouvert à tous.tes, sans discrimination » explique les « Bibliothécaires de Grenoble en lutte » sur leur page Facebook. À l’origine de la grève entamée trois semaines plus tôt à l’appel des syndicats CGT, CFDT, FO, SUD, CNT et CFTC : de fortes tensions liées au contrôle de la situation sanitaire des usagers, des agents rétifs à l’application de ces vérifications menacés de sanction par le maire Éric Piolle, et le refus que les plus précaires – souvent les moins vaccinés – se voient fermer l’accès aux bibliothèques.
Un mouvement largement suivi, et une rare unanimité syndicale, qui ont pour effet, selon le nombre quotidien de grévistes, de fermer chaque jour cinq ou six des douze bibliothèques de la ville. « Le mouvement prend de l’ampleur. Nous sommes rejoints par nos collègues de plusieurs communes de proximité qui viennent sur nos rassemblements » explique Amandine, bibliothécaire etmilitante à Sud Collectivités territoriales. Un prochain rendez-vous est fixé pour mercredi, alors qu’un rassemblement le 1er septembre à 17 h réunissait 150 personnes devant une bibliothèque du centre-ville.
Pour les aider à tenir, les bibliothécaires ont lancé une caisse de grève en ligne en plus des appels à soutien sur les piquets de grève et d’une participation financière des organisations syndicales. Mais malgré des salaires peu élevés, leur détermination reste importante, elles qui n’ont pas compté leurs efforts pour s’adapter aux différentes vagues de la Covid-19, dans le but de maintenir ces lieux de culture accessibles.
Une bataille pour l’accès, pas contre la vaccination
Car le cœur de leur bataille est là : ne pas exclure une partie de la population des bibliothèques qui en plus d’être des lieux d’accès au savoir sont aussi des espaces dans lesquels des publics populaires viennent rédiger un CV ou utiliser un ordinateur pour des démarches administratives. Du coup, les bibliothécaires en lutte prennent le soin de signifier que la question de la vaccination ou de son refus n’est pas l’objet de leur combat. « En tant qu’agent, nous sommes soumis à l’obligation vaccinale puisque nous sommes un lieu avec contrôle du Pass. Donc la non-vaccination est à la marge, ce n’est pas forcement un sujet » explique Amandine. Ce que confirme Céline, une bibliothécaire militante à la CNT : « C’est une très petite proportion des équipes ».
Ici, ce n’est pas le refus des agents de se faire vacciner qui a été le levier de la grève. D’ailleurs, les tentatives de militants antivaccins aux relents complotistes, issus du groupe GreLive, de trouver là une tribune pour diffuser leurs thèses se sont heurtées à un refus des grévistes souhaitant rester sur leur champ professionnel. Le fait que ce groupe soit lié à RéinfoCovid et donc l’extrême droite a amplifié le rejet. Mais au-delà d’une séparation franche avec ces groupes, ce qui est en jeu est la conception même du rôle des bibliothécaires : « nous avions proposé à notre direction d’être un lieu pour qu’il y ait de l’info, d’utiliser ce service public pour faire de la pédagogie. C’est notre métier » affirme Amandine.
Un bras de fer avec Éric Piole
Mais en prévoyant des sanctions lourdes pour les agents qui refuseraient de filtrer l’entrée des bibliothèques, le maire a mis le feu aux poudres. « La décision du passe sanitaire est gouvernementale, mais celle de sanctionner les agents est une décision municipale. En regardant le décret, nous n’avons pas vu qu’il y aurait des sanctions pour les fonctionnaires qui refuseraient de contrôler », explique Céline qui considère qu’Éric Piolle fait du zèle.
« Notre maire s’est déjà mis dans des positions illégales il y a quelques années pour assumer un choix politique fort. C’est ce que lui demandent les bibliothécaires, alors qu’il s’est affiché publiquement contre le passe », s’étonne Amandine qui argumente que dans certaines communes des maires se sont engagés à ne pas faire appliquer le contrôle du passe. Mais non content de maintenir ses menaces de sanction le maire candidat à la primaire écologiste n’a jamais reçu l’intersyndicale ou les grévistes. Pas plus qu’il n’a répondu à une lettre ouverte des bibliothécaires en lutte écrite fin août. Pire expliquent des syndicalistes : ses équipes taxent volontiers les bibliothécaires en grève et l’intersyndicale d’opposition politique de droite. Avec peut-être le fantasme d’une tentative de déstabilisation du maire qui se rêve un destin présidentiel.
Et ce, malgré le caractère très marqué « défense du service public et des usagers » de la grève. Une attitude jugée méprisante, dénoncée par voie de communiqué par l’intersyndicale en date du 8 septembre. Communiqué auquel Éric Piolle a répondu. Mais pour maintenir sa décision : vous contrevenez à la loi, nous appliqueront des sanctions. Une position quelque peu en décalage avec sa dénonciation d’une gestion verticale de la crise sanitaire par Emmanuel Macron et qui avait conduit Éric Piolle à créer à Grenoble un « comité de liaison citoyen » spécifique au Covid-19.
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