Jean–Marc Sabatier, directeur de recherches au CNRS de Marseille et docteur en biochimie
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Avant de voyager dans les cellules de notre corps sous la conduite de Jean-Marc Sabatier et pour bien comprendre les écueils des vaccins actuels contre le SARS-CoV-2 et leur nécessaire évolution vers de nouvelles générations, il faut savoir qu’il existe trois types d’anticorps :
- Les anticorps ‘’neutralisants’’ qui vont combattre et neutraliser le virus. Ce sont les plus connus du grand public. Leur production est souhaitée lors d’une vaccination ;
- Les anticorps ‘’neutres’’ qui vont reconnaître la protéine Spike du SARS-CoV-2, impliquée dans l’infection des cellules, mais ne seront pas protecteurs ;
- Les anticorps ‘’facilitants’’ qui, contrairement aux anticorps ‘’neutralisants’’, vont favoriser l’infection des cellules par le virus (ces anticorps se retrouvent lors de la vaccination des chats contre le virus de la PIF, comme lors de la vaccination contre le SARS-CoV-2 à l’origine de la Covid-19 chez l’homme). Ce sont ces anticorps qu’il faut éviter de produire lors d’une vaccination.
Or, tous les vaccins actuels basés sur la protéine Spike du SARS-CoV-2, contiennent ces trois types d’anticorps. D’où les difficultés que l’on constate après la vaccination de certains patients. D’où aussi la stratégie vaccinale inquiétante de la 3ᵉ ou de la 4ᵉ dose préconisée, y-compris en France, pour les patients souffrant de co-morbidités (obésité, diabète, hypertension, etc.). Jean-Marc Sabatier nous explique pourquoi.
Dans un précédent entretien, vous avez démontré les fortes similitudes qui existent entre le virus du chat, appelé virus de la PIF (péritonite infectieuse féline), et le virus SARS-CoV-2 provoquant la Covid-19. Or, les essais de vaccins sur le chat ont été contre-productifs. Pourquoi ?
Nous avons vu en effet que le coronavirus de la PIF (péritonite infectieuse féline) du chat présentait de fortes analogies avec le coronavirus SARS-CoV-2 responsable de la Covid-19 chez les humains. Nous avons vu également que non seulement les essais de vaccination du chat avec une souche avirulente de la PIF ne protègent pas les chats vaccinés mais, au contraire, favorisent l’infection du chat exposé ultérieurement à une souche virulente du virus de la PIF.
Ces données montrent l’existence (dans ce cas) d’un phénomène appelé « ADE » (antibody-dependent enhancement » (« facilitation dépendante des anticorps »). Dans ce mécanisme, des anticorps « facilitants » sont présents. Ceux-ci se fixent sur le virus de la PIF et facilitent l’infection des cellules par le virus. En effet, les cellules phagocytaires (monocytes, macrophages, cellules dendritiques…) possèdent un récepteur (appelé FcgRIIa) capable de reconnaître les anticorps fixés à la particule virale, ce qui permet l’infection de ces cellules par internalisation du complexe virus-anticorps.
L’ « ADE » dans les infections respiratoires est inclus dans une catégorie plus large appelée « ERD » (« enhancement respiratory diseases » = « facilitation des maladies respiratoires ») qui comprend également des mécanismes non basés sur des anticorps (tels que les orages de cytokines et l’immuno-pathologie à médiation cellulaire) qui favorisent le processus infectieux et les effets délétères du virus.
Il a été récemment mis en évidence une proportion anormalement élevée de personnes vaccinées contre SARS-CoV-2 présentant des formes plus graves de la Covid-19, que lors d’une infection virale de personnes non vaccinées.
Par analogie avec le virus de la PIF du chat, il apparaît envisageable que le phénomène « ADE » (ou « ERD » en général) se retrouve lors de la vaccination contre le SARS-CoV-2.
Que faudrait-il faire ?
L’objectif est de produire une protéine Spike vaccinale incapable de se fixer sur le récepteur ECA2 afin d’éviter les potentiels effets délétères directs de la protéine Spike et d’éviter le phénomène « ADE » (voire « ERD »).
Le « challenge » consiste donc à conserver (au maximum) les éléments « clés » de reconnaissance de la protéine Spike par le système immunitaire, à savoir les régions de la protéine Spike qui vont être reconnus par le système immunitaire de l’hôte (le vacciné) et qui vont induire une immunité neutralisante protectrice.
Plus précisément, il s’agit de conserver les épitopes B et T (régions spécifiques de la protéine Spike reconnues par le système immunitaire) protecteurs. Les épitopes B induisent la production d’anticorps par les lymphocytes B activés, tandis que les épitopes T sont reconnus par les lymphocytes T (lymphocytes cytotoxiques) chargés de combattre et de détruire les cellules infectées par le virus.
Il faut donc enlever (dans la mesure du possible) les épitopes B « facilitants » qui favorisent l’infection des cellules par le SARS-CoV-2.
Quid des vaccins actuels ?
L’idée est de rendre inerte la protéine Spike vaccinale en la modifiant de sorte qu’elle soit incapable de se fixer sur son récepteur ECA2 et de suractiver le système rénine-angiotensine (SRA). Ce qui n’est pas le cas avec les vaccins actuels, qu’ils soient à ARNm ou à vecteurs viraux atténués (adénovirus).
Autrement dit, les vaccins peuvent produire les mêmes effets que le virus SARS-CoV-2 et se montrer capables de conduire à des maladies de la Covid-19.
Ces protéines vaccinales ont montré qu’elles sont potentiellement capables de se fixer sur le récepteur ECA2 et de suractiver le SRA à l’origine des maladies Covid-19. Un individu sain pourrait ainsi développer des maladies de type Covid-19 à l’issue d’une vaccination.
Inquiétant. Comment peut-on corriger le tir ?
En modifiant la protéine Spike vaccinale pour qu’elle devienne incapable de se fixer sur sa cible (le récepteur ACE2) et de déclencher de potentielles maladies Covid-19. De plus, il faudrait idéalement que cette protéine Spike soit modifiée pour en retirer les régions qui contiennent les épitopes B « facilitants ».
Techniquement, est-ce possible ?
C’est réalisable en identifiant les régions de la protéine Spike à l’origine de la production des anticorps « facilitants » et en les enlevant de la structure finale de la protéine Spike vaccinale. Cela nécessite un travail préalable d’identification des épitopes B « facilitants ».
Il existe une autre approche qui consisterait à produire des vaccins synthétiques basés sur des peptides (fragments de la protéine Spike) qui miment les épitopes B et T protecteurs de la protéine Spike.
Pourquoi les grands laboratoires ne l’ont-ils pas fait ?
Parce que les laboratoires sont allés au plus simple (j’imagine que c’était déjà compliqué) en créant leurs vaccins. La protéine Spike est une grande molécule qui comprend globalement deux parties : une sous-unité externe S1 (qui permet la fixation au récepteur ECA2) et une sous-unité S2, qui permet la fusion des membranes du virus et de la cellule cible. Les vaccins actuels sont basés sur une protéine Spike dans laquelle la sous-unité S2 impliquée dans le processus de fusion membranaire a été modifiée.
Il conviendrait ici de modifier également la sous-unité externe S1 en lui retirant les régions « facilitantes » qui vont favoriser l’infection des cellules par le virus.
On peut donc théoriquement fabriquer rapidement de nouveaux vaccins ?
Il est aussi possible de produire des vaccins synthétiques basés sur des molécules (peptides) qui miment des épitopes B (« neutralisants ») et T (protecteurs) de la protéine Spike. On peut y rajouter des peptides dérivés d’autres antigènes viraux du SARS-CoV-2 (ces antigènes sont la protéine N de la nucléocapside, la protéine E de l’enveloppe, la protéine M de la membrane virale, de la glycoprotéine de fusion hémagglutinine estérase, indispensables pour l’infectivité du coronavirus).
Autrement dit, la majorité des vaccins repose sur la protéine Spike : il est possible d’ajouter un ou plusieurs autres antigènes viraux afin d’augmenter l’efficacité des vaccins.
Par exemple, les vaccins chinois Sinopharm (Eponyme) et Coronavac (Sinovac) sont basés sur le virus SARS-CoV-2 inactivé, ce qui signifie qu’en théorie ils pourraient conférer une protection supérieure aux autres, car ils ont tous les antigènes viraux. Cependant, l’inactivation chimique du virus entraîne des modifications de ces antigènes pouvant conduire à une réponse immunitaire protectrice moins efficace. Cette inactivation chimique du virus entraîne (entre autres) des modifications de la structure tri-dimensionnelle de ces antigènes viraux.
Donc la vaccination ne protège pas totalement ?
On constate que l’immunité naturelle conférée lors d’une infection par le SARS-CoV-2 et ses variants apparaît nettement supérieure à celle conférée par une vaccination. Cette immunité naturelle repose sur la stimulation du système immunitaire de la personne infectée contre l’ensemble des antigènes viraux.
Selon les données actuelles, il semble que l’immunité naturelle conférée par le virus SARS-CoV-2 soit environ dix fois supérieure à celle obtenue par une vaccination contre la protéine Spike.
À quoi ressemblera la nouvelle génération de vaccins ?
On peut voir ainsi des pistes « nouvelles » pour une future génération de vaccins efficaces et dépourvus d’effets secondaires.
Dans cette nouvelle génération de vaccins, il faudra -à mon avis- produire une protéine Spike modifiée de sorte qu’elle ne soit plus capable de se fixer sur le récepteur ECA2 des cellules cibles.
- En empêchant la suractivation du SRA, on devrait prévenir le déclenchement de potentielles maladies de la Covid-19 ;
- En supprimant les épitope B « facilitants » de la protéine Spike, on devrait obtenir une réponse immunitaire humorale (anticorps) plus efficace ;
- En rajoutant à cette composition vaccinale un ou plusieurs antigènes viraux, on pourrait augmenter le potentiel protecteur des vaccins.
Une telle stratégie est aussi valable pour la mise en point d’un vaccin efficace contre le virus de la PIF du chat.
Dans ces conditions êtes-vous favorable à l’injection d’une 3ème voire d’une 4ème dose de vaccin, dès la rentrée, pour les patients souffrant de co-morbidités ?
Si le phénomène « ADE » (voire « ERD ») existe dans le cas de la vaccination actuelle, il est probable que ces rappels vaccinaux (3ᵉ et 4ᵉ doses) augmentent la proportion d’anticorps « facilitants », ce qui conduirait à un effet potentiellement opposé à celui recherché. Le remède serait alors pire que le mal.
*Jean-Marc Sabatier, Directeur de recherches au CNRS et Docteur en Biologie Cellulaire et Microbiologie, affilié à l’Institut de NeuroPhysiopathologie (INP), à l’université d’Aix-Marseille. Editeur-en-Chef des revues scientifiques internationales : « Coronaviruses » et « Infectious Disorders – Drug Targets » (DR)
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