L’audition de Frances Haugen, ancienne employée de Facebook se présentant comme une lanceuse d’alerte, a été l’occasion ce mardi pour les parlementaires américains de multiplier les attaques contre le réseau social, accusant son cofondateur et PDG Mark Zuckerberg de privilégier la recherche du profit au détriment du bien-être des utilisateurs.
Dans une rare unité bipartite entre démocrates et républicains, les élus du Congrès des Etats-Unis ont aussi exigé que les autorités de tutelle de Facebook enquêtent sur les accusations portées par Frances Haugen, selon laquelle les différentes messageries du groupe nuisent à la santé mentale des enfants et attisent les divisions au sein de la société.
Cette ancienne cheffe de produit au sein de l’équipe travaillant sur la désinformation civique chez Facebook a dénoncé le manque de transparence du groupe sur les moyens qu’il emploie pour inciter les utilisateurs à passer davantage de temps sur ses plates-formes, et ainsi augmenter ses propres recettes publicitaires.
Aussi addictif que la cigarette
Frances Haugen s’est néanmoins prononcée contre un démantèlement du groupe, qu’elle verrait comme une mesure contre-productive.
« La direction du groupe sait comment rendre Facebook et Instagram plus sûrs, mais elle n’entreprendra pas les changements nécessaires parce qu’ils placent leurs profits astronomiques au-dessus des gens. Une action du Congrès est nécessaire », a-t-elle dit.
Lors d’une apparition dimanche sur CBS, Frances Haugen a révélé être la source des documents utilisés dans une enquête du Wall Street Journal et lors d’une audition au Sénat sur les conséquences de l’utilisation d’Instagram chez les adolescentes.
Les articles du Wall Street Journal ont montré que Facebook avait contribué à intensifier la polarisation des débats en ligne en modifiant son algorithme de contenus, s’était montré incapable de prendre les mesures suffisantes pour lutter contre le scepticisme à l’égard des vaccins, et avait conscience de la nocivité d’Instagram pour le bien-être mental des adolescentes.
Frances Haugen a aussi accusé Facebook de n’avoir quasiment rien entrepris pour empêcher des utilisateurs de se servir de ses réseaux pour organiser des actions violentes.
Des messages et des discussions sur Facebook ont ainsi précédé l’envahissement du Capitole, le 6 janvier à Washington, par des partisans de l’ancien président américain Donald Trump contestant sa défaite au scrutin de novembre face à Joe Biden.
Dans son propos introductif, le président de la sous-commission, le démocrate Richard Blumenthal, a affirmé que Facebook avait conscience du caractère addictif de ses produits, tels des cigarettes.
« Le secteur de la ‘tech’ connaît désormais son moment de vérité saisissant, comme celui qu’a connu l’industrie du tabac », a-t-il dit.
« À quoi pensions-nous ? »
Il a invité Mark Zuckerberg à venir témoigner devant sa commission et a réclamé l’ouverture d’enquêtes de la part de la Securities and Exchange Commission (SEC), le « gendarme » de Wall Street, et de la Federal Trade Commission (FTC), la commission fédérale du commerce.
« Les victimes, ce sont nos enfants. Les adolescents qui se regardent aujourd’hui dans un miroir ressentent des doutes et de l’insécurité. Mark Zuckerberg devrait se regarder dans un miroir », a insisté Richard Blumenthal, reprochant au PDG de Facebook de préférer faire de la voile, comme en a témoigné une vidéo qu’il a diffusée ce week-end, plutôt que de se livrer à un tel exercice d’introspection.
La sénatrice Marsha Blackburn, principale représentante des républicains au sein de la commission, a elle aussi accusé: « Il est évident que Facebook accorde la priorité au profit sur le bien-être des enfants et de tous les utilisateurs. »
Son collègue républicain Dan Sullivan a lui aussi insisté sur l’impact d’Instagram, messagerie de photos et de vidéos, sur les adolescents. « Je crois que si on regarde 20 ans en arrière, chacun de nous va se dire ‘mais bon sang à quoi pensions-nous?' », a-t-il dit.
Dans un courriel envoyé avant cette audition, Kevin McAlister, porte-parole de Facebook, a assuré que le groupe accordait davantage d’importance à la protection de ses utilisateurs qu’à la recherche du bénéfice. Il a ajouté qu’il était inexact d’affirmer que des notes internes ayant fuité auprès du grand public apportaient la preuve qu’Instagram est « toxique » pour les adolescentes.
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